Depuis près de deux mois, une cinquantaine de militaires sont détenus en toute illégalité dans le camp militaire de Kati (à 20 km de Bamako, la capitale) où certains d’entre eux ont été victimes de tortures et de traitements inhumains. Amnesty International appelle les autorités maliennes à transférer immédiatement ces militaires...
... dans un lieu de dĂ©tention reconnu. L’organisation est Ă©galement inquiète du sort de certains soldats arrĂŞtĂ©s ou enlevĂ©s dont les familles sont sans nouvelles et demande Ă ce que les autoritĂ©s rĂ©vèlent le lieu de dĂ©tention oĂą ces personnes se trouvent. Ces soldats - fidèles Ă l’ancien prĂ©sident, Amadou Toumani TourĂ© renversĂ© par une junte militaire le 23 mars 2012 - ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s suite Ă une tentative de contre-coup d’État menĂ©e Ă Bamako, le 30 avril et le 1er mai 2012. Certains ont Ă©tĂ© inculpĂ©s d’atteinte Ă la sĂ»retĂ© de l’État ou de complicitĂ© d’atteinte Ă la sĂ»rĂ©tĂ© de l’État, d’autres demeurent dĂ©tenus sans inculpation. Les dĂ©tenus n’ont pas Ă©tĂ© incarcĂ©rĂ©s dans un lieu de dĂ©tention officiel et mais ont Ă©tĂ© conduits au camp de Kati, siège de la junte militaire, oĂą ils se sont retrouvĂ©s aux mains des militaires auxquels ils s’étaient opposĂ©s. Les conditions de dĂ©tention ont Ă©tĂ© particulièrement inhumaines pour les hommes de troupe qui ont Ă©tĂ© sĂ©parĂ©s des officiers. Ces hommes ont Ă©tĂ© dĂ©tenus durant plus d’un mois dans des conditions inhumaines : ils ont Ă©tĂ© enchaĂ®nĂ©s 24 heures sur 24 et maintenus dans une obscuritĂ© totale. Ils ont Ă©tĂ© contraints de faire leurs besoins dans leur cellule et ont Ă©tĂ© privĂ©s de tout accès au monde extĂ©rieur. Certains d’entre eux ont Ă©tĂ© torturĂ©s : leurs gardiens leur ont menottĂ© les pieds et les poignets, les ont passĂ©s Ă tabac et leur ont infligĂ© des brĂ»lures de cigarettes. Suite Ă la mobilisation de certains avocats, sollicitĂ©s par les familles des dĂ©tenus, les militaires ont pu avoir accès Ă leurs dĂ©fenseurs et Ă leurs proches fin mai 2012. Leur situation s’est amĂ©liorĂ©e suite Ă la saisine du ministre de la Justice par les avocats. Celui-ci s’est rendu au camp de Kati Ă plusieurs reprises, Ă partir du 4 juin 2012 et a donnĂ© des instructions afin que les conditions de dĂ©tention soient amĂ©liorĂ©es. Cependant, près de deux mois après leur arrestation, ils demeurent incarcĂ©rĂ©s de manière illĂ©gale dans un lieu de dĂ©tention non reconnu. En effet, l’article 31 alinĂ©a 2 de la Loi no 055 du 16 dĂ©cembre 2002 portant statut gĂ©nĂ©ral de l’armĂ©e prĂ©voit clairement qu’en cas de poursuites, tout militaire doit ĂŞtre gardĂ© dans les locaux de la gendarmerie. Par ailleurs, certaines familles sont sans nouvelles de leurs parents militaires arrĂŞtĂ©s. Ainsi, le sort du sous-lieutenant Boubacar Kola CissĂ© et du soldat Alioune Maiga, qui ont Ă©tĂ© montrĂ©s Ă la tĂ©lĂ©vision le 1er mai 2012 après leur arrestation, demeure inconnu et nul ne sait oĂą ils seraient dĂ©tenu. Amnesty International est Ă©galement inquiète du sort d’un certain nombre de soldats blessĂ©s lors du contre-coup d’État qui ont Ă©tĂ© enlevĂ©s, le 1er mai 2012, par des membres de la junte militaire Ă l’hĂ´pital Gabriel TourĂ© de Bamako oĂą ils Ă©taient soignĂ©s. Le lieu de dĂ©tention et le sort de ces personnes demeure inconnu. Depuis le putsch de mars 2012, la junte militaire a procĂ©dĂ© Ă plusieurs vagues d’arrestations de militaires, de personnalitĂ©s politiques, de journalistes et d’autres civils. Hamadoun N’Daou, un homme d’affaires rĂ©putĂ© proche de l’ancien prĂ©sident TourĂ© a Ă©tĂ© arrĂŞtĂ© le 9 juin 2012, Ă son domicile aux environs de 21 heures par des hommes en armes qui n’avaient aucun mandat d’arrĂŞt. Il est dĂ©tenu depuis lors au secret Ă la Direction gĂ©nĂ©rale de la sĂ©curitĂ© d’État (DGSE, connue sous le nom de SE), un lieu de dĂ©tention non officiel. Son avocat a multipliĂ© les dĂ©marches pour avoir accès Ă son client sans succès. Les arrestations se poursuivent et au moins trois militaires ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s au cours de la semaine passĂ©e. Le 15 juin, deux soldats, l’adjudant-chef EzaĂŻ Guindo et l’adjudant Karfa Keita ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s au camp de parachutistes de Bamako. Une troisième personne, le sous-lieutenant Youssouf Moussa Ouattara a Ă©tĂ© convoquĂ© au camp de Kati oĂą il a Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©. On ignore les raisons de leur arrestation et leur lieu de dĂ©tention.
INFORMATIONS GÉNÉRALES
Le putsch militaire dirigĂ© par le capitaine Amadou Sanago qui a renversĂ© le prĂ©sident dĂ©mocratiquement Ă©lu, Amadou Toumani TourĂ©, le 21 mars 2012, a entraĂ®nĂ© des violations graves des droits humains. De nombreux responsables politiques ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s et dĂ©tenus de manière arbitraire sans inculpation. Parmi les militaires actuellement dĂ©tenus de manière illĂ©gale au camp de Kati figurent plusieurs hauts gradĂ©s de l’armĂ©e malienne, notamment le commandant Mamadou Lamine KonarĂ©, membre de la Direction gĂ©nĂ©rale de la sĂ©curitĂ© d’État (DGSE, connue sous le nom de SE) et fils de l’ancien prĂ©sident malien Alpha Oumar KonarĂ©, et le gĂ©nĂ©ral Hamidou Sissoko, ex-chef d’État-major particulier d’Amadou Toumani TourĂ©. MalgrĂ© les pressions de la CommunautĂ© Ă©conomique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la junte militaire semble conserver la rĂ©alitĂ© du pouvoir et continuent de violer les droits humains en toute impunitĂ©. Hassatou CondĂ© Campaigner, West Africa / ChargĂ©e de Campagnes, Afrique de l’Ouest Africa Programme / Amnesty International
|