Le Mali est un pays frontalier, frère de sang et de religion, avec lequel nous, mauritaniens, partageons une longue histoire. Ce pays est menacé de démantèlement, après l’occupation de sa partie nord par des djihadistes. Il vit aujourd’hui les moments les plus sombres de son existence.Comme dans la plupart des..    
					                       
                                        ...«pays pauvres et endettĂ©s» dont fait partie le Mali, les institutions rĂ©publicaines, qui sont les fondements de l’Etat, sont inexistantes et l’unitĂ© nationale est un slogan vide.  D’un point de vue gĂ©nĂ©ral, ces « pays pauvres et endettĂ©s » n’ont connu depuis leur naissance que des difficultĂ©s Ă©conomiques Ă  ce jour insolubles - et  sans la  
«charitĂ© internationale», dĂ©guisĂ©e sous diverses terminologies comme : «la coopĂ©ration bilatĂ©rale ou multilatĂ©rale», «les financements d’Institutions de DĂ©veloppement» - ces pays sont Ă  genoux face Ă  toute crise majeure intĂ©rieure.  Ne dit-on pas que « l’Argent » est le nerf de la guerre ? « L’Argent » peut aider Ă  Ă©viter la guerre par la nĂ©gociation de l’achat d’une paix, ce qui est souvent le choix le moins couteux dans le temps, surtout pour un pays pauvre comme le Mali.  Ce pays n’a jamais pu respecter ses engagements pris dans les diffĂ©rents accords avec les rebelles Touaregs qui revendiquent lĂ©gitimement une plus grande intĂ©gration Ă©conomique, culturelle et politique de leur rĂ©gion, longtemps laissĂ©e Ă  l’abandon par les dirigeants Ă  Bamako. Il est acquis que, par cette rĂ©gion transite 40% des drogues dures dans le monde, et qu’elle est devenue le cĹ“ur gĂ©ographique sahĂ©lien du deuxième plus grand marchĂ© mondial du trafic d’armes, ainsi que la base arrière des preneurs d’otages. Après tant d’annĂ©es de conflits et de sècheresses dans le nord malien, l’assemblĂ©e nationale malienne a votĂ© en fin 2009 un montant d’environ un million d’euros pour les projets dans tout l’Azawad ! Ce qui est insignifiant. Aujourd’hui, il y a un vide politique au Mali. Le gouvernement de transition actuel, n’a pas de lĂ©gitimitĂ© suffisante pour ĂŞtre considĂ©rĂ© comme un interlocuteur crĂ©dible, aux yeux de la communautĂ© internationale ou des Touaregs dont les revendications historiques sont devenues inaudibles, depuis le contrĂ´le de la rĂ©gion de l’Azawad par des salafistes djihadistes. Ces revendications justes ne sont pas portĂ©es par un chef charismatique indiscutable ni par une idĂ©ologie fĂ©dĂ©ratrice pouvant transcender les divergences entre les diffĂ©rents groupes Touaregs, ce qui ne peut faciliter des nĂ©gociations. Les Touaregs de l’Azawad reprĂ©sentent environ un million d’habitants,  soit moins de 10% de la population malienne (15 millions).  Tout le monde sait que tous les Touaregs sont majoritairement non-salafistes. Que tous les salafistes y compris ceux d’ailleurs ne sont pas forcĂ©ment des djihadistes. Au vu de ce qui prĂ©cède, que peut faire la Mauritanie qui est, malheureusement de longue date,  membre du club des « pays pauvres et endettĂ©s » ? Une intervention militaire est-elle envisageable et sous quelle forme ? Quelles sont les consĂ©quences futures pour la Mauritanie d’une non-intervention militaire au Mali ? Je ne peux prĂ©tendre avoir la rĂ©ponse Ă  ces questions qui mĂ©ritent d’être dĂ©battues, je me limiterais donc Ă  Ă©voquer quelques pistes de rĂ©flexions.  Je dirais, comme commencement de rĂ©ponse que cela dĂ©pend, en partie, des contextes rĂ©gional et international ainsi que de notre situation intĂ©rieure. Il y a un appel moral et religieux pressant Ă  aider un voisin en danger, si celui-ci accepte d’entendre la voix de la raison en s’engageant fermement Ă  satisfaire les revendications lĂ©gitimes des populations Touaregs, longtemps victimes d’exclusion, d’injustices et de rĂ©pressions. La religion musulmane, sur l’importance du poids du devoir (Hagh) envers le voisin (« Jare ») est très claire. C’est d’ailleurs l’accomplissement de ce mĂŞme devoir par le SĂ©nĂ©gal, qui a encadrĂ© et permis la dernière Ă©lection prĂ©sidentielle dans notre pays. Nous avons les mĂŞmes grands espaces dĂ©sertiques que la Mali, le gros des contingents d’Aqmi sont des mauritaniens et non des maliens, en cas de non-intervention militaire, nous risquons de donner le temps pour s’organiser, pour se renforcer et pour s’armer Ă  un ennemi qui nous a combattu Ă  de nombreuses reprises et qui sans nul doute nous attaquera dans un avenir proche ou lointain. Ce qui revient Ă  dire, qu’aider aujourd’hui le Mali Ă  recouvrer sa souverainetĂ© sur l’ensemble de son territoire, c’est renforcer l’avenir de la stabilitĂ© de notre pays. Les interventions militaires, dans l’histoire contemporaine, ne se ressemblent pas. Selon les critères de rĂ©ussite ou d’échec considĂ©rĂ©s, elles ont plus ou moins des rĂ©sultats mitigĂ©s, voire catastrophiques en termes de couts humains et financiers. Mais n’arrive-t-il pas qu’on accepte, en cas de maladie, de couper une partie de notre corps pour sauver le reste ? 
Vous ne continuerez pas la lecture de cet article si je vous dirais que les interventions militaires occidentales en Irak, en Afghanistan, en Libye, celle des éthiopiens en Somalie ou celle de l’Arabie Seoudite à Bahrain ont : 
 - RenforcĂ© la dĂ©mocratie, la libertĂ©, les droits de l’homme,  - Créé une vĂ©ritable amitiĂ© entre les pays, -  Rendu les pays plus surs, - crĂ©e un rayonnement scientifique et culturel sans prĂ©cèdent dans l’histoire des pays « libĂ©rĂ©s ». 
 Puisque cela est une tromperie grossière. Si notre pays s’associe Ă  une intervention militaire pour empĂŞcher le dĂ©mantèlement de notre voisin malien, ce n’est pas prioritairement pour dĂ©fendre ce qui prĂ©cède, mais rĂ©ellement pour assurer l’avenir de la stabilitĂ© et de la sĂ©curitĂ© en Mauritanie. Certains pensent que c’est aux maliens d’abord de  libĂ©rer leur pays, pas aux mauritaniens, ….mais peuvent ils le faire avec une armĂ©e laissĂ©e Ă  l’abandon depuis plus de vingt ans ? N’ont-ils pas des Ă©quipements militaires obsolètes, dont certains datent de la deuxième guerre mondiale comme la vingtaine de leurs chars T-34. A quoi peuvent servir dans le dĂ©sert sablonneux ou montagneux leur dizaine d’autres Ă©normes chars T-55 ? Il en est de mĂŞme pour les batteries de dĂ©fense anti-aĂ©riennes, puisque les rebelles n’ont pas d’avions. Ils n’ont pas assez de moyens de transport de troupes (moins d’une centaine d’engins blindĂ©s), de pièces d’artillerie (moins d’une cinquantaine),  pour pouvoir rĂ©occuper la vaste zone de l’Azawad.  Ce type de champ de bataille qui s’étend sur de vastes Ă©tendues dĂ©sertiques exige des Ă©quipements facilitant la mobilitĂ© et non ceux de la guerre de positions. Le contexte rĂ©gional de cette crise malienne est assez complexe. L’AlgĂ©rie, la puissance militaire rĂ©gionale frontalière du Mali sur 1300 km, ne veut pas d’une intervention militaire, malgrĂ© les actes de guerre contre elle, commis par les djihadistes, avec prises d’otages et assassinat de l’un de ses diplomates. Pour elle, une intervention militaire ferait oublier Ă  la communautĂ© internationale, pour un certain temps la cause sahraoui et les camps de rĂ©fugiĂ©s de  Tindouf, chers aux algĂ©riens dans leur stratĂ©gie de lutte d’influence rĂ©gionale face au Maroc.  
L’Algérie a aussi ses citoyens Touaregs dans la zone pétrolière du Sud, elle a toujours été impliquée dans les négociations entre les autorités maliennes et les Touaregs de l’Azawad. Ce qui la préoccupe c’est l’avenir de la stabilité de sa propre région Touareg.  Elle ne peut accepter un Etat Touareg à ses frontières, pouvant donner des idées d’autonomie ou de rébellion à ses populations du Sud. 
Le Maroc a donc intĂ©rĂŞt Ă  ce que la crise malienne perdure, Ă©clipsant de facto la question Sahraoui. Dans la guerre internationale contre le terrorisme, l’occident a besoin du piège malien  et du temps pour attirer le maximum de djihadistes de tous pays, afin de les combattre sur un mĂŞme front. Le Qatar en finançant les djihadistes dans le nord malien renforce volontairement ou involontairement la stratĂ©gie marocaine et la tactique occidentale. La CommunautĂ© Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sait que l’intervention au Mali sur un champ de bataille mĂ©connu de ses armĂ©es, demande beaucoup d’équipements, de moyens de renseignements et de logistique. Ce que ses armĂ©es n’ont pas. Si l’ONU lui donne un mandat d’intervention militaire au Mali, la CEDEAO serait dans l’incapacitĂ© de mener Ă  court terme cette mission, eu Ă©gard au manque de prĂ©paration de ses armĂ©es. Le cas de l’armĂ©e malienne, mise en dĂ©route par une poignĂ©e de rebelles, est l’exemple par excellence. Il n’est pas aussi certain que la tactique de menaces d’intervention de la CEDEAO poussera les djihadistes Ă  la nĂ©gociation etau retrait total de l’Azawad. Les membres du Conseil de SĂ©curitĂ© de l’ONU n’arrivent pas Ă  s’accorder sur l’usage de la force dans le nord malien. Toute notre rĂ©gion ne constitue pas un enjeu Ă©conomique important en particulier pour les Etats Unis qui ont Ă©mis des rĂ©serves sur l’efficacitĂ© d’un recours immĂ©diat Ă  la force dans le nord du Mali. Ce dernier sera un enjeu tactique dans la lutte contre le terrorisme, si le nombre de djihadistes prĂ©sents deviendrait significatif. La situation intĂ©rieure en Mauritanie, avec une opposition contre toute forme de conflit, des ressources financières limitĂ©es, ne facilite pas une mobilisation suffisante pour soutenir  politiquement une intervention militaire d’envergure dont les consĂ©quences pourraient ĂŞtre couteuses,ouvrant la porte aux coups d’Etat et Ă  l’instabilitĂ© dans notre pays.   Tous ces agendas d’intervention ne coĂŻncident pas avec celui du Mali, qui se dĂ©bat dans sa crise intĂ©rieure. Sans engagement ferme du Mali Ă  rĂ©gler dĂ©finitivement par la nĂ©gociation la question des revendications lĂ©gitimes de sa population Touareg, toute participation de notre pays Ă  une quelconque intervention militaire serait hasardeuse. Puisque, cela reviendrait, d’une certaine façon, eu Ă©gard aux origines de la crise malienne, Ă  cautionner l’usage gĂ©nĂ©ralisĂ© de la force comme mode de règlement des conflits. Ce qui n’est pas acceptable. Si cette condition est rĂ©alisĂ©e, participer Ă  une intervention militaire collective, avec des effectifs limitĂ©s permettrait de rĂ©pondre au devoir moral d’assistance Ă  un voisin en pĂ©ril. Puisqu’il n’est pas soutenable de rester dans l’inaction, après que ce voisin nous ait aidĂ© contre Aqmi, au cours de toutes nos incursions dans son territoire. L’armĂ©e malienne a besoin de laver l’affront qu’elle vient de subir, elle pourrait ĂŞtre en première ligne dans les combats contre les djihadistes, laissant Ă  la Mauritanie et aux autres pays participant Ă  l’intervention la sĂ©curisation des villes libĂ©rĂ©es et celles du sud du pays. Cette forme d’intervention n’est pas un conflit sans fin, crĂ©ant une quelconque haine entre les  peuples malien et mauritanien, mais plutĂ´t renforçant une solidaritĂ© qui les rapprochera et consolidera leurs amitiĂ©s. 
Yahya Ould Amar Administrateur Directeur Général BCI MR (filiale du Groupe Bancaire français BPCE) Région Afrique de l’Est et Moyen Orient 
                      
                    
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