Bernard Cazeneuve s’est rendu mercredi en Mauritanie pour présider un sommet stratégique. Coordonner davantage la traque du crime organisé, endiguer le flux des filières d’immigration clandestine et porter à des milliers de kilomètres le bouclier antiterroriste français…
Le ministre de l’intĂ©rieur, Bernard Cazeneuve, a effectuĂ© une visite Ă©clair mercredi Ă Nouakchott pour participer au G5 des États du Sahel visant Ă mieux contrĂ´ler les frontières de la Mauritanie, du Tchad, du Mali, du Niger et du Burkina Faso. L’enjeu est crucial pour la France. En effet, cette rĂ©gion, plus Ă©tendue que l’Union europĂ©enne pour une population d’à peine 62 millions d’habitants, accueille un concentrĂ© de toutes les menaces qui pèsent sur notre pays. «Outre les routes de cocaĂŻne organisĂ©es par les narcotrafiquants depuis l’AmĂ©rique latine via le golfe de GuinĂ©e et les trafics de cannabis en provenance du Maroc, le dĂ©sert sahĂ©lien est le théâtre de trafics d’êtres humains, de pĂ©trole, de cigarettes, de mĂ©dicaments contrefaits, d’armes Ă feu ou encore de dĂ©chets toxiques», dĂ©taille un expert. Avec ses frontières poreuses, des services de sĂ©curitĂ© absents dans certaines zones et une corruption endĂ©mique, le secteur est un berceau fertile pour les groupes armĂ©s et un sanctuaire de choix pour les terroristes qui tentent d’exporter le conflit en Occident. La Mauritanie, avec son dĂ©sert d’un million de kilomètres carrĂ©s et ses 5000 kilomètres de frontières terrestres, y joue un rĂ´le stratĂ©gique, notamment en raison d’un fort enracinement djihadiste. «Depuis le dĂ©but de l’opĂ©ration Serval, plusieurs rĂ©actions hostiles Ă la France sont parties de Mauritanie avant de sĂ©vir dans les rangs islamistes qui combattent nos soldats au nord Mali», note un fonctionnaire de haut rang. «Les Ă©coles coraniques mauritaniennes, très rĂ©putĂ©es, ont formĂ© plusieurs membres d’al-Qaida, mais aussi des convertis français Ă©pris d’un islam fondamentaliste portant en lui les germes du djihadisme.»«Certains de nos compatriotes engagĂ©s parmi les rebelles en Syrie y seraient passĂ©s», confirme Ă demi-mot Bernard Cazeneuve dans la moiteur Ă©touffante de Nouakchott. L’assassinat de quatre touristes français, le 24 dĂ©cembre 2007 Ă Aleg, Ă 250 kilomètres Ă l’est de la capitale, avait marquĂ© un tournant alarmant. Depuis lors, les soldats d’al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) ou encore d’Ansar al-Charia sont montĂ©s en puissance en ciblant de façon prioritaire la France, comme en tĂ©moigne la tentative d’attentat Ă la voiture piĂ©gĂ©e, abritant 850 kg d’explosifs, contre l’ambassade de France Ă Nouakchott en fĂ©vrier 2011. Une plate-forme opĂ©rationnelle
Après cet épisode, les services de renseignements sont sur les dents et tentent de repérer tous les Français convertis installés en Mauritanie et susceptibles de basculer dans la violence radicale. L’été dernier, ils ont ainsi porté leur attention sur un Franco-Malien qui infligeait de mauvais traitements à son épouse. Cet homme violent aurait auparavant été hébergé en France par Alexandre D., suspecté d’avoir tenté d’assassiner un militaire français à la Défense en mai 2013 et qu’il avait rencontré à la mosquée de Trappes. Ils mettent aussi sous étroite surveillance les groupes impliqués dans la prise d’otages d’In Amenas en janvier 2013 ou dans l’attaque du site d’Areva au Niger cinq mois plus tard. La grand-messe policière de Nouakchott vise à prendre en étau ce très préoccupant «terrorisme de zone». Sans attendre, le ministre de l’Intérieur, via la Direction de la coopération internationale (DCI), a lancé un programme de 124 actions très ciblées au profit de ces cinq partenaires du Sahel. La France a consacré 415.000 euros en 2013 à des opérations de formation et d’audit au profit des forces spéciales mauritaniennes. Et 231.000 euros vont cette année permettre d’optimiser l’action du service opérationnel (SOP) mauritanien, de construire deux postes frontières dans le sud-ouest du pays et de mettre en place une brigade de surveillance formée par le Raid. De son côté, l’Union européenne a déboursé 6,7 millions d’euros pour muscler l’action antiterroriste, au Niger et au Mali. «Ces coopérations nous rapportent beaucoup plus qu’elles ne coûtent en termes de sécurité», estime Bernard Cazeneuve. Au terme du sommet de Nouakchott, les pays du Sahel, sous l’égide de la France, ont mis sur pieds une plate-forme opérationnelle qui devrait regrouper sur un même site des pays concernés. Ces derniers bénéficieront d’un réseau de communication sécurisée afin de mener dans la plus grande confidentialité de futures opérations coups-de-poing. Tous savent que la sécurité de la France commence aux portes du désert.
LEFIGARO
|