La Ligue des oulémas du Sahel envisage de lancer une campagne de révision intellectuelle dans les prisons. Cette organisation, lancée l’année dernière par des leaders religieux d’Algérie, du Mali, du Niger, de ...
... Mauritanie et du Nigeria, vise à aider les terroristes emprisonnés à adopter des opinions religieuses plus modérées. L’objectif est de leur permettre ensuite d’influencer positivement d’autres extrémistes armés encore actifs dans les régions reculées. Dans le cadre de ce nouveau projet, une délégation nigériane s’est rendue en Algérie la semaine dernière pour y rencontrer les oulémas membres de cette ligue. "Nous sommes venus en Algérie pour bénéficier de l’expérience de la charte pour la paix et la réconciliation nationale dans le dialogue avec les prisonniers extrémistes... Pour trouver une solution au problème du militantisme dans le Nord du Nigeria et au Sahel", a expliqué le sheikh de l’ordre Tijaniyya du Nigeria jeudi 23 mai à Alger. "Cette région connaît en effet une crise avec les radicaux similaire à celle que l’Algérie avait connue dans les années 1990, et nous sommes venus pour tirer parti des leçons de la réconciliation nationale", a ajouté Ali Ahmed Abou El-Feth. L’ordre Tijaniyya a des liens historiques avec l’Algérie. Il a été fondé à Aïn Madhi (dans la wilaya de Laghaouat) par le sheikh Ahmed Tidjani Cherif dans les années 1700, et s’est par la suite étendu dans toute la région du Sahel. Les partisans de cet ordre représentent aujourd’hui près de 70 pour cent de la population musulmane du Nigeria, a précisé El-Feth. "Le Nigeria souffre du conflit entre islamistes et chrétiens, et de l’extrémisme violent adopté par des groupes tels que Boko Haram," a expliqué à Magharebia le président algérien de ce groupe d’oulémas, Youssef Mashriya. La Ligue des oulémas envisage de diffuser ses "révisions" à la radio, dans l’ensemble des quarante-huit provinces algériennes et dans les autres pays du Sahel. Lors des rencontres avec les détenus, les questions relatives au terrorisme seront discutées. Des conseils et une orientation seront proposés en réponse aux fatwas takfiristes. Les imams et les prédicateurs assureront également des conférences et des classes dans les mosquées. "De nombreux jeunes en prison attendent ces rencontres avec impatience et souhaitent ardemment des rencontres religieuses avec les précheurs et les oulémas", a expliqué Mashriya. La question tourne autour de "la mauvaise interprétation et l’incompréhension des textes religieux et des traditions du Prophète", a-t-il souligné. "La Ligue s’efforce de faire transparaître la vérité." Les jeunes détenus peuvent être classés en deux groupes, a-t-il expliqué. "Le premier est composé de personnes ordinaires, pour la plupart des jeunes ayant une connaissance très limitée de la religion islamique et de la sharia, mais dotés d’une approche émotionnelle et enthousiaste de la religion. Ce groupe tire pour l’essentiel ses références et ses fatwas de l’Internet, des réseaux sociaux et de certaines chaînes satellitaires", a ajouté le sheikh. "Le second est constitué de personnes ayant une très grande connaissance de la religion, mais qui reçoivent de l’étranger des fatwas qui n’ont rien à voir avec la situation qui prévaut au Sahel", a-t-il poursuivi. Cette initiative a suscité des réactions positives à Alger. "Certains jeunes qui embrassent les idées extrémistes et violentes tentent toujours de discréditer la valeur de référence des oulémas d’Algérie et du Sahel. Ils craignent que de tels projets n’incitent les gens à adopter la voie médiane", a expliqué Saeed Hamani, étudiant de la sharia, à Magharebia. "J’ai confiance dans le fait que cette campagne de révision contribuera à tarir les références religieuses des groupes extrémistes", a-t-il ajouté. Sheikh Ahmed, imam à Alger, est lui aussi favorable à cette campagne. "Nous devons soutenir cette noble entreprise pour le salut de l’Islam et des Musulmans", a-t-il expliqué. "Dans leur grande majorité, les auteurs d’actes criminels ignorent leur religion. Ils ont été exploités par la tricherie et la trahison, qui en ont fait des assassins de leur propre peuple", a ajouté cet imam. Magharebia
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