Aziz grand favori d'une présidentielle boycottée par ses opposants / Hademine Sadi (AFP)   
17/06/2014

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a réussi en six ans à débarrasser son pays des groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, part grand favori de la présidentielle de samedi, boycottée par ses principaux opposants.
Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat...



  ...en août 2008, M. Aziz, un ex-général, s’est ensuite fait élire pour un premier mandat de cinq ans en 2009. A cette époque, le groupe Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) est très actif en Mauritanie où il commet attentats et enlèvements.
   Aujourd’hui, ce pays apparaît comme un havre de paix dans la bande sahélo-saharienne fortement déstabilisée par les crises au Mali et en Libye. Un résultat obtenu grâce, selon le chef de l’Etat, à "la réorganisation des capacités de l’armée et des forces de sécurité", avec l’assistance technique de la France, ex-puissance coloniale.
   En 2010 et 2011, l’armée mauritanienne a mené avec succès des raids "préventifs" contre des bases et des unités combattantes d’Aqmi dans le nord du Mali, d’où la branche maghrébine d’Al-Qaïda préparait et lançait ses actions en territoire mauritanien.
   Selon Mohamed Fall Ould Oumeire, analyste politique et directeur du journal La Tribune, "le premier point sur lequel le succès d’Aziz est indéniable est bien celui de la sécurité et de la stabilité du pays avec l’éloignement du spectre de la menace terroriste".
   Le chef de l’Etat, président en exercice de l’Union africaine (UA) jusqu’en 2015, reste très impliqué dans la résolution du conflit au Mali, où il a réussi le 23 mai à arracher un cessez-le-feu entre des groupes rebelles et l’armée après une brusque reprise des hostilités à Kidal (extrême nord-est du Mali).
   Dans le domaine économique, la Mauritanie, vaste pays désertique de 3,8 millions d’habitants bordant l’océan Atlantique, riche en minerai de fer, aux eaux poissonneuses et qui exploite du pétrole depuis 2006, a enregistré en 2013 un taux de croissance de 6%. Le président Aziz se targue en outre d’avoir fait baisser le taux d’inflation à moins de 5%.
   Ces succès dans la lutte contre les groupes islamistes armés et dans le domaine économique font dire au président Aziz et à ses partisans que depuis qu’il est arrivé au pouvoir, la Mauritanie a accompli des "pas de géant".
   Mais ses principaux opposants dénoncent la caractère "autoritaire" de son régime et ont appelé à boycotter le scrutin présidentiel, "une mascarade électorale" organisée de manière "unilatérale" selon eux, en dépit de négociations avec le pouvoir sur leur éventuelle participation.
   
    Un "pouvoir dictatorial"

Les sympathisants du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU, opposition radicale), ont manifesté contre la tenue de l’élection et pour dénoncer "le pouvoir dictatorial" de l’ex-général Aziz.
   Le FNDU, qui mise sur un fort taux d’abstention, regroupe les onze partis de la Coordination de l’opposition démocratique (COD), comprenant le parti islamiste Tewassoul (16 députés à l’Assemblée nationale), des personnalités indépendantes, des syndicats et des organisations de la société civile.
   Quatre candidats se présentent néanmoins contre le président sortant, dont une femme de 57 ans, Lalla Mariem Mint Moulaye Idriss, et Biram Ould Dah Ould Abeid, un militant réputé de la lutte contre l’esclavage qui, bien qu’aboli légalement en 1981, reste pratiqué en Mauritanie selon plusieurs ONG.
   M. Ould Abeid, un Haratine (descendant d’esclaves) est président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA-Mauritanie) et se présente comme "l’unique candidat sorti des couches défavorisées du peuple".
   El-Houssein Ould Ahmed El-Hadi, porte-parole du chef de l’Etat, a dénoncé "des discours racistes et communautaristes nuisibles à l’unité nationale", sans toutefois citer M. Ould Abeid, ni le seul candidat négro-mauritanien au scrutin, Ibrahima Moctar Sarr, qui affirme que les Noirs de son pays sont "marginalisés et victimes d’injustice".
   Le quatrième candidat est Boidiel Ould Houmeid, du parti El-Wiam, formation de l’opposition dite "modérée".
   La présidentielle sera surveillée par plusieurs observateurs internationaux, dont ceux de l’UA, dirigés par l’ancien ministre tunisien Béji Caïd Essebsi.


La Mauritanie depuis l’arrivée au pouvoir du président Aziz


Rappel des dates-clés de la Mauritanie depuis l’arrivée au pouvoir du président Mohamed Ould Abdel Aziz en août 2008.
   2008

    - 6 août: Une junte militaire dirigée par le général Aziz renverse Sidi Ould Cheikh Abdallahi, premier président démocratiquement élu en 2007.
   - 14 septembre: Une attaque revendiquée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) vise une patrouille de l’armée à Tourine (nord). Les corps de 11 soldats et de leur guide sont retrouvés "décapités" (source sécuritaire).
  
    2009

    - 16 janvier: La Mauritanie suspend ses relations avec Israël pour protester contre l’offensive à Gaza.
   - 16 avril: Aziz quitte le pouvoir pour se porter candidat à la présidentielle. L’intérim de la présidence est assurée pendant quelques mois par Ba Mamadou dit Mbaré, qui dirige le Sénat depuis 2007.
   - 18 juillet: Ould Abdel Aziz, qui a démissionné de l’armée, est élu au 1er tour du scrutin présidentiel (52,47%). L’opposition dénonce un "coup d’Etat électoral". Les observateurs internationaux se félicitent du "déroulement satisfaisant" de la présidentielle.
   - 8 août: Un jeune kamikaze mauritanien se tue en actionnant une ceinture d’explosifs près de l’ambassade de France à Nouakchott, blessant légèrement deux gendarmes français et une Mauritanienne. Premier attentat suicide de l’histoire de la Mauritanie. Aqmi le revendique.
  
    2010

    - 13 mars: Aziz rejette tout partage du pouvoir avec ses opposants, leur enjoignant de "reconnaître" son élection et de jouer le jeu d’une opposition normale.
   - 23 juillet: La Mauritanie affirme avoir tué six jihadistes liés à Aqmi lors d’un raid soutenu par la France mené au Mali pour libérer un otage français, qui sera exécuté peu après.
   - 17-19 septembre: La Mauritanie mène une opération militaire contre Aqmi dans la région de Tombouctou (nord-ouest du Mali), proche de la frontière mauritanienne.
  
    2011

    - 2 février: L’armée déjoue une tentative d’attentat à Nouakchott revendiquée par Aqmi, qui affirme qu’elle visait à assassiner le président.
   - 25 février: Début d’un mouvement de contestation pour réclamer des réformes politiques et économiques. Plusieurs manifestations de jeunes seront sévèrement réprimées par la police.
   - 24 juin: Opération mauritanienne contre une base d’Aqmi en territoire malien (17 morts). Le 5 juillet, Aqmi riposte en menant une attaque contre une base militaire dans le sud-est de la Mauritanie (plusieurs morts).
  
    2012

    - 19 juillet 2012: Plusieurs milliers d’opposants manifestent à Nouakchott, à l’appel de la Coordination de l’opposition démocratique (COD), pour réclamer le départ du président qu’ils accusent de "despotisme et mauvaise gestion". L’opposition poursuit depuis le 2 mai un mouvement de protestation avec des marches, meetings et sit-in.
   - 13 octobre: Aziz est "légèrement" blessé par balle et "par erreur" par un soldat de son armée près de Nouakchott. Il est hospitalisé plusieurs semaines en France.
  
    2013

    - 23 novembre et 21 décembre: L’Union pour la République (UPR, au pouvoir) obtient la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale, à l’issue de législatives boycottées par 10 des 11 partis de la COD.
  
    2014
  
    - 30 janvier: Le président Aziz prend pour un an la présidence tournante de l’Union africaine (UA).
   - 6 juin: Début de la campagne pour l’élection présidentielle, boycottée par une grande partie de l’opposition.

  La Mauritanie, trait d’union entre Maghreb et Afrique subsaharienne


La République islamique de Mauritanie est dirigée par Mohamed Ould Abdel Aziz, un ex-général élu président en 2009 un an après son coup d’Etat, grand favori à l’élection présidentielle de samedi boycottée par la plupart de ses opposants.
   - SITUATION GEOGRAPHIQUE: 1.030.000 km2. Trait d’union entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, la Mauritanie est un vaste pays en grande partie désertique. Bordée par l’océan Atlantique, elle est limitrophe du Sénégal, du Mali, de l’Algérie et du Sahara occidental, annexé par Rabat en 1975.
   - POPULATION: 3,8 millions d’habitants en 2012 (Banque mondiale). Les Maures représentent 80% de la population, les Négro-Africains 18%. En 1989, des violences ethniques ont fait des centaines de morts dans la communauté négro-africaine.
   - CAPITALE: Nouakchott.
   - LANGUE OFFICIELLE: Arabe. Le français est largement pratiqué.
   - RELIGION: Islam (99%). La charia (loi islamique) est en vigueur mais ses sentences extrêmes, comme les peines de mort et de flagellation, ne sont plus appliquées depuis les années 1980.
   - HISTOIRE/REGIME: Ancienne colonie française, la Mauritanie accède à l’indépendance en novembre 1960 avec comme président Moktar Ould Daddah. Celui-ci est renversé en 1978 lors d’un coup d’Etat dirigé par le colonel Moustapha Ould Saleck. En 1984, le colonel Maaouiya Ould Taya renverse le président Mohamed Khouna Ould Haidalla, au pouvoir depuis 1980. Elu à la présidence en 1992, Ould Taya est réélu en 1997 et 2003.
   En août 2005, une junte militaire prend le pouvoir après avoir renversé le régime Ould Taya et engage une transition démocratique marquée par une série de scrutins. L’investiture en 2007 de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, premier président démocratiquement élu, consacre le retour au pouvoir des civils.
   Mais après 15 mois à la tête de l’Etat, ce dernier est renversé en août 2008 par une junte militaire dirigée par Mohamed Ould Abdel Aziz.
   En juillet 2009, Ould Abdel Aziz est élu au premier tour du scrutin présidentiel (52,47%).
   Fin 2013, l’Union pour la République (UPR, au pouvoir) a obtenu la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale, à l’issue de législatives boycottées par 10 des 11 partis de la Coordination de l’opposition démocratique (COD).
   En 1979, Nouakchott a renoncé à ses revendications territoriales au Sahara, après plusieurs années de guerre contre le Front Polisario.
   Le président Ould Abdel Aziz mène une politique très active contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), un des groupes qui ont occupé le nord du Mali. Il avait notamment ordonné des raids contre des bases d’Aqmi au Mali en 2010 et 2011.
   - ECONOMIE: La Mauritanie est entrée en 2006 dans le club restreint des pays africains producteurs de pétrole avec l’exploitation du champ offshore de Chinguetti, au large de Nouakchott. Le secteur minier (fer, cuivre, or, phosphates, sel) représente entre 12 et 15% du PIB et 55% des exportations. Autres ressources: pêche, agriculture. Environ 46% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
   L’économie a progressé de 6,2% en 2012, grâce notamment à la pêche et au secteur du bâtiment et des travaux publics.
   En mars, le président Aziz a affirmé que la Mauritanie était sortie du groupe des 50 pays les plus pauvres du monde pour devenir un pays à revenu moyen.
   - PNB par habitant: 1.110 dollars en 2012 (Banque mondiale).
   - DETTE EXTERIEURE : 2,461 milliards de dollars en 2010 (BM).
(AFP)



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