Amnesty International : La junte militaire continue d’imposer la loi au Mali   
22/06/2012

Depuis près de deux mois, une cinquantaine de militaires sont détenus en toute illégalité dans le camp militaire de Kati (à 20 km de Bamako, la capitale) où certains d’entre eux ont été victimes de tortures et de traitements inhumains. Amnesty International appelle les autorités maliennes à transférer immédiatement ces militaires...



... dans un lieu de dĂ©tention reconnu.
L’organisation est également inquiète du sort de certains soldats arrêtés ou enlevés dont les familles sont sans nouvelles et demande à ce que les autorités révèlent le lieu de détention où ces personnes se trouvent.
Ces soldats - fidèles Ă  l’ancien prĂ©sident, Amadou Toumani TourĂ© renversĂ© par une junte militaire le 23 mars 2012 - ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s suite Ă  une tentative de contre-coup d’État menĂ©e Ă  Bamako, le 30 avril et le 1er mai 2012. Certains ont Ă©tĂ© inculpĂ©s d’atteinte Ă  la sĂ»retĂ© de l’État ou de complicitĂ© d’atteinte Ă  la sĂ»rĂ©tĂ© de l’État, d’autres demeurent dĂ©tenus sans inculpation.
Les détenus n’ont pas été incarcérés dans un lieu de détention officiel et mais ont été conduits au camp de Kati, siège de la junte militaire, où ils se sont retrouvés aux mains des militaires auxquels ils s’étaient opposés.
Les conditions de détention ont été particulièrement inhumaines pour les hommes de troupe qui ont été séparés des officiers. Ces hommes ont été détenus durant plus d’un mois dans des conditions inhumaines : ils ont été enchaînés 24 heures sur 24 et maintenus dans une obscurité totale. Ils ont été contraints de faire leurs besoins dans leur cellule et ont été privés de tout accès au monde extérieur. Certains d’entre eux ont été torturés : leurs gardiens leur ont menotté les pieds et les poignets, les ont passés à tabac et leur ont infligé des brûlures de cigarettes.
Suite à la mobilisation de certains avocats, sollicités par les familles des détenus, les militaires ont pu avoir accès à leurs défenseurs et à leurs proches fin mai 2012. Leur situation s’est améliorée suite à la saisine du ministre de la Justice par les avocats. Celui-ci s’est rendu au camp de Kati à plusieurs reprises, à partir du 4 juin 2012 et a donné des instructions afin que les conditions de détention soient améliorées. Cependant, près de
deux mois après leur arrestation, ils demeurent incarcérés de manière illégale dans un lieu de détention non reconnu.
En effet, l’article 31 alinéa 2 de la Loi no 055 du 16 décembre 2002 portant statut général de l’armée prévoit clairement qu’en cas de poursuites, tout militaire doit être gardé dans les locaux de la gendarmerie. Par ailleurs, certaines familles sont sans nouvelles de leurs parents militaires arrêtés. Ainsi, le sort du sous-lieutenant Boubacar Kola Cissé et du soldat Alioune Maiga, qui ont été montrés à la télévision le 1er mai 2012 après leur arrestation, demeure inconnu et nul ne sait où ils seraient détenu.
Amnesty International est Ă©galement inquiète du sort d’un certain nombre de soldats blessĂ©s lors du contre-coup d’État qui ont Ă©tĂ© enlevĂ©s, le 1er mai 2012, par des membres de la junte militaire Ă  l’hĂ´pital Gabriel TourĂ© de Bamako oĂą ils Ă©taient soignĂ©s. Le lieu de dĂ©tention et le sort de ces personnes demeure inconnu.
Depuis le putsch de mars 2012, la junte militaire a procĂ©dĂ© Ă  plusieurs vagues d’arrestations de militaires, de personnalitĂ©s politiques, de journalistes et d’autres civils. Hamadoun N’Daou, un homme d’affaires rĂ©putĂ© proche de l’ancien prĂ©sident TourĂ© a Ă©tĂ© arrĂŞtĂ© le 9 juin 2012, Ă  son domicile aux environs de 21 heures par des hommes en armes qui n’avaient aucun mandat d’arrĂŞt. Il est dĂ©tenu depuis lors au secret Ă  la Direction gĂ©nĂ©rale de la sĂ©curitĂ© d’État (DGSE, connue sous le nom de SE), un lieu de dĂ©tention non officiel. Son avocat a multipliĂ© les dĂ©marches pour avoir accès Ă  son client sans succès. Les arrestations se poursuivent et au moins trois militaires ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s au cours de la semaine passĂ©e. Le 15 juin, deux soldats, l’adjudant-chef EzaĂŻ Guindo et l’adjudant Karfa Keita ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s au camp de parachutistes de Bamako. Une troisième personne, le sous-lieutenant Youssouf Moussa Ouattara a Ă©tĂ© convoquĂ© au camp de Kati oĂą il a Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©. On ignore les raisons de leur arrestation et leur lieu de dĂ©tention.

INFORMATIONS GÉNÉRALES

Le putsch militaire dirigĂ© par le capitaine Amadou Sanago qui a renversĂ© le prĂ©sident dĂ©mocratiquement Ă©lu, Amadou Toumani TourĂ©, le 21 mars 2012, a entraĂ®nĂ© des violations graves des droits humains. De nombreux responsables politiques ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s et dĂ©tenus de manière arbitraire sans inculpation. Parmi les militaires actuellement dĂ©tenus de manière illĂ©gale au camp de Kati figurent plusieurs hauts gradĂ©s de l’armĂ©e malienne, notamment le commandant Mamadou Lamine KonarĂ©, membre de la Direction gĂ©nĂ©rale de la sĂ©curitĂ© d’État (DGSE, connue sous le nom de SE) et fils de l’ancien prĂ©sident malien Alpha Oumar KonarĂ©, et le gĂ©nĂ©ral Hamidou Sissoko, ex-chef d’État-major particulier d’Amadou Toumani TourĂ©.
MalgrĂ© les pressions de la CommunautĂ© Ă©conomique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la junte militaire semble conserver la rĂ©alitĂ© du pouvoir et continuent de violer les droits humains en toute impunitĂ©.
Hassatou Condé
Campaigner, West Africa / Chargée de Campagnes, Afrique de l’Ouest
Africa Programme / Amnesty International


Toute reprise totale où partielle de cet article doit inclure la source : www.journaltahalil.com
Réagir à cet article
Pseudo
E-mail
Commentaire
Entrer le code
La rédaction de Tahalil vous demande d'éviter tout abus de langage en vue de maintenir le sérieux et de garantir la crédibilité de vos interventions dans cette rubrique. Les commentaires des visiteurs ne reflčtent pas nécessairement le point de vue de Tahalil et de ses journalistes.
Les commentaires insultants ou diffamatoires seront censurés.

TAHALIL 2006-2022 Tous droits reservés