''Le forum de Dakar un rendez-vous important pour discuter des questions de paix, de sécurité en Afrique'' (Ould Cheikh El Ghazouani)   
19/11/2019

Le Président de la République, Monsieur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a affirmé lundi à Dakar au cours de la cérémonie d’ouverture du forum de Dakar sur la paix et la sécurité que cette rencontre est devenue un rendez-vous annuel important pour



discuter les questions de paix, de sécurité et de stratégies relatives à la stabilité en Afrique.

Il a affirmé que cette initiative exprime la solidité des relations fraternelles et de destin commun des deux peuples frères et de leurs directions avant de souligner que le Monde d’aujourd’hui fait face à une monté en puissance du sentiment nationaliste accompagné d’un doute sur les capacités des Nations Unies et du rôle vital et stratégique qu’elles jouent dans le Monde.

Voici le texte intégral de ce discours:

« Monsieur Le Président de la République du Sénégal, cher frère Macky Sall, Monsieur le Premier ministre de la République française, Edouard Philips

Mesdames et Messieurs les ministres

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Mesdames et Messieurs les invités de marque,

Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs les officiers ;

Mesdames et Messieurs les invités ;

Excellences, Mesdames et Messieurs ;

Permettez tout d’abord de féliciter mon ami et frère le Président Macky Sall pour l’organisation et le succès de ce forum, devenu incontestablement un des grands rendez-vous annuels sur les questions de sécurité et de paix dans le monde et en particulier un carrefour d’autorités pour tous ceux qui s’intéressent aux questions de paix et de la sécurité en Afrique et dans notre sous-région, en particulier.

Je voudrais, surtout, remercier mon frère et ami le président Macky Sall de m’avoir octroyé l’ultime privilège d’être cette année l’hôte d’honneur de cet important évènement et c’est seulement à quelques mois de ma prise de fonctions en tant que Président de la République Islamique de Mauritanie.

Il n’ya aucun doute que cette invitation et l’attention toute particulière tout emprunte de majestueuse et élégante Téranga sénégalaise montrent le niveau exceptionnel des relations fraternelles et amicales ainsi que l’histoire et le destin communs qui lient nos deux pays et nos deux peuples.

Monsieur le Président, Excellences Mesdames et Messieurs,

Le choix du thème du forum de cette année « le défis actuels du multi-latéralisme, me parait judicieux et tout à fait en adéquation avec certains défis aux quels nous faisons face, surtout dans notre sous-région.

Vous me permettrez cependant de situer ce thème dans le contexte sahélo-sahélien pour en dégager quelques enseignements utiles à notre appréciation du multilatéralisme dans sa globalité.

Je ne vous apprends rien en vous disant que nous assistons depuis quelques années à une détérioration croissante de la situation sécuritaire dans le contexte sahélo-sahélien et en particulier à la résurgence inquiétante des conflits intercommunautaires et ce malgré les multiples initiatives locales, régionales et internationales visant à instaurer la paix et la sécurité.

Je me propose aujourd’hui, vu la gravité de la situation et le risque majeur encouru par tous nos Etats de vous parler sans langue de bois mais bien sûr avec un esprit d’humilité tout africain sans la moindre prétention de donneur de leçons.

Les vulnérabilités de notre large espace sahélo-sahélien sont essentiellement liées à trois facteurs plus au moins interdépendants, à des conditions climatiques inhospitalières et de plus en plus imprévisibles, à une faiblesse structurelle de la gouvernance, à des crises économiques sociodémographiques immenses dans notre espace couvrant au moins partiellement une dizaine de nos pays. L’eau est une denrée rare à laquelle l’accès est une source de tensions constantes entre les communautés, la pluviométrie annuelle déjà très faible, de 150 et 400 mm par an, est affectée par le réchauffement climatique avec des fluctuations inhabituelles, rendant la résilience des populations de plus en plus précaire. Les activités agro-pastorales, principales sources de revenu ont drastiquement chuté ces dernières années accentuant la pauvreté, la précarité économique et les disparités sociales.

Par ailleurs, la présence des institutions étatiques dans ces grands espaces désertiques et plus ou peu habités constitue un défi majeur ; la récurrence des mouvements irrédentistes et surtout l’avènement du terrorisme au début des années 2000, associé - pour ne pas dire nourri - par des réseaux de trafiquants et des criminels locaux, ont révélé l’incapacité de la plupart de nos Etats à assurer leur propre sécurité sans un soutien extérieur.

Des territoires immenses devenus des zones de non droit échappent au contrôle des Etats laissant les populations à la merci des groupes criminels très organisés et de plus en plus fortement équipés.

Nos Etats se sont rapidement vus confrontés à des défis majeurs concomitants : un grand déficit de la gouvernance et de la justice sociale, des faiblesses capacitaires en matière de défense et de sécurité et pourraient bien faciliter la coordination régionale et internationale est restée largement insuffisante face aux menaces dans une spirale.

Sur le plan économique, beaucoup d’Etats font face à des conditions socioéconomiques précaires malgré de réels potentialités économiques notamment en ressources minières. Le climat des affaires n’est pas attrayant.

Les économies basées essentiellement sur la rente et la subsistance sont soumises aux fluctuations des cours mondiaux des matières premières et aux aléas climatiques. Les économies ne créent plus l’emploi surtout pour les jeunes, filles et garçons, les vrais laissés pour compte d’un système éducatif défaillant depuis de longues années et pour compliquer davantage, dans ce contexte de vaches maigres, une grande partie des ressources de l’Etat est consacrée à la défense et à la sécurité au détriment des secteurs vitaux tels que la santé, l’éducation, l’accès à l’eau et d’autres aspects.

Sur le plan démographique, les taux de la natalité sont des plus élevés au monde avec une population très jeune : les moins de 35 ans représentent près de 70% de nos populations.

L’ignorance et l’extrême pauvreté exposent une jeunesse sans perspective à des alternatives fragiles : l’embrigadement par les groupes terroristes et les réseaux de trafiquants de plus en plus organisés et l’immigration clandestine.

Au plan des menaces sécuritaires, il convient de souligner que la chute de l’Etat Libyen en 2011 a été l’élément multiplicateur de l’embrasement de l’espace sahélo-sahélien. Dés lors, toute tentative de lutte contre le terrorisme qui se veut efficace doit nécessairement intégrer la résolution de la crise libyenne.

Les activités terroristes des groupes armées ont généré des milliers de morts, des centaines de milliers de déplacées et de refugiés, la fermeture de centaines d’écoles et plus de dix millions de personnes menacées par l’insécurité alimentaire. La connexion entre la criminalité organisée et les conflits intercommunautaires compromet la cohésion sociale et aggrave la situation humanitaire.

Les groupes armés se financent des différentes formes de trafics qui prolifèrent et notamment de la drogue. En dix ans, la valeur de ce trafic se chiffrerait à des dizaines des milliards d’euros. Des groupes terroristes et autres milices prélèvent un droit de passage sur les convois. Des réseaux secrets attirent beaucoup de jeunes désœuvrés.

Excellence, Mesdames et Messieurs ;

Loin de ce tableau triste, il convient de saluer les initiatives de gestion de crises émanant de nos Etats et de nos partenaires stratégiques, initiatives qui se sont multipliées ces dernières années et ont montré aussi, pour certaines, leurs limites. Je ne veux pas rentrer dans les détails de ces initiatives qui feront certainement l’objet d’autres interventions mais je vais en citer à titre d’illustration : le G5, principale initiative émanant des Etats eux-mêmes et qui n’a hélas pas jusqu’ici reçu l’appui financier et logistique promis, l’opération BARKHANE, initiée et efficacement soutenue par la France, le précieux exercice multinational FLINTLOCK avec les Etats Unis d’Amérique, la MUNISMA au Mali, l’Initiative des pays du champ, l’Alliance Sahel, le Processus de Nouakchott, l’Initiative d’Accra et récemment le plan d’action prioritaire de la CEDEAO qui a été crée au cours du sommet de Ouaga, un partenariat promoteur entre les pays de la sous-région.

Je voudrais, par ailleurs, partager quelques éléments saillants de la stratégie mauritanienne de lutte contre le terrorisme, qui est parfois cité en exemple pour des résultats probants. Cette stratégie a été articulée autour de deux axes principaux : une lecture analytique de l’environnement géostratégique pour définir la typologie et les causes profondes de la menace et le renforcement des capacités sur les plans opérationnel, juridique, religieux et socioéconomique en vue d’une prise en compte efficiente de cette menace multiforme.

Sur le plan juridique, le renforcement de l’arsenal juridique en vue de la judiciarisation de l’acte terroriste a permis d’accélérer les procédures de traitement pénal des délits qui y sont liés. Le tarissement des sources de financement du terrorisme a été rendu possible par la surveillance stricte des flux financiers et la régulation des procédures d’échanges et de mouvement des fonds et le financement du terrorisme, à travers un réseau opaque d’ONGs fictives.

Au plan de la défense et de la sécurité, l’effort a été porté sur la formation, l’entrainement et la remise à niveau des capacités opérationnelles des forces armées et de sécurité, le renforcement des chaines de renseignement, la réorganisation du dispositif sécuritaire et la création d’unités spéciales, la conduite d’opérations préventives et la coordination active avec les partenaires régionaux et internationaux.

Pour tarir les sources de recrutement du terrorisme, une campagne de déradicalisation sous la conduite d’érudits de grande renommée ont permis d’expliquer le sens et la portée du message de tolérance de l’Islam totalement aux antipodes des discours obscurantistes.

Les repentis bénéficient de programmes de réinsertion économique.

Revenant à notre thème de cette année, je souhaite faire les remarques suivantes : nous assistons depuis quelques années à une montée des nationalismes qui remettent en cause les mécanismes onusiens et certains accords multilatéraux sur l’environnement, le commerce et le maintien de la paix.

Or, à l’heure de la révolution numérique, le monde est devenu un village planétaire où les enjeux financiers, macro économiques, sociaux et climatiques, sécuritaires et autres s’interconnectent et dépassent le cadre des frontières géographiques et socioculturelles.

Une gestion durable des multiples facteurs de déstabilisation et leurs caractères transnationaux passe nécessairement par des réponses collectives.

A ce titre, le partenariat stratégique avec les Etats Unis d’Amérique, avec l’Europe, avec la chine, la Russie, le Japon, les pays du Golfe et autres s’avère pertinent pour renforcer les appareils sécuritaires et les modes de gouvernance des pays qui constituent les maillons vulnérables. Mais ces coopérations multilatérales doivent reposer sur le double principe de l’indivisibilité des questions de sécurité et de développement et d’un rôle exclusif de soutien de l’action des pays concernés dans le respect des principes de démocratie, de bonne gouvernance et de l’Etat de droit.

L’ONU, de par ses capacités et sa position de neutralité vis-à-vis des tendances politiques locales et régionales est le partenaire par excellence qui doit jouer un rôle catalyseur dans la coopération multilatérale. Mais pour cela, l’ONU doit se réformer non seulement au niveau de la composition des membres permanents du Conseil de Sécurité, mais également dans sa politique de maintien de la paix, qui n’est pas en adéquation avec les enjeux du terrorisme d’aujourd’hui.

Des forces régionales mobiles plus légères et connaissant mieux le terrain doivent être davantage privilégiées comme réponse plutôt qu’une force lourde et statique avec un mandat souvent limité et coûteux. L’ONU doit ainsi donner un mandat plus robuste et un financement plus pérenne aux forces sous-régionales, telle que la force conjointe du G5 Sahel.

Ces forces sous forces régionales viennent compléter des efforts multilatéraux onusiens qui doivent être tournés vers le maintien de la paix - une fois qu’elle existe bien sûr - avec une stabilisation de long terme.

Aujourd’hui, une nouvelle initiative, que nous saluons, portée par le couple franco- allemand s’est mise sur la table : ’’le partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel’’. Cette initiative est la bienvenue surtout si elle vient en complément à l’action des initiatives existantes, notamment du G5 Sahel.

En conclusion, la sécurité relève d’un double enjeu de gouvernance et de développement. Des stratégies visant à endiguer ce fléau du terrorisme ne peuvent faire l’économie d’une approche globale et inclusive s’attaquant aux causes profondes qui font le creuset de l’insécurité.

Des efforts conséquents doivent être consentis pour créer les préconditions de la paix et de la sécurité et de la stabilité.

Ainsi nous devons promouvoir la bonne gouvernance Nous devons placer l’Homme au centre de toute stratégie de développement, nous devons garantir l’accès à la justice, renforcer l’arsenal juridique pour l’adapter aux évolutions des menaces, assurer un accès inclusif aux services de base de qualité, lutter contre l’ignorance et l’analphabétisme, adopter des politiques économiques créatrices d’emplois, promouvoir l’innovation et l’entreprenariat surtout des jeunes, adapter la formation aux besoins du marché, suivre et tarir les sources de financement du terrorisme, mener des politiques de déradicalisation à travers les érudits religieux et enfin, renforcer les mécanismes de coopération régionale et internationale et surtout renforcer la coopération multilatérale.

Je vous remercie ».


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