|   Une apparente mutation génétique d’un des parasites du paludisme, appelé P. vivax, pourrait menacer des dizaines de millions de personnes dans le monde notamment en Afrique qui y sont jusqu’à présent naturellement résistantes, révèlent vendredi deux recherches aux Etats-Unis. 
 
 La Plasmodium vivax, Ă  l’origine d’une forme plus bĂ©nigne du paludisme qui a provoquĂ© près de 20 millions de cas en 2010, "pourrait connaĂ®tre une mutation rapide" pour dĂ©jouer la protection naturelle confĂ©rĂ©e par un certain type sanguin trouvĂ© chez des millions d’Africains, expliquent les auteurs de ces travaux. Ils ont prĂ©sentĂ© leurs rĂ©sultats Ă  la confĂ©rence annuelle de l’American Society of Tropical Medicine and Hygiene (ASTMH), rĂ©unie Ă  Washington. Dans une grande partie de l’Afrique subsaharienne, jusqu’à 95 millions de personnes seraient protĂ©gĂ©es contre le P. vivax par l’absence dans leur sang d’un rĂ©cepteur de la protĂ©ine Duffy. Ceci empĂŞche Ă  ce parasite de pĂ©nĂ©trer dans les cellules des globules rouges du sang. Mais au cours des cinq dernières annĂ©es, les infectiologues ont Ă©tĂ© surpris de constater un nombre grandissant d’infections en Afrique et en AmĂ©rique du Sud par le P. vivax chez des personnes sans ce rĂ©cepteur qui y sont normalement rĂ©sistantes. Bien que provoquant un paludisme moins grave que celui rĂ©sultant du Plasmodium falciparum, responsable d’une grande majoritĂ© des dĂ©cès surtout de jeunes enfants en Afrique subsaharienne, le P. vivax menace presqu’autant de personnes dans le monde Ă  savoir 2,49 millions, selon ces chercheurs. Et ce nombre pourrait nettement grimper si ce type de groupe sanguin en question ne confère plus de protection complète, craignent-ils. "Nous avons dĂ©couvert un mĂ©canisme gĂ©nĂ©tique jusque-lĂ  inconnu dans le P. vivax qui pourrait permettre Ă  ce parasite d’envahir les cellules sanguines, aidant Ă  expliquer la raison de ces infections chez des personnes qui ne possèdent pas ce rĂ©cepteur de la protĂ©ine Duffy et qui sont normalement protĂ©gĂ©es", prĂ©cise Peter Zimmerman, professeur de biologie Ă  l’UniversitĂ© Case Western Reserve dans l’Ohio (nord), co-auteur des deux Ă©tudes devant ĂŞtre publiĂ©es respectivement le 21 novembre et le 5 dĂ©cembre dans la revue scientifique amĂ©ricaine PLOS Neglected Tropical Diseases.   Une copie de lui-mĂŞme   "Nous avons notamment trouvĂ© qu’un gène connu pour permettre P. vivax d’envahir les cellules sanguines faisait une copie de lui-mĂŞme pour exister en deux exemplaires... il s’agit souvent d’une manière pour les pathogènes de berner le système immunitaire", relève ce scientifique, ajoutant que ces recherches montraient que le parasite "paraissait Ă©voluer rapidement". Ces chercheurs ont dĂ©couvert que les prĂ©cĂ©dentes analyses du sĂ©quençage du gĂ©nome du P. vivax avaient peut-ĂŞtre "ratĂ© des gènes importants" permettant au parasite d’être plus virulent. "Nous pensons que les mĂ©canismes gĂ©nĂ©tiques que nous avons mis au jour pourraient bouleverser notre comprĂ©hension de cette forme très importante du paludisme, qui ne mobilise pas autant d’attention que celle rĂ©sultant du P. falciparum mĂŞme si elle provoque des symptĂ´mes sĂ©vères et pourrait ĂŞtre plus grave que beaucoup ne pensent", juge David Serre, de l’Institut de mĂ©decine gĂ©nomique de la Cleveland Clinic, autre co-auteur de ces deux Ă©tudes. Le paludisme provoquĂ© par le P. vivax est d’une certaine façon plus dangereux que celui rĂ©sultant du P. falciparum car il a la capacitĂ© de "se dissimuler" dans le foie et de rĂ©apparaĂ®tre de nombreuses fois dans le sang pour provoquer des rechutes de l’infection, notent ces scientifiques. Selon eux, cette mutation gĂ©nĂ©tique se propage par les voyageurs depuis Madagascar, oĂą elle a Ă©tĂ© trouvĂ©e dans plus de 50% des 189 Ă©chantillons prĂ©levĂ©s, soit la prĂ©valence de loin la plus Ă©levĂ©e. En comparaison, moins de 10% des 33 Ă©chantillons du parasite venant du Cambodge avait cette mutation. Les professeurs Zimmerman et Serre vont tenter de dĂ©terminer si ces changements gĂ©nĂ©tiques sont bien la cause de la perte de protection au P. vivax chez les personnes naturellement rĂ©sistantes. Ils vont Ă  cette fin Ă©tudier des Ă©chantillons de sang de 1.500 personnes souffrant du paludisme provoquĂ© par le P. vivax dans deux zones de Madagascar. Leur plus grande crainte est que le parasite mutant ne traverse le Canal du Mozambique, bras de mer de 400 kilomètres sĂ©parant Madagascar de l’Afrique, oĂą des millions d’Africains pourraient perdre leur immunitĂ© contre ce parasite. AFP Source : TV5 |