Pour remonter l’origine des Maures, il conviendrait, tout d’abord, d’explorer des ages aussi anciens que confus. Ce temps s’achève avec l’islamisation dont les débuts se situent aux VIIeme et VIIIeme siècles de l’ère chrétienne
Mais l’étape qui suscite davantage l’intérêt dans la formation de la société maure correspond, sans aucun doute, à la genèse, dans le Sahara des hommes enturbannés, de l’Etat almoravide. L’histoire de cet Etat qui a pris naissance en Mauritanie actuelle et dans ces environs immédiats a été suivie d’une époque qui s’étend du XIIeme au XVI eme siècles et dont les données sont, pratiquement, absentes de l’enseignement de l’histoire. Viennent ensuite d’autres périodes qui sont, successivement, l’arrivée des Arabes Hassanes, la fondation des cités, la formation des émirats et des chefferies hassanes, la prospérité puis la décadence de la société tribale, le début de la Sayba (anarchie) qui a accompagné une profonde crise accentuée par l’embargo européen destiné à préparer l’occupation du pays. Toutes ces périodes constituent des étapes essentielles et peuvent servir comme un fondement à une périodisation.
Périodisation de l’Histoire de la Mauritanie. La périodisation est, par nature, un exercice complexe dont le but est de repartir l’histoire universelle en étapes. Elle consiste à sélectionner des événements décisifs qui annoncent une ère laquelle devrait se terminer par d’autres événements d’une intensité similaire. Cet exercice devient plus difficile quand il s’agit d’aborder l’histoire régionale ou locale. Globalement, l’histoire universelle est composée par des grandes périodes qui se succèdent selon le schéma suivant : L’histoire ancienne qui commence à partir de l’apparition de l’alphabet et se termine par la chute de Rome, l’histoire médiévale qui s’achève par la découverte de l’Amérique, l’Histoire moderne dont la révolution française constitue l’aboutissement, l’histoire contemporaine qui prend fin avec la seconde guerre mondiale, laquelle constitue, le début de ce qu’on a pu designer, de manière quelque peu équivoque, par l’histoire actuelle. Il reste entendu que les historiens sont divisés aussi bien au sujet de ces périodes que sur les débuts et les fins précédemment évoquées. Il faut dire, aussi, que la dite périodisation est purement académique. Son but est de faciliter l’étude de l’Histoire. Une telle répartition artificielle heurte le sens de l’histoire de l’expérience humaine laquelle correspond à un fleuve des événements dont le cours est bien difficile à détourner. Au demeurant, la périodisation universelle, construite par les historiens de l’Europe et ceux de l’occident contemporain, ne saurait être contraignante pour l’ensemble des civilisations, dans la mesure où la répartition de l’Histoire qui en résulte découle de leur expérience spécifique et de leur regard à l’autre. De ce fait, la périodisation universelle ne peut être appliquée à l’étape médiévale qui commence avec l’apparition de l’Islam et se termine avec la chute de Bagdad. Durant cette époque, la civilisation arabo-islamique a connu une exceptionnelle prospérité tandis que l’Europe vivait à l’ombre de ce qu’elle appelle, elle même, «le moyen age obscur». A ceci, il convient d’ajouter que la fixation des commencements et des fins relève d’une manifeste abstraction qui autorise bien de divergences au sujet des événements décisifs. C’est ainsi que la chute de Rome qui constitue une référence d’un intérêt capital au niveau européen, n’a pas pour les musulmans, une importance particulière. Néanmoins, la logique des deux histoires islamique et européenne se confond au sujet de certains grands événements qui ont influencé sur le cours de «l’Histoire universelle» comme la fixation du début de l’Histoire moderne par la chute de Grenade ( 1492) qui correspond à la découverte de l’Amérique. Le XVeme siècle aura, de ce point de vue, été le début du repli de la civilisation islamique et, en même temps, celui de la renaissance européenne. La périodisation de l’Histoire d’un pays déterminé ou celle d’un territoire délimité comme la Mauritanie ou d’autres pays est, quant à elle, assez délicate dans la mesure où ce genre de périodisation implique le respect d’un équilibre entre les événements d’une portée universelle et ceux qui n’ont qu’une dimension locale. A cet effet, il est indispensable d’assurer une cohésion entre les mutations survenues à la périphérie et celles qui se sont produites au centre. Avec un peu d’audace, il est, cependant, permis de répartir l’Histoire de la Mauritanie selon les ages suivants : L’Histoire ancienne qui correspond à une période incluse entre le second millénaire avant J-C et le VIIeme siècle de l’ère chrétienne. Cette période commence avec l’apparition des Chars introduit par le peuple des Gara mantes. Cette apparition constitue, en elle même, une révolution dans l’histoire du Sahara et un début des échanges effectifs avec les Romains de l’Afrique du Nord. C’est, d’ailleurs, pour cette raison que les autochtones ont, depuis cette époque jusqu’à nos jours, collé la qualification de « Aghremman» à ces «berbères noirs», ancêtres de la majorité des actuels haratines. La qualification qui signifie littéralement les petits Romains traduit, en fait, une référence aux relations commerciales et politiques que les Gara mantes entretenaient avec les Romains. L’Histoire ancienne ainsi délimitée s’achève avec la conquête islamique du Sahara au VIIeme siècle après J-C. L’histoire médiévale qui commence avec la conquête islamique au VIIeme siècle de l’ère chrétienne, premier siècle de l’hégire et se termine en 1591. Cette période correspond au Temps des Sanhadja qui se divise en deux : Le premier temps des Sanhadja qui commence par la conquête islamique et s’achève avec la fondation de l’Etat almoravide et durant lequel, les tribus des Mutalthimoun (les enturbannés) ont fondé un Etat dont la capitale fut Aoudaghost ( situé au Hodh El Gharby actuel). Le Second temps de Sanhadja débute, quant à lui, sur la naissance de l’Etat almoravide et prend fin avec le désordre consécutif à la chute de Tombouctou ( 1591) Cet événement a, profondément, bouleversé la vie au Sahara et a provoqué , notamment dans la zone située au Nord du fleuve du Niger, l’écroulement des institutions religieuses, culturelles et économiques. Cette chute, a également, été suivie «d’une migration des cerveaux» vers le Nord, d’une dispersion des chemins des caravanes aussi bien au Nord qu’à l’Est ainsi que de l’ascension des principautés païennes au sud. Cette ascension fut, par ailleurs, accompagnée de la présence européenne sur la façade maritime du pays. Au total, la chute de Tombouctou qui a mis fin à l’existence de l’Etat Songai a été un événement majeur qui a, fortement, secoué la stabilité des entités politiques et sociales au Sahara et au Soudan. . L’histoire moderne correspond, globalement, à ce qu’on peut appeler le temps des Hassane .C’est, en effet, durant la période qui va de la chute de Tombouctou ( 1591) au célèbre combat de Lehneikat ( 1778) que la domination de ces tribus arabes, sur la quasi totalité du territoire de la Mauritanie actuelle, a été effective. L’une des conséquences immédiates de ce combat entre les Idaw ich d’origine Sanhadja et les Arabes Beni Hassan, fut la fondation de l’Emirat du Tagant et a, long terme, ce combat a eu pour effet la fin du vieux conflit déclenché depuis le XIVeme siècle et qui opposait les Emirats lemtouna aux tribus arabes .La fin de ce conflit a été déterminante dans la constitution de la société maure dans sa forme actuelle. L’histoire contemporaine : Cette période commence à partir de la fin du combat de Lehneikat en 1778 et se termine en 1903 avec la domination coloniale. Histoire actuelle : il s’agit d’un concept nouveau qu désigne la période incluse entre l’après seconde guerre mondiale et la fin de la guerre froide .On peut considérer que le début effectif de cette période en Mauritanie correspond à la naissance, en 1960 , de l’Etat national.
A vrai dire, la périodisation de «l’Histoire nationale» est, quelque soit le pays étudié, une entreprise délicate qui ne saurait être définitive. Cette périodisation se construit su un discours identitaire, naturellement, controversé. De même une telle entreprise s’inscrit, forcément, dans une perspective évolutive et obéit à une incontournable révision et à un débat permanent.
(A suivre)
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