La ville malienne de Kayes a été le 17 décembre 2013 une sorte de capitale des Etats-Membres de l’Organisation de Mise en œuvre du Fleuve Sénégal (OMVS). Ses hôtels affichaient le plein et son modeste aérodrome a acceuili les avions presidentiels de trois chefs d’Etats de l’OMVS et le Premier ministre guinéen auxquels...
...les populations ont reservé un acceuil enthousiaste, marque de leur adhesion aux principes fondateurs de cette organisation sous-regionale créée en 1972, à Nouakchott.
Les chefs d’Etats et de gouvernement sont venus à Kayes pour inaugurer un centre hydroélectrique de Félou entamé en 2009 et donner le coup d’envoi aux travaux d’un nouveau complexe de la même nature, à Gouina. Ces deux complexes de production de l’éléctricité bon marché, renforcent l’offre energétique et constituent de nouveaux jalons dans la mise en œuvre de la Politique Energétique Commune (PEC) des Etats-Membres de l’OMVS. Les Présidents mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, malien Ibrahim Boubacar Keita, sénégalais Macky Sall, et le Premier ministre guinéen Mohamed Said Fofana ont procédé officiellement le 17 décembre à l’inauguration du complexe hydroélectrique de Félou à 15 km de Kayes. Ils ont lancé juste après, les travaux de construction d’un nouveau centre de même type, dans la zone de Gouina à 65km de Félou.
Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz, président en exercice de la Conférence des Chefs d’Etat de l’OMVS a coupé avec ses pairs à Félou, le ruban symbolique de l’usine qui produit déjà 60MW d’électricité, visité ses installations ainsi que les ouvrages, notamment le seuil, la prise d’eau et le canal d’amenée qui draine l’eau vers l’usine pour faire tourner les hélices des turbines créant une énergie mécanique transformée en électricité et injectée à travers les postes de transformation et les lignes de transport, sur le réseau OMVS et ses points de livraison en Mauritanie, au Sénégal et au Mali.
Les Chefs d’Etats et de gouvernement ont écouté des explications fournies par Cheikh Ould Bedda, Directeur Général de la Société de Gestion de l’Electricité de Manantali (SOGEM), avant de se rendre à Gouina, où ils ont procédé, après un échange d’allocutions marquées par la fraternité et la volonté commune, et ponctuées d’applaudissements, à la pause de la première (sous forme de pelées présidentielles) du centre hydroélectrique de Gouina qui va produire 140 MW d’électricité à l’horizon 2018.
M. Dramane Diakité maire de la commune de Diamou avec ses 24 villages où se situent les impressionnantes chutes de Gouina, a été le premier à s’exprimer lors de la cérémonie de lancement des travaux du complexe, soulignant que le 17 décembre 2013 restera gravé dans les annales de l’histoire de sa commune, car elle accueille pour la deuxième fois, quatre chefs d’Etat Africains, la première, quand elle avait accueilli dans les années 70, les anciens présidents mauritanien Moctar Ould Daddah, sénégalais Léopold Sédar Senghor, guinéen Sékou Touré et malien Modibo Keita, qui avaient magnifié l’exemplarité de leur union autour de l’Organisation des Etas riverains du Fleuve Sénégal, (OERS) devenue aujourd’hui OMVS. Et de poursuivre : « La première pierre que vous posez aujourd’hui est la preuve de votre attachement à concrétiser le projet d’exploitation du potentiel de Gouina et nous avons bon espoir que ce projet améliorera les conditions de vie de nos populations ». M. Diakité a appelé à la prise en compte des préoccupations environnementales et remercié l’OMVS pour des réalisations au profit des populations notamment l’aménagement d’étangs piscicoles, les moustiquaires imprégnées et les périmètres maraichers.
Lui succédant, le Chargé d’Affaires de l’Ambassade de Chine à Bamako dont le pays finance le complexe de Gouina à hauteur de 85% à travers un prêt préférentiel a indiqué que ce projet confié à une entreprise chinoise SINOHYDRO est un investissement hautement significatif pour les économies nationales et sous-régionales, ainsi que pour les relations Chine-Afrique, fondées, dit-il sur l’égalité, la confiance mutuelle et la relation économique gagnant-gagnant.
Invité à s’exprimer le Haut Cde l’OMVS, le guinéen Kabiné Komara a remercié les chefs d’Etat pour la confiance placée en sa personne, indiquant que la journée du 17 décembre est une grande journée pour l’OMVS qui pose de nouveaux jalons faisant la fierté des quatre Etats- Membres, après que les conséquences des sécheresses qui ont dévasté la bassin du Fleuve Sénégal soient devenues des mauvais souvenirs, grâce au génie créateur et à l’engagement d’intégration des chefs d’Etats et des populations . « L’OMVS se distingue parmi 120 organisations de bassins dans le monde, comme étant l’unique organisation où les ouvrages et les affluents sont propriété commune et indivisible des Etats-Membres qui les financent ensemble et en partagent les bénéfices », a-t-il poursuivi. M. Komara a fait part des retombées des ouvrages de l’OMVS qui permettent aujourd’hui de maitriser l’eau et de fournir l’eau potable pour Nouakchott et Dakar et le volet navigation confié à la SOGENAV dont le siège est en Mauritanie laquelle permettra au Mali d’avoir un accès à la mer, ainsi que le coup d’accélérateur donné à la production de l’énergie électrique avec les complexes de Manantali, de Félou et de Gouina et l’arrivée de la Guinée à l’OMVS (depuis 2006) avec son potentiel de 1000 MW.
Applaudissez la Mauritanie ! M. Komara a tenu à faire un aveu, a-t-il dit, lequel a consisté à exprimer « un grand remerciement » au président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz dont «l’intervention personnelle et incisive a permis de recadrer le prêt du projet et d’en améliorer substantiellement le coût, permettant aux Etats-Membres de faire des économies importantes ». Il y a lieu de souligner que des économies de 30 millions de dollars ont pu être faites sur le projet de Gouina sur intervention personnelle du président mauritanien qui a refusé d’avaliser un budget prévisionnel surdimensionné, a-t-on appris auprès d’un consultant international. «Je vous demande d’applaudir la Mauritanie pour son initiative de ne pas exporter son gaz du champ de Panda et de le transformer en énergie électrique à un prix abordable, ce qui permettra de faire face de manière substantielle au déficit énergétique de la Mauritanie, du Sénégal et du Mali. En cela, nous espérons que le réseau qui va le charrier sera confié à l’OMVS pour que nous restons dans la dynamique de l’intégration créée par les pères fondateurs de notre organisation », a ajouté le Haut Commissaire de l’OMVS sous les applaudissements.
Et la parole est revenue aux chefs d’Etat ! Au président malien Ibrahim Boubacar Keita (IBK) d’abord, puis au président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, président en exercice de la conférence des Chefs d’Etat de l’OMVS. L’intervention du président IBK a été dominée dans un premier temps par la situation sécuritaire au Nord-Mali avec l’attentat qui a couté la vie le 14 décembre à Kidal à deux soldats sénégalais de la MINUSMA. « Ils sont morts pour le Mali, nous ne l’oublierons pas et ferons en sorte qu’ils ne soient pas morts pour rien. Kidal sera dans le joug du Mali qui restera un et indivisible. Je ne négocierai plus avec les groupes armés. Ceux qui veulent la paix, négocieront sans armes. Aucun rebelle ne saura se hisser à ma hauteur pour négocier d’égal à égal», a martelé le président IBK qui a demandé à l’assistance d’observer une minute de silence à la mémoire des soldats sénégalais tués. Après la minute de silence, le président IBK a affirmé que la journée du 17 décembre est une date historique à inscrire en lettres d’or dans les annales des pays de l’OMVS. «Cette journée symbolise la réussite de notre outil commun », a-t-il reconnu.
Puis ce fut au tour du président mauritanien de prendre la parole et de présenter les condoléances du Peuple et du Gouvernement Mauritaniens au Président Maky Sall pour les militaires sénégalais tués au Mali. « Ils sont morts pour la liberté et pour défendre un pays ami contre le terrorisme et l’obscurantisme, un phénomène que la Mauritanie a combattu et combattra », a déclaré le Président Mohamed Ould Abdel Aziz avant de poursuivre : « Je salue la détermination du gouvernement malien à instaurer la paix et l’unité nationale pour faire face aux menaces ». Et de poursuivre : «En 2009, nous lancions les travaux de Félou et les voila achevés. Nous posons aujourd’hui les jalons du centre de Gouina ». Le président mauritanien a également évoqué la nouvelle offre énergétique mauritanienne et appelé à la bonne gouvernance et à la gestion efficace des ressources en eau. «Notre espace OMVS recèle d’autres réserves énergétiques importantes. L’exécution en cours en Mauritanie de la production de l’électricité à partir du gaz, permettra de mettre à la disposition de l’OMVS à partir de l’année prochaine, d’importantes quantités d’électricité et de contribuer significativement à la résorption du déficit énergétique de la sous- région. Il nous appartiendra ensemble de trouver le cadre adéquat pour optimiser l’utilisation de nos ressources propres dans l’intérêt de nos populations ». Notre organisation n’a cessé de se moderniser et de renforcer. Nous devons préserver nos acquis en donnant une place centrale à la bonne gouvernance et à la gestion efficace de la ressource en eau. Voila des choix indispensables à la continuité de notre entreprise commune, bâtie sur la volonté de mettre en commun nos ressources, dans une démarche consensuelle, solidaire et équitable, a conclu le Président mauritanien avant la pose de la première pierre du centre hydroélectrique de Gouina .
Pour la symbolique les trois chefs d’Etat et le Premier ministre guinéen ont chacun lancé deux pelées d’abord individuellement, puis collectivement, sur l’insistance des journalistes qui leur disaient: Ensemble ! Ensemble ! Et les chefs d’Etat se sont exécutés lançant ensemble des pelées de sable sur la première pierre du futur centre hydroélectrique de Gouina .Un nouveau jalon d’une vision commune a été posé dans une action commune. Isselmou Moustapha
  




Eclairages
Les travaux de construction du complexe hydroélectrique de Félou achevés en décembre 2013 ont débuté en 2009 pour un coût de 142 millions de dollars. Situé à 250km à l’aval du barrage de Manantali et à 15 km au sud-ouest de Kayes, ce complexe comporte plusieurs ouvrages allant du seuil, jusqu’au poste de départ et la ligne Haute Tension pour fournir l’électricité aux sociétés d’électricité des Etats-Membres suivant un cadre juridique de cession, un protocole tarifaire, un autre d’interconnexion et un mécanisme de concertation. Le réseau de transport Haute Tension est long de plus de 1700 km et comprend 12 postes de transformation HT/MT au Mali, en Mauritanie et au Sénégal.
Le centre hydroélectrique de Gouina (80 km en amont de Kayes) encore au stade de projet va couter 50 milliards de Francs CFA . La mise en valeur d’autres sites de production de l’énergie est également prévue à Gourbassi (25MW), Koukoutamba (280 MW), Bouraya (240MW) et Badoumbé.
Ces réalisations interviennent après celles de 1988 avec le barrage anti-sel de Diama (à 27 km en amont de Saint Louis, Sénégal) pour empêcher la montée de la salinité de l’océan Atlantique vers les terres cultivables de la vallée ,ainsi que le barrage régulateur hydroélectrique de Manantali (Mali) en 2002 qui a permis l’irrigation de 255 000 ha, la navigabilité du fleuve Sénégal de Saint-Louis à Ambidédi et un productible d’environ 807 GWh, en année moyenne d’hydraulicité.
L’OMVS a été créée en 1972 à Nouakchott par la Mauritanie, le Sénégal et le Mali dans un contexte de graves détériorations climatiques (cycles de sécheresse, dégradation des ressources naturelles, remontée de la salinité). Les trois pays rejoints par la Guinée, en 2006 avaient décidé d’unir leurs efforts pour maitriser la disponibilité de l’eau et rechercher les moyens d’une exploitation rationnelle et coordonnée des ressources du bassin du Fleuve Sénégal. Ils ont créé la SOGEM avec pour mission la réalisation du Projet Énergie Manantali ainsi que l’exploitation et la maintenance de tout autre ouvrage de production et de transport d’énergie. C’est à ce titre que les États-Membres ont confié à la SOGEM la réalisation et l’exploitation des ouvrages de Félou dont les travaux ont été achevés cette année. La SOGEM a été chargée de la réalisation de nombreuses infrastructures dans le secteur de l’énergie et des projets d’électrification rurale, notamment, ceux de Mahina/Bafoulabé et des villages en aval du barrage de Manantali au Mali, celui de Bakel-Gouraye-Sélibaby au Sénégal et en Mauritanie. Les Etats-Membres de l’OMVS se sont attelés ces dernières décennies à la régularisation progressive des débits du Fleuve à travers les barrages et les retenues afin d’augmenter les débits d’étiage pour l’agriculture et la navigation et pour la production de l’énergie électrique, bon marché. L’électricité produite est cédée aux sociétés d’électricité des Etats-Membres à travers un réseau de Haute Tension long de plus de 1700 km suivant un cadre juridique de cession et un protocole tarifaire. Les nouvelles infrastructures Félou et Gouina en plus de celle de Manantali, consolident l’offre énergétique dans l’espace OMVS à laquelle s’ajoutera à partir 2014, l’électricité produite en Mauritanie, à partir du Gaz.
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