Les transporteurs font de la rĂ©sistance   
03/04/2006

 Un sĂ©minaire sur la libĂ©ralisation annoncĂ©e depuis 2004 du secteur des transports terrestres a dĂ©marrĂ© ses travaux le lundi 11 juillet 2005 au Novotel Tfeila. Des Ă©tudes d’experts y ont Ă©tĂ© restituĂ©es en prĂ©sence du prĂ©sident du Conseil National du Patronat Mauritanien M Mohamed Ould Bouamattou, des prĂ©sidents des fĂ©dĂ©rations des transports ( FNT, FTM, GMT, GTU, FGTP, etc.. )...



... des reprĂ©sentants de dĂ©partements ministĂ©riels, de la Banque Mondiale et de la sociĂ©tĂ© civile.
Organisé par la Direction des Transports Terrestres et de la Sécurité Routière du ministère de l’Equipement et des Transports en collaboration avec l’Union Européenne, le séminaire a été le champ de présentation d’études et des mesures envisagées pour libéraliser l’activité et la moderniser dans le cadre de la stratégie élaborée par le gouvernement en 2004.
Non dits et faux fuyants
 C’est M Moustapha Ould Abdallah le ministre de l’Equipement et des Transports qui lancera les travaux en tenant toutefois, Ă  mĂ©nager la puissante FNT et ses affidĂ©s que les observateurs avaient tĂ´t prĂ©sentĂ©s comme une victime potentielle de la reforme et de la transparence. Ainsi, pour le ministre de l’Equipement "le système actuellement en vigueur (FNT/BNT ndlr) a permis globalement de s’acquitter de la mission des transports, mais le dĂ©veloppement Ă©conomique et celui de la circulation des personnes et des biens requièrent aujourd’hui la rĂ©vision du système afin d’enraciner le concept de la privatisation et rĂ©pondre aux dĂ©fis intĂ©rieurs et extĂ©rieurs".

Par la suite, c’était au tour de Mohamed Ould Mohamed Lemine directeur des transports terrestres de présenter un exposé portant sur la vision globale du secteur avec un aperçu sur l’avenir et l’urgence d’améliorer le rendement du secteur suivant une base économique. Ould Mohamed Lemine fera un rappel historique pour dire que la libéralisation avait été initiée en 1998 avec le décret 98048 du 16 juin 1998 ainsi que l’arrêté R229 du 27 avril 2000 et la loi 2000-05 portant code du commerce, mais qu’en vue de la consolidation et de l’amélioration du secteur, un débat franc et sincère est nécessaire pour répondre aux attentes des mauritaniens à celles du Gouvernement et des partenaires au développement. Et tout comme son ministre Ould Mohamed Lemine ménagera également la FNT et les opérateurs du transport en rappelant leur contribution déterminante à l’approvisionnement des points les plus reculés du pays , au transport des éleveurs et agriculteurs , au transport des élèves et des differents plans d’urgence avant de préciser que la reforme visait la libéralisation effective du secteur des transports pour la fin de juin 2005 , (ce qui n’a pas eu lieu) ainsi que la mise à jour de la réglementation du secteur des transports et l’achèvement des mesures prévues avant la fin de l’année 2005. Ce que disent les experts Un deuxième exposé sur les coûts du transport sera présenté par la suite par M Marcel Delsemme. L’exposé récapitulait les résultats d’ une étude d’une centaine de pages menée par cet expert qui a revelé que les coûts du transport établis par le BNT et les autorités, sont chers et seraient de 40 % plus élevés que ceux appliqués dans les pays de la sous région (Mali Sénégal). M Delsemme soulèvera également la vétusté du parc, la surcapacité et l’absence d’autofinancement avant de déplorer la vitesse commerciale. Ainsi sur la base d’un calcul établi sur un axe déterminé, à partir du temps d’attente au tour de rôle (qui dépasse à Nouakchott les 20 jours), du temps de chargement, de l’Aller, des contrôles, et du temps mis pour le déchargement à destination, la vitesse commerciale est de 0, 9 KM / heure entre Nouakchott et Rosso. A ce rythme, dira-t-il un client peut faire à pied, plus qu’un tel trajet. En outre, M Delsemme développera l’impact négatif du tour de rôle et du surcoût en frais de transport qu’il engendre et qui serait de 42, 22% pour les taxi brousses , 135 % pour les camionnettes , 189% pour les bus et 131 % pour les camions de 10 Tonnes . L’expert soulignera qu’en Europe avec 3% de rentabilité, les opérateurs s’estiment bénéficiaires. Enfin il parlera de la bonne position géographique de la Mauritanie, de son port qui constitue une porte d’entrée pour l’Afrique et qu’il convient aux transporteurs de devenir concurrentiels en greffant à cette infrastructure portuaire un tour de rôle efficace. S’agissant de la vétusté du parc l’expert demandera aux transporteurs de cesser de payer les détritus de l’ Europe et d’acquérir un parc automobile performant. Le scénario retenu par les autorités Après l’exposé de Delsemme un troisième communication allait être présentée par un autre expert M Bathalgi Abdel Hamid. Cette communication traitait du cadre organisationnel. Balhagi soulignera à cet effet, l’absence de régulation, la totale liberté d’accès à la profession de transporteurs, la réglementation insuffisante, l’offre de transport excédentaire par rapport à la demande et la situation monopole de fait. Ce qui a entraîné un prix de revient élevé et une faible compétitivité de l’économie mauritanienne. Par la suite, l’expert donnera un diagnostic où il est question de faible rentrée fiscale, de prélèvements financiers opérés par la profession, du manque d’équipements publics, d’une sécurité routière préoccupante et d’un faible degré de professionalisme. Et l’expert de prôner deux scénarios : Le premier, portant sur une libéralisation sans mesures d’accompagnement, en laissant au marché, le soin de se réguler avec des effets négatifs sur la profession, tan disque qu’un second scénario prône une libéralisation avec des mesures d’accompagnement et la mise en place d’outils de régulation pour la maîtrise des effets négatifs de la reforme. C’est ce deuxième scénario qui a été retenu par les autorités mauritaniennes. Il s’articule autour de quelques axes dont la consolidation du rôle régulateur de l’Etat, la suppression du monopole, le rétablissement du transport pour compte propre et l’instauration d’une autorisation de transport pour compte d’autrui. Parmi cette panoplie de mesures figurent la réactivation de l’activité de commissionnaire, la modernisation de la fiscalité des transports pour le financement de l’infrastructure du transport, l’adoption d’une loi organisant les transports routiers, la réactivation du contrôle technique, des mesures de sécurité et le rajeunissement du parc. Pour en arriver là, il est question d’une concertation renforcée avec les professionnels du secteur et un appel a été lancé aux organisations professionnelles pour soutenir la transition. L’expert signalera au cours de son exposé la stratégie de mise en place pour arriver à de tels objectifs. Il s’agit d’une stratégie qui sera exécutée par étapes et qui verra la suppression du monopole qui bloque le processus d’assainissement. L’expert appellera à engager les concertations et à la mise en place de mesures d’accompagnement. Enfin, une dernière communication sera présentée par Mme Bahnini sur les aspects juridiques : Loi d’orientation, décret organisant le transport ainsi que les conditions (surface financière, capacité technique) et les conditions d’accès des commissionnaires avant d’appeler à une réorganisation de la Direction des Transports Terrestres et de la Sécurité Routière et sa dotation en moyens humains et matériels lui permettant de mener à bien sa future mission. Les transporteurs font bloc Les propositions des experts ont soulevé le courroux des transporteurs qui semble-t- il n’ont pas tous bien assimilés le contenu des differents exposés, malgré la très bonne traduction assurée par M Cheikh Ould Sid’Ahmed, le conseiller du ministre de l’Equipement. Au cours de la pause ayant suivie les exposés des experts, certaines grandes gueules affiliées à la FNT se répandaient en fuites du genre : "Nous n’avons pas de subventions, pas de gasoil exonéré nous avons des ardoises salées non payées par l’Etat (au CSA et à la Sonimex), nous nous sommes acquittés de note mission depuis 14 ans et voila qu’on vient tout remettre en cause". A la reprise des travaux, il était prévu de poursuivre les discussions avec les experts, mais les esprits étaient assez échauffés . Finalement, Cheikh Ould Sid’Ahmed le président de la séance adoptera la proposition de M Ould Bouamattou après des "Oui Monsieur le président, nous sommes à votre disposition M le président", pour la création d’une commission de synthèse devant étudier les jours suivants le contenu des études présentées par les experts. Il faut reconnaître d’ailleurs, que les organisateurs du séminaire n’avaient pas pris la peine de disponibilser les études avant la tenue de la journée de sensibilisation. La peur du changement Ainsi, il sera question après ses remarques de la discussion de l’exposé présenté par l’expert Delsemme. Ould Bouamattou exprimera d’emblée ses réserves sur l’avantage comparatif du port de Nouakchott sur celui de Dakar et sur un taux d’intérêt à l’épargne présenté par le même expert en déclarant toutefois qu’il est contre le monopole et la cartellisation mais qu’il est également contre le désordre. Ensuite ce fut au tour de Sejad Ould Abeidna le président de la puissante FNT qui martèlera qu’il n’a y a pas de monopole dans le secteur du transport, que les tarifs au Mali sont de 60 % plus chers que les notres, que les experts qui ont fait l’étude sont des étrangers et que le secteur du transport est de forte intensité de main d’œuvre. D’autres présidents de fédérations généralement très critiques à l’égard de la FNT et de son président prendront la parole pour s’inscrire en porte à faux, dans la superficialité et l’approximatif contre les conclusions des experts .D’ailleurs, et aussi curieux que cela puise paraître, toutes les fédérations dont celles qui décriaient le tour de rôle, ont signé un document demandant son maintien. Comprenne qui pourra ! Ainsi les présidents des différentes fédérations dont des fédérations cartables, affirmeront que les coûts ne sont pas chers, que l’ étude les concernant devrait se faire en concertation avec eux, qu’il n y a pas de monopole en Mauritanie et autres remarques du genre. " Arrêtez de me faire le coup de l’étranger qui ne connaît rien à la Mauritanie " .En réponse aux remarques des transporteurs qui ont tous choisi de faire de la résistance à l’élan de reforme, par opposition à elle ou par déficit d’information la concernant, M Delsemme a repris le micro pour dire que qu’il a bien pris en considération dans son étude tous les paramètres, que les calculs qu’il avait effectué l’ont été sur la base de chiffres donnés par les transporteurs eux même , qu’il a évité de prendre les chiffres farfelus présentés par certains transporteurs, qu’il s’est rendu sur le terrain, qu’il a fait des recoupements, le tout avant de s’écrier à l’endroit des transporteurs : " Arrêtez de me faire le coup de l’étranger qui ne connaît rien à la réalité de la Mauritanie ", et de poursuivre : " Je suis dirigeant d’une entreprise de transport, je connais le secteur autant que vous et croyez moi j’ai été clair. Il suffit de voir vos camions dont des berliets de 60 ans, des véhicules que j’ai achetés en 1962 et qui sont toujours là. Vous vous appauvrissez en refusant d’avancer " Concernant les atouts du port de Nouakchott M Delsemme dira : " J’ai seulement dit que ce port est compétitif géographiquement qu’il a une bonne réputation contrairement au port de Dakar dans le traitement des marchandises. Concernant les tarifs une base de données devrait m’être fournie par le ministère mais elle ne l’a pas été. Et puis je ne suis pas là pour démolir le tour de rôle. Je suis là pour mener une étude, un point, c’est tout. Vous n’avez pas suffisamment de marchandises, vous avez une surcapacité énorme parce que tout le monde peut être transporteur. Tant qu’il n y a pas une sélection naturelle entre les bons et mauvais transporteurs, le problème restera ". Delsemme ajoutera : " Quelqu’un a parlé d’amortissement ? Eh bien vous ne le pratiquez pas ! Les voitures roulent ici 15 ans." Et de poursuivre : " C’est vrai il y a l’aspect social et politique dont je m’en suis abstenu parcqu’ils ne relevait pas de mon étude, mais je me suis appesanti sur l’historique et l’élément temps est fondamental. Si vous ne voulez pas le prendre en considération, c’et votre droit, mais je vous dis que si vous ne voulez pas bouger, les autres sont en train de le faire. " En ce qui concerne le BNT Delsemme précisera : " J’ai évité de parler du BNT. C’est vous qui en avez parlé ici. Moi je suis allé au BNT. J’ai demandé l’affectation des fonds. Je n’ai pas eu de réponse. Et ne me dites pas que le BNT fonctionne. Nul n’est parfait. On doit accepter de se remette en cause. Quand les choses sont stables, elles meurent. La vie c’est le mouvement comme le disait un Nobel de paix ". Un expert craque A peine les réponses de Delsemme apportées un deuxième expert M Bathalgi Abdel Hamid demandera la parole. Parvenu au milieu de la salle, il prendra le micro baladeur et lança à l’adresse de Mohamed Ould Bouamattou, le président du Conseil National du Patronat Mauritanien : "Combien de Fédérations vous représentez " ? Cela a ne vous regarde pas ! répondra le président du CNPM Et l’expert de revenir à la charge : " Votre façon d’interpeller les experts me fait penser que vous défendez votre gagne pain. " Réponse de Ould Bouamattou : " Je ne vous autorise par à me parler sur ce ton ". Tohue bohue dans la salle, le président de séance ordonne à l’expert d’arrêter. Un représentant des transporteurs exprimera son indignation feinte ou réelle devant le questionnaire de l’expert. Finalement, la salle retrouva le calme. Contre- propositions La parole reviendra par la suite à Ould Bouamattou qui posera plusieurs questions à l’adresse des experts. Les questions étaient relatives aux approches retenues en termes de sécurisation des produits à destination, au produits du plan d’urgence, au transport des élèves, des handicapés et des militaires, aux risques de cartellisation qui ne profiteront qu’aux riches importateurs -dont je fais partie dira le président du CNPM- et enfin, aux moyens d’assurer la desserte de localités non rentables, comme Oualatta, Tichitt et Ouadane . Enfin Ould Bouamattou fera des propositions. Des propositions qui ont trait à la diminution de l’offre de transport (surcapacité) à travers l’achat de l’excèdent de l’offre dans une restructuration du secteur à l’instar de celles dont ont bénéficié les secteurs bancaire, de l’agriculture et de la pêche. Une deuxième proposition était relative au financement du renouvellement du parc surtout celui appartenant à la classe moyenne et enfin une proposition pour prévoir des pénalités dissuasives à l’endroit de ceux qui ont des véhicules personnels et qui seraient tentés de les transformer en véhicules de transport.

 IOMS


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