Escalader la Muraille de Chine, ça laisse des traces de fatigue, surtout avec un brouillard épais et une humidité de plus de 70%, sans parler des bouchons interminables tout le long de la route qui y mène, en cette journée de week-end.
Des embouteillages comme on en trouve généralement sur les voies menant aux sites touristiques de renommée, notamment dans les grandes Nations et dans les pays industrialisés. Et lorsqu’on y arrive, déjà un peu éprouvé par la route, on ne manquera pas naturellement de s’arrêter pour souffler au cours de la visite. Mais comme je l’ai fais, ça vous donne parfois une posture étrange, un air de comédien, (photo 1). Ce n’est pas le cas de tout le monde. Il y’en a qui s’acclimate plus facilement, qui vivent l’épreuve en guerrier. Regardez cet homme de Yeghref, de cette plaine très fertile bien connue des paysans de l’Adrar en Mauritanie (photo 2) : il se fond dans la masse. Le repérer, l’identifier, parmi les habitants, et/ou, au sein de ces marées de touristes venus de tous les cons du monde, constituaient un gros souci pour moi, alors que le sien était bien différent. Il tenait à aller le plus loin possible dans l’escalade, (photo 3). Et dès qu’il y arrive, il veut, en plus, mémoriser son passage dans ce coin fascinant en mettant en relief le caractère militaire de cette forteresse. Dans ce cas, quoi de plus parlant que d’exécuter des moments d’arrêts « stratégiques » pour admirer bouches à feu et canons, (photo 4). De vieilles carcasses de pièces d’artilleries très anciennes qui sont présentes encore, perchées sur le muraille. Elles sont placées ici, à côté de certaines de ces tours construites le long de la muraille suivant des intervalles bien définis. Elles se présentent aux visiteurs comme témoins et acteurs, aux rôles souvent déterminants, de conflits datant d’époques immémoriales. Mon compagnon s’y appuie légèrement, avec son bras, comme s’il les caressait avec affection. Il y titillait la grande mémoire historique que ces engins constituent aujourd’hui. Bien qu’érodés par le temps, ils sont là , ces monuments militaires, très bien conservés. Ils vous parlent, en témoins oculaires, du passé de cette Chine guerrière et courageuse, énigmatique et fascinante. Ils rappellent aux visiteurs curieux, que nous sommes, qu’il nous reste beaucoup d’efforts à déployer pour pénétrer dans les fins fonds de cette civilisation, glorieuse, riche et passionnante, qui remonte aux origines les plus lointaines de l’histoire de l’humanité. Telles sont les sensations qui me vinrent en ce moment à l’esprit, en observant mon ami. "Il doit les partager", me dis-je, en le voyant s’arrêter assez longuement devant ces vieux engins militaires d’un autre âge. Diplomate mauritanien comme moi, il l’est, mon compagnon. C’est son métier. Et c’est à ce titre que nos chemins se sont croisés depuis quelques semaines. Mais c’est son esprit guerrier dans l’âme, et son sens poussé d’un l’humour bien maitrisé qui cache mal son sérieux, qui ont prévalu pendant cette journée mémorable que nous avons passée ensemble. Sans ces qualités dont il fait montre, ma première visite de la grande Muraille de Chine, n’aurait sans nul doute pas cette saveur agréable, festive et joyeuse. Sa compagnie m’a aidé à oublier, les contraintes liées à la mauvaise météo et à mon ignorance de la langue des citoyens du pays. Je note au passage que le comportement de ces derniers, comme gens simples, sérieux, travailleurs et disciplinés, compense largement mes déficits en communication verbale avec eux, transcendant ainsi la barrière linguistique, en quelques sorte. Cette remarque faite, je reviens à mon ami pour lui dire, parois sérieux, parfois plaisantant: " Merci, cher Bahah Ould El Ghourbi. Tu es un très bon compagnon. Seulement, ne te moque pas trop de ton compagnon quand il ne trouve pas ses repères géographiques sur la carte. Tu sais bien que j’ai un bon alibi : elle est rédigée en chinois. Même si cette carte porte quelques indications en anglais, cela ne m’aide pas beaucoup pour le moment. Toi et moi, nous travaillerons ensemble pour relever ce défi. Je t’y invite. Bien que débutants, nous ferons certainement un bon binôme de topographes, pourvu que l’on ne se perde pas, "pommés" dans les immenses contrées de cette Chine, complexe, profonde et insondable. En effet, l’attachement à ce beau pays mythique pourrait conduire des passionnés, comme nous, à aller trop loin, à changer de repères, pour finalement se retrouver je ne sais où ». Mon instinct m’indique que ce magnifique pays détient tous les atouts pour attirer vers lui les visiteurs, d’en faire des amoureux inconditionnels, obsédés et possédés par la Chine. Une faculté bien propre au pays de Confucius et de Mao Zédong. Un pays de merveilles ! El Boukhary Mohamed Mouemel Beijing, Août 2014
|