En 1973, la société française MIFERMA est nationalisée. Rebaptisée SNIM, cette entreprise minière est aujourd’hui le deuxième employeur de Mauritanie, derrière l’Etat lequel, au plus fort de la...
... déprime des cours des minéraux, dans les années 80-90, n’a pas cédé aux sirènes des prescripteurs de la privatisation à outrance. La SNIM en Mauritanie est, avec l’OCP au Maroc, l’un des rares groupes africains contrôlés par l’Etat et locomotives du développement de leurs pays. En 2013, la Société nationale de l’industrie minière (SNIM) a réalisé une production record de 13 millions de tonnes, marquant un quatrième tournant majeur en cinquante ans d’exploitation de minerais de fer. La première date symbolique fut la nationalisation, en 1973, de ce qui n’était encore qu’une entreprise française. L’ex Miferma exportera du minerai très riche en teneur de fer jusqu’en 1984. A cette date, ce minerai s’est épuisé. D’où le lancement du projet GuelbI entamé au début des année 80 et inauguré en 1984 avec l’espoir d’enrichir le minerais. Car, si le minerai riche tarit, le minerai pauvre, lui, est quasiment inépuisable dans cette zone allant de Zoueratt à Nouadhibou. «il faut un taux minimum de 60% pour que le minerai soit vendable. Aujourd’hui, le pari est réussi», estime Dahi Ould Zein, directeur du secrétariat général de la SNIM. La phase critique des années 80 Et pourtant les choses ne furent pas faciles avec un contexte des années 80 caractérisé par des cours de minerais en dessous de 20 dollars. A un moment, la continuité de l’entreprise était remise en jeu. Mais la SNIM a tenu bon avec l’appui des institutions internationales ( BAD, BEI, Banque Mondiale, AFD) et des institutions Arabes qui ont participé au financement de Guelb I. Après la phase critique des années 80, la SNIM connaît un troisième tournant à partir de 2004 -2005 quand la Chine émergente entra dans le marché, poussant les prix du fer à leur paroxysme. «L’Europe qui importait 80% de notre production a été doublée par l’empire du Milieu, devenu de loin notre premier client», explique M.Zein.
Une volonté politique constante La tension sur les prix du fer est retombée à partir de 2011. Les cours sont néanmoins restés hauts. Doit-on lier les succès de la SNIM au seul paramètre des cours du minerais de fer ? Sur cette question, les experts de l’entreprise font remarquer que quand les prix mondiaux augmentent, les coûts augmentent aussi dépendant de l’acier et de l’énergie en particulier. En fait, explique-t-on, la SNIM doit sa pérennité à deux avantages importants. D’abord une volonté politique, constante de tous les gouvernements qui se sont succédés, de lui accorder une large autonomie financière. C’est ce qui a permis à l’entreprise de développer du professionnalisme, de recruter et de se développer.
Excellentes relations avec les institutions financières Le deuxième avantage dĂ©cisif est l’excellente relation entretenue avec les institutions financières. Tout au long de son histoire, la SNIM a toujours honorĂ© ses engagements, respectĂ© les conditionnalitĂ©s et les dĂ©lais de remboursement. «Nous entretenons une relation de transparence avec nos partenaires qui reçoivent pĂ©riodiquement des rapports sur notre situation, nos ratios de performances et notre activitĂ© en gĂ©nĂ©rale», dĂ©clare un haut responsable. Un port minĂ©ralier pouvant accueillir des navires de 250 000 tonnes La SNIM jouit en outre d’un taux d’endettement faible de l’ordre de 500 millions de dollars pour un chiffre d’affaires de 1,2 milliard de dollars. Le ratio dette sur fonds propres est de l’ordre de 0,25%. L’excellence des rapports entretenus avec les bailleurs a permis Ă la SNIM de mobiliser 1 milliard d’euros en 2009 pour le projet Guelb II (permettant l’enrichissement de 4 millions de tonnes) et la construction du port minĂ©ralier de Nouadhibou pouvant accueillir des navires de 250 000 tonnes. InaugurĂ© en 2013, cet ouvrage s’inscrit dans la volontĂ© de la compagnie minière mauritanienne de prendre une nouvelle dimension. Passer de 13 Ă 40 millions de tonnes d’ici 2040 Il est dĂ©sormais question, dans le cadre du projet Nouhoud, de porter la production de 13 millions Ă 40 millions Ă l’horizon 2025. Cet objectif passe par la construction de deux complexes miniers de 14 millions chacun. Le premier dĂ©marre en 2019, le deuxième en 2025. Les programmes de recherche gĂ©ologique ont commencĂ©. Les premiers rĂ©sultats obtenus dans le Guelb d’izraf ont permis d’identifier 800 millions de tonnes. L’étape du processus de confirmation des rĂ©serves en cours sera suivie par une Ă©tude de prefaisabilitĂ© et de faisabilitĂ© qui ouvrira les nĂ©gociations avec les partenaires financiers. Locomotive de l’industrialisation de la Mauritanie, oui. Mais des milliers d’emplois exportĂ©s! En dĂ©pit des succès remportĂ©s en 5 ans, la SNIM reste une entreprise qui exporte du minerais brut sous forme FOB. Des Ă©conomistes mauritaniens estiment qu’un tel procĂ©dĂ© fait perdre des milliers d’emploi au pays. «Il faut examiner cette question sous ses diffĂ©rents angles», rĂ©torque M. Zein. «L’exportation du minerais brut est plus rentable que le projet intĂ©grĂ©. C’est liĂ© en partie Ă l’intensitĂ© capitalistique de l’exploitation d’une sidĂ©rurgie. De plus, nous avons de l’expertise dans les minerais». Autre argument avancĂ©, le dĂ©placement mondial de la production de l’acier en Chine au dĂ©triment de l’Europe qui ferme ses fourneaux. Il sera difficile de concurrencer l’Empire du Milieu dans la sidĂ©rurgie classique. Par contre, la SNIM s’intĂ©resse Ă la production de l’acier Ă travers la rĂ©duction directe. Ce processus très consommateur d’énergie n’est rentable que chez les pays disposant d’importantes rĂ©serves de gaz. Joint-venture avec Sabic En attendant la confirmation de des rĂ©serves de Mauritanie, la SNIM est entrain de dĂ©velopper une joint- venture avec Sabic (groupe saoudien) pour produire du concentrĂ©. L’objectif de la JV c’est d’intĂ©grer les deux volets minerais et sidĂ©rurgie. Forte de ses installations, de son rĂ©seau ferroviaire avec 6 trains minĂ©raliers se relayant au quotidien, sur 700 km de rails entre Zoueratt et Nouadhibou, la SNIM dispose d’un savoir-faire et de l’expertise qui, ajoutĂ© au potentiel minier de la rĂ©gion, fait de la Mauritanie un territoire attractif Pourquoi un accord avec Glencore ? L’accord rĂ©cent conclu avec Glencore illustre l’avantage que peut tirer une grande compagnie minière des infrastructures de la SNIM. «Ces grands groupes viennent pour dĂ©velopper des projets miniers dans les zones oĂą il y a plus de facilitĂ©s pour rentabiliser un investissement. L’entreprise qui arrive n’a Pas besoin de construire un port, de trains ou d’acquĂ©rir du matĂ©riel roulant comme c’est le cas dans les territoires qui entrent en exploitation. A Zoueratt et Nouadhibou, tout est dĂ©jĂ en place, avec un prestataire, des infrastructures et une expĂ©rience de 50 ans. Les vrais enjeux des projets miniers sont les ressources humaines. Sur ce point, la SNIM a procĂ©dĂ© Ă une politique de valorisation du capital humain qui a stoppĂ© les hĂ©morragies constatĂ©es des annĂ©es 90 aux annĂ©es 2000″. Loin de BHP Billiton, de Vale et de Rio Tinto Bien que grand acteur africain, la sociĂ©tĂ© mauritanienne reste loin du trio BHP Billiton, Rio Tinto et Vale qui contrĂ´lent 65% de la production mondiale exportĂ©e. Cette configuration de l’offre est Ă rapporter Ă l’évolution de la demande, notamment chinoise, pour faire des projections sur l’avenir du secteur. Premier acheteur mondial, la Chine va continuer sa politique industrielle et urbaine en construisant des citĂ©s dans des zones rurales encore Ă l’écart de son boom Ă©conomique.PĂ©kin peut exploiter ses propres gisements mais au prix fort, Ă raison de 100 dollars La tonne, sans commune mesure avec le fer mauritanien et son coĂ»t moyen de production de 40 dollars. Autrement dit, l’Empire du Milieu continuera Ă importer pour Ă©conomiser tant que les coĂ»ts de production resteront bas. Les Ă©tudes conduites par la SNIM dĂ©gagent un consensus: les cours vont rester sur un niveau «bon» jusqu’en 2022», date de l’équilibrage entre l’offre et la demande. La SNIM: 46% des exportations mauritaniennes La SNIM contribue pour 46% des exportations mauritaniennes. L’entreprise participe Ă environ 17% du budget de l’Etat sous forme de recettes fiscales et parafiscales et pèse 12% du PIB mauritanien. Deuxième employeur du pays avec ses 11 000 salariĂ©s, la SNIM regroupe diverses entreprises dont la sociĂ©tĂ© mère et ATTM, spĂ©cialiste des travaux routiers qui est intervenu au Mali. Il y a aussi la SAFA dans la fonte, la Comeca dans la construction mĂ©canique, la Somasert dansl’hĂ´tellerie, la Samma dans la consignation, Damane Assurance, GMM dans le granit et le marbre… Ce rĂ´le structurant et intĂ©grateur de la SNIM, Ă l’origine du dĂ©velopement de la ville de ZouĂ©ratt (devenue l’une des plus cosmopolites de la Mauritanie) et de Nouadhibou (creuset de la nation mauritanienne) a failli voler en Ă©clat en 2006-2007 quand l’indien Arcelor Mittal a tentĂ© de reprendre la compagnie. Une catastrophe Ă©vitĂ©e de justesse vu l’état des actifs de ce groupe en AlgĂ©rie , au SĂ©nĂ©gal et en Europe.
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