Transformer une plante envahissante, le typha, en charbon, c’est l’idée géniale de Babana Ould Lemine, ingénieur mauritanien. L’idée est devenue projet. Reconnu pour son fort impact social et environnemental, il a obtenu le prix Convergence 2015 à Paris.
Sa zone d’implantation s’étale sur 130 km au-dessus du barrage, rendant l’accès au fleuve difficile pour les pĂŞcheurs et compliquant la vie des agriculteurs et des villageois. Le long des rives du fleuve SĂ©nĂ©gal prolifère le typha. Cette plante envahissante, de la famille des roseaux, pousse comme du chiendent depuis la construction du barrage anti-sel de Diama en 1986. La prĂ©sence des typhas bloque les canaux d’irrigation, empĂŞche une bonne circulation de l’eau du fleuve, la transformant en eau stagnante propice au dĂ©veloppement des moustiques et des maladies. Le typha est sĂ©chĂ©, puis carbonisĂ© et mĂ©langĂ© avec de l’argile. Devant ce flĂ©au, le professeur Babana Ould Mohamed Lemine Ă l’Institut supĂ©rieur d’enseignement technologique de Rosso (ISET) s’est lancĂ© un dĂ©fi: «mĂ©tamorphoser l’envahisseur en Ă©nergie». Avec une Ă©quipe de l’ISET, il met au point le processus de transformation de la plante en charbon et rĂ©alise les premiers essais. La dĂ©monstration faite, l’ISET s’est associĂ© en 2011 au Gret (ONG française) et au Parc national du Diawling pour passer Ă l’étape supĂ©rieure. Le typha est sĂ©chĂ©, puis carbonisĂ© et mĂ©langĂ© avec de l’argile. Il est enfin pressĂ© et agglomĂ©rĂ© sous forme de briquettes. Sur un financement de 1,5 million d’euros (75% provenant de l’Union europĂ©enne et 25% de l’Etat mauritanien), 8 unitĂ©s de production artisanale, d’une capacitĂ© de 1,5 tonne par mois chacune, ont Ă©tĂ© mises en place dans diffĂ©rents villages. Ces unitĂ©s sont gĂ©rĂ©es sous forme de coopĂ©ratives, les femmes sont en charge de la transformation et de la commercialisation, les hommes de la coupe. Le typha est sĂ©chĂ©, puis carbonisĂ© et mĂ©langĂ© avec de l’argile. Il est enfin pressĂ© et agglomĂ©rĂ© sous forme de briquettes. Le charbon de typha ne manque pas d’atouts. La production de charbon crĂ©e une activitĂ© et des revenus complĂ©mentaires pour plus de 500 personnes dans les villages concernĂ©s. Les berges «aĂ©rĂ©es» permettent Ă l’activitĂ© Ă©conomique de se dĂ©rouler Ă nouveau normalement et un retour de la biodiversitĂ© et la pĂŞche au bout de six mois, constate le Gret. Le charbon de typha ne manque pas d’atouts par rapport Ă son concurrent: un poids garanti, un allumage facile, et peu de rĂ©sidus après la combustion, mais aussi l’absence d’étincelle et de fumĂ©e (donc moins dangereux et moins nocif pour la santĂ©). Ces concepteurs insistent sur son efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique, particulièrement adaptĂ©e pour la cuisine, qui demande moins de puissance, mais une efficacitĂ© sur la durĂ©e. Du coup, moins de charbon est nĂ©cessaire si l’on utilise celui Ă base de typha. Outre le fait que le charbon de typha permet de lutter contre la dĂ©forestation, le gaz carbonique (CO₂) Ă©mis par ce charbon est recaptĂ© par la plante qui repousse très vite. «Une tonne de charbon de typha permet ainsi d’économiser 7 tonnes de CO₂ par rapport Ă du charbon de bois», dĂ©taille Samassa Nalla, reprĂ©sentant du Gret en Mauritanie. La «ressource» gratuite est inĂ©puisable. Les mĂ©nages mauritaniens brĂ»lent environ 50’000 tonnes de charbon de bois par an, estime le Gret, essentiellement pour cuisiner, mais aussi pour se chauffer, brĂ»ler de l’encens et prĂ©parer le thĂ© (une tradition quotidienne). L’ISET a lancĂ© fin 2014, une unitĂ© test de production industrielle, capable de sortir 10 Ă 15 tonnes par mois. L’unitĂ© test de production industrielle est capable de sortir 10 Ă 15 tonnes de typha par mois. «Il s’agit aujourd’hui de passer Ă une deuxième phase, en accompagnant des entrepreneurs pour qu’ils dĂ©veloppent leur propre unitĂ© de production industrielle», explique Julien Cerqueira, expert en Ă©nergie du Gret. La «ressource» gratuite est inĂ©puisable: on coupe, elle repousse. Bref, de quoi couvrir largement les besoins de toute la Mauritanie et mĂŞme d’exporter. Cette initiative pourrait Ă©galement ĂŞtre dupliquĂ©e de l’autre cĂ´tĂ© du fleuve, au SĂ©nĂ©gal, oĂą le typha envahit aussi les rives, ainsi qu’au Mali.
SOURCE : sept.info
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