Le glas a-t-il sonnĂ© pour Zeine Ould Zeidane?   
05/11/2007

Six mois Ă  peine après sa nomination par la PrĂ©sident de la RĂ©publique en tant que Premier responsable du gouvernement, Zeine Ould Zeidane aura confirmĂ© par sa confĂ©rence de presse du 30 octobre Ă©coulĂ©, tous les pronostics Ă©tablis par les observateurs de la scène politique et Ă©conomique de notre pays.
Le long monologue du Premier Ministre prononcĂ© en guise de prĂ©sentation de son bilan coĂŻncidant avec 6 mois de gestion (de mai 2007 Ă  novembre 2007) n’avait d’évidence pas convaincu beaucoup de monde, en particulier au niveau de l’assemblĂ©e de journalistes invitĂ©s pour la circonstance.



Ce doute gĂ©nĂ©ral Ă©tait d’autant plus marquĂ© pendant et après cette confĂ©rence de presse, que M. Zeine Ould Zeidane entourĂ© de son Gouvernement et de ses conseillers pour la bonne cause, a superbement ignorĂ© la rĂ©alitĂ© quotidienne des mauritaniens, confrontĂ©s Ă  une multitudes de problèmes qui vont de la hausse prohibitive des prix, Ă  l’insĂ©curitĂ© publique, en passant par l’incurie de l’administration. Les citoyens ont en effet, plus que jamais, renoncĂ© Ă  aller requĂ©rir des services ordinaires de l’Etat comme demander un papier ou avoir une simple rĂ©ponse Ă  une dolĂ©ance.
Pour trouver des explications, plus personne Ă  Nouakchott ou ailleurs n’est aujourd’hui «en dehors du coup». Chacun, chacune a son commentaire, son analyse et ses pronostics sur l’avenir. Chacun, chacune a son histoire favorite. Rumeurs ou pas rumeurs, les mauritaniens exorcisent ainsi leur quotidien misĂ©rable. D’ailleurs, au vu des avenues longilignes de Nouakchott et des rues passantes exhibĂ©es superbement par les chaĂ®nes satellites y compris la TĂ©lĂ©vision nationale, tout le monde s’accorde Ă  dire «qu’on se croirait dans un autre pays situĂ© quelque part dans la corne de l’Afrique». Passants dĂ©liquescents et voitures enfumĂ©es dignes d’un autre age…
Pour autant, et c’est ce qui dĂ©range entre autres prĂ©occupations alarmantes, les cadres Â«bien en vue» passent leur temps Ă  se relayer sur le petit Ă©cran et ainsi, Ă  supputer leurs chances d’occuper un poste «juteux» quelque part dans le circuit hiĂ©rarchique du nouveau parti-Etat en cours d’installation contre vents et marĂ©es, voire de consolider une place acquise tant bien que mal dans la nomenklatura des notables rĂ©gionaux, souvent prompts Ă  enterrer leurs propres administrĂ©s si cela pouvait leur permettre d’arrondir leurs intĂ©rĂŞts ou de renforcer leur mainmise sur leurs «sujets.»
Chiffres, chiffres, toujours des chiffres
Les programmes, les dossiers de presse, sont montĂ©s pour donner l’impression que le pays est en grande construction : chiffres, chiffres, toujours des chiffres. Des comparaisons, toujours des comparaisons avec des pays voisins et des rĂ©gions voisines. Le pire est que nos responsables ministĂ©riels et intermĂ©diaires ont perdu pour la plus part les repères de leur environnement de travail. La Premier Ministre n’a d’ailleurs pas pu Ă©chapper Ă  cette emprise de la rĂ©fraction des choses et des objets. Ni le temps, ni l’espace ne sont pris en compte dans l’analyse officielle : il suffit de dire cela de telle façon pour croire fermement que cela va bien dans le meilleur des mondes. D’ailleurs, comble du ridicule, le projet du Gouvernement Ă  tenir des Conseils de Ministre en allant de rĂ©gion en rĂ©gion pour «rĂ©gler les problèmes sur place». Encore une autre manière de meubler le temps et de rendre encore plus dure la dĂ©sillusion des gouvernĂ©s qui se rĂ©veillent tous les jours avec un lendemain encore plus incertain. Ce sont les fournisseurs de carburant et de nourriture qui vont se rĂ©jouir d’une telle idĂ©e assez originale.
Ces difficultĂ©s inextricables sont doublĂ©es d’un sentiment d’abandon gĂ©nĂ©ral de la chose publique : moins que jamais l’espoir ne pointe guère Ă  l’horizon. Dès la nuit tombĂ©e les fonctionnaires s’enturbannent (une manière comme une autre de travailler au noir) pour arrondir la recette de leur mĂ©nage en s’improvisant taximan le temps d’avoir 1000 ou 1500 ouguiyas «pour le carburant ou pour le petit dĂ©jeuner des gosses». Cette situation de dĂ©brouille touche tout le monde : cadres de la fonction publique, militaires, policiers, pour ne citer que ceux lĂ .
Cela est d’autant plus marquant que les médias publics et les responsables ministériels vivent sur une autre planète.
Le Premier Ministre se prĂ©pare Ă  inaugurer une demeure de rĂŞves, en plein quartier populaire (au Ksar), construite Ă  coups de centaines de millions. Tous les matins on peut voir les ministres du Gouvernement assis Ă  l’arrière d’une Mercedes de haute gamme, le regard lointain, se faufiler entre les «taxi tout droit» et des vĂ©hicules en ruine allant dans tous les sens au milieu de piĂ©tons dĂ©sorientĂ©s comme en plein dĂ©sarroi.Tout cela, dans ce tohu -bohu incroyable de klaxons et de ruades.

Comment en est on arrivĂ© lĂ  ?
Les mauritaniens n’en sont pas Ă  leur premier gouvernement, ni Ă  leurs premières difficultĂ©s, et pourtant, tout le monde s’accorde Ă  dire que jamais un mauritanien n’a vĂ©cu pareille disette. Les analyses vont Ă  cet Ă©gard bon train, mais c’est sans doute le flot de promesses ayant meublĂ© abondamment la campagne de Zeine Ould Zeidane qui semble ĂŞtre pour beaucoup dans ce sentiment de dĂ©ception gĂ©nĂ©rale.
Les mauritaniens se sentent comme dupĂ©s. Ayant coptĂ© le «licenciement» de leur prĂ©sident attitrĂ© pendant plus de vingt ans, le 3 aoĂ»t 2005, un prĂ©sident attitrĂ© de surcroĂ®t du l’épithète Â«Aghdaf» ou porte bonheur, voilĂ  qu’ils se retrouvent avec un Premier Ministre prolixe, chargĂ© de promesses, mais qui ne semble attirer que les fougues de la nature : sĂ©cheresse de la terre mais aussi sĂ©cheresse de la mer, paradoxalement dans les inondations. Comme une malĂ©diction, il n’ y a plus de pĂ©trole. N’eut Ă©tĂ© la hausse des prix, il y a longtemps que les compagnies seraient parties avec armes et bagages. Les Adrarois en viennent pour bon nombre Ă  se demander comment Ă©tait-il possible qu’ils aient pu soutenir une telle campagne. Tout le monde le sait, en effet, sans la manne des gens d’Atar, pour l’essentiel, jamais un jeune homme comme Ould Zeidane n’aurait pu franchir la barre de 1% des suffrages nationaux, les Ă©lections s’étant fortement polarisĂ©s entre les «pour» et les «contre» le coup d’Etat du 3 aoĂ»t, devenu lĂ©gendaire dans les annales de la triste histoire des renversements d’alliances au sein du pouvoir militaire.
Zeine Ould Zeindane n’est peut ĂŞtre pas le pire des Premiers Ministres que la Mauritanie peut avoir. En d’autres Ă©poques elle aura connu encore plus mauvais. Mais Ă  sa charge, la logique de la division des responsabilitĂ©s Ă©tait diffĂ©rente. Alors que Maouya travaillait allègrement par «dessus» ses Chefs de Gouvernements, Sidioca a lui, remis une lettre de mission Ă  son Premier Ministre. Cela a suffi pour diriger le regard de tout le monde sur ce jeune homme qui promet monts et merveilles Ă  tours de bras, jurant de transformer d’un coup de main la Mauritanie du point de vue gestion en une entreprise, un peu comme est gĂ©rĂ©e Singapour. Autre rĂ©alitĂ©s, autres perceptions. Sidioca lui, qui n’avait «rien promis» convainc tout le monde et arrive Ă  s’attirer les sympathies de tout le public. «Ses» dossiers, «sa» mission, eux, marchent : les dĂ©portĂ©s, le passif humanitaire, la concertation avec les partis d’opposition, pour ne citer que ces aspects de la vie nationale. Mais pour le PM, pas guère de cadeau et pour cause !
Sans parcours politique jusqu’alors, arrivĂ© sans vĂ©ritable expĂ©rience Ă  la tĂŞte du gouvernement, un avènement,,de fait, facilitĂ© par les dĂ©chirements entre les grands collèges d’électeurs mauritaniens qui avaient jouĂ© Zeine Ould Zeidane pour les pro-Maaouya contre Sidioca pour les pro-CMJD, le nouveau PM dĂ©couvre ainsi qu’on ne peut facilement assurer le rĂ´le de coordinateur de la politique gouvernementale lorsqu’on a pas la transversalitĂ© et la compĂ©tence indispensables pour gĂ©rer l’opinion, avant de pouvoir gĂ©rer le pays.
La Mauritanie de 2007 n’est pas en effet celle des annĂ©es 80 oĂą l’on pouvait dans le contexte mondial de l’époque, tolĂ©rer l’avènement de Premiers ministres, voire de prĂ©sidents en herbe.
La conduite des affaires de la Nation n’est plus menĂ©e en vase clos comme au bon vieux temps , dans un pays très pauvre, isolĂ© du reste du monde, sans moyens de tĂ©lĂ©communications et sans intĂ©rĂŞt majeur pour le reste du monde.
En effet, les terribles exĂ©cutions des annĂ©es 90 ne pouvaient ĂŞtre rĂ©alisĂ©es que dans un pays emmurĂ© dans l’oubli et le silence, comme la Mauritanie de l’époque.
La Mauritanie d’aujourd’hui est un pays Ă  part entière qui fonctionne naturellement comme un pays normal et le diriger, requiert des capacitĂ©s certaines, Ă©prouvĂ©es et admises par tous.
D’ailleurs l’ancien prĂ©sident Ould Taya l’a dĂ©couvert Ă  ses dĂ©pens, car en dĂ©pit des qualitĂ©s de leadership dont il disposait, il s’est toujours rĂ©vĂ©lĂ© un piètre gestionnaire et c’est pour cela, certes, entre autres griefs graves, que les mauritaniens l’ont Ă  la longue sanctionnĂ©.
Au cours de la dernière confĂ©rence de presse du PM, , Zeine Ould Zeidane a fait preuve d’un manque avĂ©rĂ© de savoir et de savoir faire pour expliquer aux mauritaniens le bilan de ses six mois de gestion.
Sur le plan Ă©conomique trois messages auront retenu de l’attention dans son allocution : l’excèdent budgĂ©taire, la maĂ®trise de l’inflation et la croissance Ă©conomique.
Or, pour autant qu’on le sache, son discours ne recoupe guère les avis très diffĂ©renciĂ©s de l’ensemble des citoyens de ce pays. 
Sur le plan sĂ©curitaire, les affirmations du PM rappellent la cĂ©lèbre boutade de COLUCHE quand il disait : «il y a beaucoup d’accidents en France tous les ans, heureusement, vu le nombre de morts, le taux diminue».
Pour le PM si l’on parle beaucoup aujourd’hui de dĂ©linquance c’est parce que, dit-il en substance, «sa police la dĂ©couvre» , ce qui est tout de mĂŞme cruel comme langage de responsable politique face au jugement de ses compatriotes.
Sur les grands dossiers, nous retenons le cas de la SNIM quand il affirme «que les commerçants ne vendent que les affaires qui marchent», confirmant ainsi les inquiĂ©tudes des observateurs et des spĂ©cialistes qui estiment que la SNIM parce qu’elle marche, n’est pas prĂ©cisĂ©ment Ă  vendre mais Ă  garder et Ă  consolider, vu le rĂ´le important qu’elle joue dans l’économie nationale ( projets de Tourisme, projets de technologie, la recherche minière et pĂ©trolière) et dans la vie quotidienne des villes du Nord, par exmple
De bout en bout le discours de Zeine aura Ă©tĂ©, en rĂ©alitĂ©, de se justifier et de nier la rĂ©alitĂ© criante qui l’entoure, en fait, une situation d’abandon et d’errements, comme si le pays n’était plus gouvernĂ©.
Du Nord au Sud et d’Est en Ouest les sentiments des mauritaniens sont des sentiments de détresse, d’inquiétudes et de peur pour le présent et pour l’avenir.
Jamais un gouvernement n’aura été tant décrié par les populations.
Durant toute la confĂ©rence de presse Zeine esquivera les questions posĂ©es par les journalistes confirmant une deuxième nature acquise Ă  l’époque oĂą le discours elliptique et le langage de bois Ă©taient de mise pour s’attirer l’attention du pouvoir.
Une telle situation peut-elle durer encore pour les mauritaniens ?
Les populations attendaient ne serait-ce qu’un langage de vĂ©ritĂ© susceptible de leur faire voir le bout du tunnel. HĂ©las, la sincĂ©ritĂ© n’était pas au rendez-vous et c’est prĂ©cisĂ©ment ce qui sera pour beaucoup dans le changement politique devenu inĂ©vitable, pour tenir compte de l’opinion, tant du cotĂ© de l’opposition que de la majoritĂ©.
Le meeting du 31 octobre n’est, semble-il que le premier d’une suite de manifestations destinĂ©es Ă  exprimer la lassitude et le dĂ©sarroi des mauritaniens.
Et pourtant l’espoir demeure. S’il est vrai qu’on ne vit pas que d’eau et d’amour, il est également exact que ce n’est pas en s’enfermant dans des congratulations d’autosatisfaction intellectuelle que pour autant on fera avancer la machine économique et sociale.
L’ Â«expĂ©rience ZZ», imposĂ©e au pays par des arbitrages politico rĂ©gionaux indispensables Ă  faire tourner la transition du pouvoir des mains des militaires vers les civils, aura tout de mĂŞme servi Ă  quelque chose.
Si la prĂ©sence de Sidioca conforte le citoyen moyen en l’Etat et la RĂ©publique, il est indispensable que la gestion au jour le jour du pays soit effectuĂ©e sous la houlette d’un responsable mur, avisĂ© et humble.
Nul doute que cette situation va trouver très rapidement une solution opportune qui sera la rĂ©sultante d’une large concertation entre les acteurs politiques et Ă©conomiques du pays. Jusqu’ici, la Mauritanie s’est accommodĂ©e d’une transition allant de mal en pis. Il est grand temps que le pays retrouve l’apaisement et la confiance.

MAOB


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