Les forgerons haussent le ton   
15/12/2012

Les Nouakchottois l’ont constatĂ©. Un discours contestataire  est en train de faire son chemin au sein de la communautĂ© des forgerons. Des Ă©criteaux Ă©taient subitement apparus sur les murs de Nouakchott, il y a plus de deux mois de cela, demandant plus de considĂ©ration pour cette communautĂ© et l’arrĂŞt de sa marginalisation.



 Puis, une structure dite «l’initiative des forgerons pour la lutte contre la marginalisation» a vu le jour et commencĂ© Ă  donner des confĂ©rences de presse,  dont la dernière le  8 dĂ©cembre 2012 Ă  Nouakchott. Que disent les organisateurs de cette initiative? Eh bien, comme TPMN, ils disent que l’anniversaire de l’indĂ©pendance (28 novembre)  leur rappelle l’injustice dont est victime leur communautĂ©. Ici, la comparaison releve bien Ă©videment du sentiment d’injustice et non de la nature de celle-ci, car pour TPMN le 28 novembre, c’est le souvenir des affreuses pendaisons d’Inal.

En prĂ©sence du secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’initiative, Mohamed Lemine Ould Wavi,  son prĂ©sident,  Cheikh Ould Beiba a mis en garde  contre  la colère de milliers de forgerons face Ă   leur  marginalisation , laquelle,  pourrait conduire la Mauritanie au modèle somalien. 

«C’est pour lutter contre la marginalisation de cette communauté qui représente 20% de la population mauritanienne que nous avons créée cette initiative» a précisé Ould Beiba . Et les organisateurs d’enchainer avec d’autres griefs notamment l’exclusion des forgerons des postes politiques, administratifs et des élus.

«Sur plus de 200 maires Ă©lus, il  y a pas un seul forgeron. Nous lançons ici des messages pacifiques mais si rien n’est envisagĂ©  pour notre communautĂ© nous descendrons dans la rue pour laver l’humiliation de notre communauté»,  a prĂ©venu Ould Beiba laissant entendre que les forgerons pourraient bien s’inspirer des modèles de lutte de IRA et TPMN en pointe sur les questions de l’esclavage et sur les  prĂ©occupations des negromauritaniens.
Stigmatisés et même raillés dans l’imagerie populaire, les forgerons ne tombent pourtant pas du ciel!
Ils  sont  d’authentiques Maures d’origine sanhaji, arabe ou africaine et ont toujours constituĂ© une caste spĂ©cialisĂ©e au sein des diffĂ©rentes tribus de l’anarchiste ensemble maure, oĂą tout y Ă©tait vague, imprĂ©cis et flottant  depuis les Sanhaja et les Beni Hassanes,  jusqu’à la pĂ©nĂ©tration coloniale en 1900.

A quelques rares exceptions, ces ensembles n’avaient pas de territoire gĂ©ographiquement et politiquement dĂ©terminĂ©s. Ils dĂ©testaient mĂŞme, la ville. Le groupe n’était en fait qu’une agglomĂ©ration de races  et de tribus diverses. Les tribus se dispersaient et se rĂ©pandaient en groupements diffĂ©rents, instables, remuants, vagabonds, indĂ©pendants et dĂ©sordonnĂ©s oĂą seuls, les chefs rĂ©gnaient par la force,  nous renseigne  un administrateur des colonies, George Poulet dans son excellent ouvrage «Les Maures de l’Afrique occidentale française» paru en 1904.

Dans cet univers,  prĂ©cise-t-il,  les marabouts impuissants,  les tributaires et les castes opprimĂ©es (dont celle des forgerons)  y Ă©taient rĂ©signĂ©es et  Ă  la fois, mĂ©langĂ©es et distinctes.
Au niveau du mental collectif, les choses ne semblent pas avoir Ă©normĂ©ment  Ă©voluĂ©, un siècle après que l’école eut supplantĂ© la mahadra, et  l’Etat,  le chef de tribu ou de... gang.

Elles sont en grande partie restĂ©es ce qu’elles Ă©taient du temps de la Badiya.
D’ailleurs mĂŞme après l’Etat-Nation  et au grĂ© des changements politiques, la stigmatisation touche de temps Ă  autre des groupes qui ne le furent  pas historiquement.
C’est pourtant  grâce au travail et au gĂ©nie incontestable de la caste des forgerons, que nous avions eu les mors, les Ă©triers, les sabres, les bijoux, les calebasses, les pipes, les briquets, les portes, les lits, le cuir travaillĂ© et bien d’autres produits qui font notre patrimoine et notre fiertĂ©.
Mais pourquoi sommes nous si fiers du produit,  et pas de celui qui l’a produit? Une question  qui rĂ©sume, parmi tant d’autres,  nos contradictions.
IOM


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Commentaires
Moctar Salem
moctsalem@yahoo.fr
2012-12-18 12:22:16

Vous avez absolument raison, mais il faut battre le fer pendant qu’il est chaud.

La redaction
editor@journaltahalil.com
2012-12-16 13:28:51

NB: Ici, la comparaison releve évidement du sentiment d’injustice et non de la nature de celle-ci, car pour TPMN le 28 novembre, c’est le souvenir des pendaisons d’Inal.
IOM



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