Le gouvernorat de la ville de Gao (nord-est du Mali) qui servait de quartier-général à la rébellion touareg, a été pris mercredi par les islamistes après plusieurs heures de combats qui ont fait des victimes parmi les combattants touareg, ont rapporté des témoins à l’AFP
Les islamistes du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) "sont entrés à l’intérieur du gouvernorat. Les combattants du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA, rébellion touareg) ont fui, d’autres ont été tués, d’autres arrêtés", selon le propriétaire de la station-service qui jouxte le gouvernorat. "Je suis devant le gouvernorat, les moujahidine sont entrés à l’intérieur, ils contrôlent le gouvernorat et les environs", a affirmé un autre témoin, Issa Fané, membre de l’asssociation des ressortissants de Gao. Selon lui, il y a "des blessés, des morts, des prisonniers" dans les rangs du MNLA. Ces témoins ont affirmé qu’après avoir pris le contrôle du gouvernorat, les combattants du Mujao se dirigeaient mercredi après-midi vers un camp militaire tenu par le MNLA situé près de l’aéroport de Gao. Un ancien policier malien en poste à Gao, qui ne travaille plus depuis la prise de la ville par différents groupes armés il y a trois mois, a affirmé que "plusieurs prisonniers du MNLA sont actuellement au commissariat" central. "Le Mujao contrôle actuellement le terrain. Des prisonniers du MNLA sont au commissariat, d’autres ont fui la ville, d’autres sont morts ou blessés. mais c’est la débandade" dans les rangs du mouvement rebelle touareg, a-t-il dit. Depuis fin mars/début avril, les villes et régions administratives du nord du Mali --Tombouctou, Kidal et Gao-- sont tombées aux mains des groupes armés islamistes que sont le Mujao et Ansar Dine (Défenseurs de l’islam), soutenus par Aqmi, du MNLA et de divers autres groupes criminels. Cette chute de plus de la moitié du territoire malien a été précipitée par un coup d’Etat qui, le 22 mars, a renversé le président Amadou Toumani Touré. Depuis, l’armée malienne en pleine décomposition, est incapable de reprendre le terrain perdu et les autorités de transition mises en place à Bamako après le retrait des putschistes du pouvoir le 6 avril paraissent impuissantes. La tension est vive entre le MNLA, mouvement laïque qui a déclaré unilatéralement l’indépendance du nord du Mali, et les islamistes dont l’objectif proclamé n’est pas l’indépendance du Nord, mais l’application de la charia (loi islamique) dans tout le Mali. Le MNLA a été marginalisé dans plusieurs localités, en particulier à Tombouctou contrôlée par Ansar Dine qui y impose déjà la charia, distribuant des coups de fouet aux "déviants" que sont, selon ce mouvement, les couples non mariés, les fumeurs ou les buveurs d’alcool. En mai à Gao, des membres du Mujao avaient empêché des jeunes de jouer au football et de regarder la télévision, provoquant de violentes manifestations anti-islamistes, qui avaient été réprimées, faisant au moins cinq blessés. L’occupation du Nord et les violences qui y sont commises, entraînant des pénuries de toutes sortes, a provoqué un afflux de déplacés et de réfugiés dans les pays voisins évalués à quelque 300.000 personnes par les ONG qui parlent de situation "alarmante". Des pourparlers avec Ansar Dine et le MNLA ont lieu à Ouagadougou à l’initiative du président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur dans la crise malienne, sans résultats probants pour l’instant. Les chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest de la Cédéao) doivent à nouveau se réunir vendredi à Yamoussoukro pour discuter de l’envoi d’une force armée au Mali, soumis à une demande formelle des autorités de transition de Bamako.
Les troubles dans le Nord en 2012
JANVIER 2012 - 17-18: Attaques de rebelles touareg contre Ménaka, Aguelhok et Tessalit, les premières depuis un accord ayant mis fin à la rébellion en 2009. Les assauts sont menés par des hommes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), né fin 2011, et d’autres rebelles, dont des hommes armés rentrés de Libye où ils avaient combattu pour le régime de Mouammar Kadhafi, renversé en 2011. - 24: Le gouvernement affirme que des membres d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et des rebelles touareg ont attaqué ensemble Aguelhok. FEVRIER - 1er: Les rebelles touareg entrent dans Ménaka après le départ d’un détachement de l’armée. - 8: La rébellion affirme avoir pris Tinzawaten (nord-est). - 24: Le MNLA dément tout lien avec Aqmi. MARS - 15: Le président Amadou Toumani Touré (ATT) accuse le MNLA de "crimes de guerre" à Aguelhok et confirme que "l’implication d’Aqmi est importante, tout comme celle du groupe (islamiste) Ansar Dine" (Défenseur de l’islam). - 20: Ansar Dine affirme contrôler Tinzawaten, Tessalit, Aguelhok. - 22: Une junte renverse ATT, l’accusant d’incompétence dans la lutte contre la rébellion touareg et les groupes islamistes. - 30: Ansar Dine, appuyé par le MNLA et des éléments d’Aqmi, s’empare de Kidal. - 31: Les rebelles prennent Gao, qui abritait l’état-major régional de l’armée. AVRIL - 1er: Le MNLA s’empare de Tombouctou, dernière ville du Nord sous contrôle gouvernemental. Le 2, Ansar Dine prend Tombouctou et chasse le MNLA. - 6: Le MNLA proclame "l’indépendance de l’Azawad". - 8: Le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), dissident d’Aqmi, revendique le rapt de sept diplomates algériens à Gao. - 12: Le président de l’Assemblée Dioncounda Traoré est investi président par intérim. MAI - 14: Manifestations anti-islamistes à Gao après que des jeunes eurent été empêchés de jouer au football et de regarder la télévision. - 21: Dioncounda Traoré est agressé et blessé près de Bamako par des manifestants opposés à son maintien au pouvoir, alors qu’un accord avec les auteurs du coup d’Etat lui permet de diriger une transition d’un an. Il est en France où il a reçu des soins. - 22: Trois civils tués dans le Nord, après d’autres assassinats en avril. - 24: Aqmi appelle à imposer la charia "graduellement" dans le Nord. - 27: Aqmi s’est emparé d’un important dépôt d’armes de l’armée à Gao (sécurité). JUIN - 8: Affrontements rebelles MNLA/islamistes Ansar Dine près de Kidal. - 14-15: Des membres du Mujao brûlent des cartons de cigarettes et fouettent des fumeurs à Bourem. - 18: Ansar Dine annonce accepter la médiation du Burkinabè Blaise Compaoré, puis réitère sa principale revendication, l’application de la charia. - 19: Situation "alarmante" des populations du Nord (CICR). - 20: 100 coups de fouet des islamistes à un couple non marié à Tombouctou. - 26: Au moins un mort, une dizaine de blessés à Gao lors d’une manifestation pour protester contre l’assassinat d’un élu local. - 27: Le gouvernorat de Gao qui servait de QG à la rébellion touareg, est pris par les islamistes du Mujao après des combats qui ont fait des victimes parmi les combattants touareg (témoins).
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