L’INQILAB INTROUVABLE   
28/08/2012

Par R’chid Ould Mohamed.  Il nous parait juste et honnĂŞte de reconnaĂ®tre les qualitĂ©s littĂ©raires des textes Ă©crits par Mohamed Yehdih Ould Breideleil (N°2536 du Mardi, 17 AoĂ»t au 25 43 du 16 AoĂ»t 2012) paru sousle titre gĂ©nĂ©rique de « la Mauritanie et l’Azawad ». Ils sont conformes Ă  ce que...



...Mohamed Abeid Al –Jabri, philosophe marocain qui a beaucoup rĂ©flĂ©chi sur « la raison arabe », considère comme un bon texte destinĂ© Ă  un public arabo- musulman, marquĂ© par cette opĂ©ration mentale qu’on appelle l’analogie  du connu Ă  l’inconnu et qui consiste Ă  aligner les textes profanes sur le Texte sacrĂ© afin d’en imiter ou tout au moins de s’approcher de son inimitable harmonie.

Les textes de Ould Breideleil sont « abondants », « éloquents » « fluides » et leur style semble tellement lié à leur sens au point qu’il est impossible de résister à la croyance que l’auteur compte davantage sur celui-là pour convaincre ses lecteurs du bien fondé de celui-ci.
 
Toutefois, lorsque le temps de l’admiration  suscitĂ©e par la forme de ces textes laisse place Ă  l’analyse de leur contenu, notre dĂ©ception est grande de constater que tant d’intelligence, d’éloquence, de perspicacitĂ© et parfois d’humour sont mis au service d’une pensĂ©e archaĂŻque, Ă©quivoque, raciste, anti- dĂ©mocratique, anti- patriotique et surtout loin de cet esprit  de «munificence» caractĂ©ristique, selon l’auteur de l’esprit des maures.
 
Il serait fastidieux et impossible de s’engager dans une étude systématique de ces textes- nous n’en avons ni l’envie, ni la possibilité- il s’agit plus humblement de discuter quelques points qui nous semblent soit équivoques, soit contestables, soit prétentieux ou soit franchement condamnables.
 
Le premier concerne la mission de Coppolani  sur laquelle l’auteur dĂ©veloppe des considĂ©rations qui mĂ©ritent d’être clarifiĂ©es.
 
Lorsque cet homme dĂ©barque dans l’Azawad pour une mission au Soudan français  et au nord du Sahel et qui devrait durer  de novembre 1898 Ă  AoĂ»t 1899, il Ă©tait juste question de mener une action diplomatique auprès des tribus maures et Touareg, pour prĂ©parer la conquĂŞte coloniale de leur territoire et non celui de la colonisation de la Mauritanie dans son ensemble, comme semble le suggĂ©rer Ould Breideleil.

En disant que le colon français n’était pas un «nigaud »l’auteur voulait dire qu’il n’était pas assez fou pour lancer la conquĂŞte de la Mauritanie Ă  partir de cette rĂ©gion, puisqu’il n’aurait pas, selon lui, bĂ©nĂ©ficiĂ© de suffisamment  de soutiens auprès des populations maures de ces territoires.

Un historien  ou un intellectuel qui voudrait se glisser dans la peau de celui-ci doit apprendre une règle Ă©lĂ©mentaire en histoire : remettre les Ă©vĂ©nements dans leur contexte historique avant de les juger.

Or la conjoncture historique de l’époque était marquée par « des rivalités souvent haineuses et des sempiternelles luttes qui opposaient les tribus entre elles ». En réalité la majorité des populations de cette région était confrontée aux pillages qu’une autre lui imposait et ne lui laissait aucune chance de s’investir dans des activités productives ou commerciales.

 L’argument dĂ©cisif qui a poussĂ© l’essentiel des tribus des deux Hodhs, de l’Assaba et de l’Azawad Ă  signer des accords de soumission avec Coppolani, c’est qu’il est reprĂ©sentant d’une puissance non pas amie de l’islam et des musulmans, mais qui Ă©tait prĂŞte Ă  les protĂ©ger des pillages qu’une partie de leurs congĂ©nères leur imposait.
L’intellectuel baathiste   qui a poussĂ© la dĂ©sinvolture en minimisant ces accords est bien dans son rĂ´le de dĂ©fenseur des castes guerrières contre les masses laborieuses.
 
Les sociĂ©tĂ©s maures Ă  cette Ă©poque Ă©taient Ă©puisĂ©es par des siècles d’anarchie et ne pouvaient donc en aucune façon prĂ©senter un front uni contre le dynamisme d’une puissance coloniale dotĂ©e d’une force militaire moderne et rĂ©solue Ă  unifier ces colonies du sud et du nord de part et d’autre du Sahara. 
 
C’est la colonisation française qui a organisé ce territoire et qui l’a doté d’une autorité politique unifiée en 1958. Au moment du reflux colonial, le pays était laissé aux mains d’une équipe assez sage qui, en utilisant les moyens dont elle disposait à l’époque, a pu maintenir la cohésion de cet héritage colonial.
La culpabiliser  aujourd’hui  sous le fallacieux prĂ©texte qu’elle n’avait pas tentĂ© de crĂ©er un Ă©tat dont les contours Ă©pouseraient les zones de parcours de tous les maures, ne peut provenir que de ceux qui n’ont jouĂ© qu’un rĂ´le nĂ©gatif dans le destin national ou qui sont victimes d’illusions et de folie de grandeur.
Or nous savons avec le recul en quoi celles-ci consistent et à quoi elles conduisent : on entretient, au moyen d’une violence inouïe, et on nourrit une dictature par des discours grandioses et utopiques jusqu’au jour où une secousse interne ou une action extérieure vienne y mettre fin.
La contiguĂŻtĂ© territoriale, l’homogĂ©nĂ©itĂ© ethnique, la communautĂ©  raciale et linguistique ne peuvent ĂŞtre au fondement d’un Etat que si les populations en chair et en os ont la volontĂ© d’être intĂ©grĂ©es  et de vivre ensemble. Celle-ci  peut supplĂ©er Ă  l’absence de tous les autres facteurs citĂ©s plus haut.
 
Le deuxième point concerne la deuxième partie de ces textes intitulée « ceux qui crient ». L’auteur s’y efforce au début de fixer aux hommes politiques un mode de conduite fondé sur la responsabilité et la modération des propos. C’est juste. Nous partageons entièrement cette recommandation. Montesquieu, un des premiers sociologues français posait la vertu comme le principe de la démocratie. Cependant notre intellectuel n’a pas toujours respecté les principes qu’il a énoncés.
On se rappelle encore de son pamphlet  (Ă©viter l’infamie) incendiaire contre le prĂ©sident Sidi Ould Cheikh Abdellahi  dans lequel il ne demandait pas moins que l’assassinat du couple prĂ©sidentiel. Nous ne connaissons pas de comportement plus excessif que celui d’un homme politique qui prĂŞche la liquidation physique d’adversaires dont il ne partage pas l’orientation politique.
Les courtisans sont toujours plus mesurĂ©s que les opposants Ă  l’égard des pouvoirs en place. Autrement dit, nous ne devons pas ĂŞtre comme le Livre qui  ordonne la propretĂ© alors que lui- mĂŞme  s’interdit de toucher l’eau.
 
 La rĂ©flexion  sur la place qu’occupe l’action politique parmi les autres activitĂ©s de l’homme nous parait intĂ©ressante. Dans ses aspirations, la politique peut bien ĂŞtre considĂ©rĂ©e, comme dit l’auteur, comme « une fĂ©e » .
En la situant dans la mĂŞme sphère Ă  cĂ´tĂ© de la philosophie et de la poĂ©sie, il voulait dire, je pense, que les valeurs- libertĂ©,Ă©galitĂ©, justice- qu’elle promeut Ă©chappent Ă  toutes les  dĂ©terminations. Aucune infrastructure Ă©conomique ( Marx), ni pulsion sexuelle (Freud), ni volontĂ© de puissance ( Nietzsche) ne peut les expliquer. Elles surgissent dans nos cerveaux, comme çà, pour ainsi dire sans aucune raison.
 
Seulement, ceux qui l’exercent, les politiques, eux ne sont pas des êtres désincarnés. Ils ne peuvent pas en effet s’affranchir des déterminismes sociaux, historiques, psychologiques et idéologiques. Alors, si on accepte cette assertion, on ne manquera pas de s’étonner de l’assurance qu’affiche l’auteur lorsqu’il juge les faits, les événements et les hommes.
Il faut donc ramener les prétentions de notre auteur à leurs justes proportions. Il n’exprime qu’un point de vue, certes légitime et respectable, parmi tant d’autres sans aucune prétention à la vérité absolue.
 
C’est pourquoi les passages suivants nous ont semblé sibyllins et contestables :

"… le slogan central de chute du régime en place, sous la bannière duquel ils ( les opposants) travaillent est complètement en dehors des réalités .Rien dans les conditions subjectives ne permettrait de l’atteindre et les Conditions objectives ne le laissent pas entrevoir".
Mais un slogan est un mot, il exprime un souhait donc non la réalité. L’opposition recherche sans doute la chute du régime en la suscitant justement par … un slogan. Quant à la subjectivité, c’est le sentiment intime et souvent illusoire qu’éprouve une personne sans qu’il nous soit possible de le démontrer.
Seule l’histoire peut le confirmer ou l’infirmer. Par exemple on n’ a cru longtemps dans certains milieux qu’on pouvait réunir tous les Arabes dans un état unitaire, en dépit de tout réalisme. Ce sentiment est resté longtemps subjectif. Aujourd’hui ils ne sont pas nombreux à parier sur sa réalisation.
Enfin le problème des « conditions objectives » est qu’elles sont liĂ©es Ă  la perception des acteurs politiques. Or ceux- ci ne voient que ce qui va dans le sens de leur dĂ©sir. En 2007, on nous a dĂ©crit un pays au  bord de l’enfer, du dĂ©chirement, bien installĂ© dans la misère ; mais personne n’était dupe de la rĂ©alitĂ© de ce tableau. Il s’agissait dĂ©jĂ  d’un slogan.
 
Au terme de ces considĂ©rations il ne nous reste plus qu’à nous poser des Questions sur les motivations de l’auteur. Comme lui-mĂŞme ne nous les rĂ©vèle pas clairement nous sommes donc rĂ©duits Ă  Ă©mettre  des hypothèses.
 
Pour notre part, l’idée que cet ancien baathiste ( l’ancien fou garde toujours, dit- on un regard menaçant, même après sa guérison) se pose un candidat pour le poste prestigieux de conseiller du président de la république, nous parait défendable.
Ces textes tendraient donc à démonter qu’il est cet intellectuel doté de cette qualité « imperceptible » qu’on appelle « le sérieux » à laquelle il faut ajouter la compétence, » l’honnêteté intellectuelle »et surtout une vision stratégique susceptible de nous éviter « la traîtrise des surprises et des mauvais réveils ».
Tant de qualités, réunies en une seule personne, ne devraient vraiment pas laisser au président assez de choix.
 
Une autre vision avance l’idée qu’il était déjà conseiller occulte du président et qu’il aurait joué un rôle décisif, aux côtés d’autres stratèges, dans la création du MNLA ( Mouvement National pour la Libération de l’Azawad), organe qui, dans leurs esprits, devrait nous nous permettre de combattre par ce mouvement interposé les terroristes d’Al qaïda, installés à l’Est du pays, mais aussi nous donnerait, grâce à notre prolongement tribal dans cette région, la possibilité de défendre nos intérêts et d’y avoir une influence.
La marginalisation et l’impuissance oĂą se trouve ce mouvement face aux terroristes qu’il Ă©tait censĂ© combattre, est considĂ©rĂ© comme une erreur stratĂ©gique. Dans ce cas, les textes de notre intellectuel prennent un autre sens. Ils viseraient Ă  substituer Ă  une folie ( un pays du tiers monde ne peut pas financer et entretenir une rĂ©bellion) une autre qui consiste cette fois-ci Ă  rĂ©unir  sous une seule autoritĂ© Ă©tatique les maures du Sahara. Qu’on croie y parvenir pacifiquement ou par la violence, on ouvre la perspective d’un autre Ă©chec stratĂ©gique certain.
 
Quoi qu’il en soit, ces textes font violence Ă  l’unitĂ© nationale de ce pays et lui enlève, si on leur accorde, en haut lieu, la moindre importance, toute chance de consolidation après les malheureuses dĂ©cennies de pouvoirs militaires. On sait Ă  quoi s’en tenir vis Ă  vis de ces thĂ©ories fumeuses et totalement discrĂ©ditĂ©es » qui ne proposent rien d’autre que la perspective pour « les maures de vivre Ă  l’aise entre eux ». Nous avons une longue histoire islamique qui remonte au moins au 11ème siècle et qui nous a appris Ă  transcender nos spĂ©cificitĂ©s ethniques et raciales pour que nous puissions prĂŞter l’oreille aux stratèges de malheurs et de la division qui courent derrière un  «Inqilab» introuvable.  
R’chid Ould Mohamed
    


Toute reprise totale où partielle de cet article doit inclure la source : www.journaltahalil.com
Commentaires
gaby

2012-08-31 12:07:59

Autrement et de loin plus dense que l’illusionniste Breidelleil !

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