C’est aujourd’hui une réalité indéniable. Mohamed Ould Abdel Aziz, qui tient les rênes du pouvoir depuis août 2008, a instauré dans le pays un régime autocratique prédateur, pernicieusement enrobé dans un habillage démocratique factice. L’imbroglio...
...politico-institutionnel ainsi engendré vient s’ajouter à une faillite totale de l’administration, à un pillage systématique des richesses nationales à travers un bradage organisé des ressources du pays et une dégradation inquiétante des conditions de vie des populations.
A tout cela, s’adjoignent des aventures militaires en territoire étranger et des errements diplomatiques qui compromettent, durablement, la sécurité et la paix dans toute la sous-région et nos propres relations séculaires avec les pays et les peuples voisins. On se souvient que le général Mohamed Ould Abdel Aziz avait justifié son coup d’Etat militaire par la prétendue impasse politique, due au refus du gouvernement d’organiser une session parlementaire extraordinaire. Il s’est engagé, après sa prise du pouvoir, à supprimer les causes de cette impasse par la réduction des pouvoirs du Président de la République, le renforcement du rôle du Parlement, l’élargissement du champ des libertés, la consécration des saines pratiques politiques, la consolidation de l’unité nationale, l’amélioration des conditions de vie des citoyens, la lutte contre la pauvreté et la gabegie, l’éradication du terrorisme et de l’insécurité, le restauration de notre pays dans la place qui lui sied dans le cercle des nations. Aujourd’hui, et après trois ans de règne de Ould Abdel Aziz, on est en droit de se demander quel sort a été réservé à toutes ces annonces et promesses ? Le présent document qui reprend les conclusions de certains exposés et débats, présentés dans le cadre d’un colloque organisé par la Coordination de l’Opposition Démocratique à l’occasion de la commémoration de la fête du 28 novembre, tente de trouver une réponse à cette question à travers les quatre axes suivants: -l’impasse politique et la crise institutionnelle -la déliquescence de l’Etat et la détérioration des conditions de vie des populations -la gabegie et le pillage systématique des ressources du pays -les aventures militaires et les errements diplomatiques Il s’agit pour nous d’informer l’opinion publique sur le décalage immense entre la réalité des faits et les allégations mensongères de Mohamed Ould Abdel Aziz, dont les plus récentes étaient ses déclarations lors de son meeting du 13 mars à Nouadhibou où il évoquait de prétendues réalisations en matière de gestion et de transparence.
Premièrement : Impasse politique et crise institutionnelle
I. Impasse politique
Si les élections présidentielles organisées en vertu de l’Accord de Dakar, suite à un large consensus national, ont permis de sortir le pays de la crise institutionnelle née du coup d’Etat nonobstant les défauts qui ont entaché ces élections, elles n’ont pas mis pour autant un terme à la crise politique qui persiste toujours entre l’opposition et le régime. Ainsi, l’exercice solitaire du pouvoir, le peu de souci accordé à la consolidation de l’unité nationale, l’arbitraire dans le traitement des problèmes des citoyens et le monopole des médias publics constituent les caractéristiques dominantes du comportement de Ould Abdel Aziz au cours des trois dernières années. 1- Affaiblissement de l’unité nationale Les politiques de Mohamed Ould Abdel Aziz ont eu pour objectif d’attenter à la cohésion nationale et de semer la discorde au sein des composantes de notre peuple à travers : a) Un mauvais accueil des rapatriés du Sénégal, qui ont été abandonnés à leur triste sort dans des conditions déplorables, si bien que beaucoup d’entre eux pensent à regagner la terre d’exil. b) L’incitation à la confrontation entre nos composantes ethniques, initiée à plus d’une occasion et au plus haut niveau de décision. Cela s’est manifesté, entre autres, par : * l’incitation par certains responsables administratifs et sécuritaires dans des Wilayas de l’Intérieur de l’une des composantes de notre peuple à l’autodéfense face aux protestations du mouvement « Touche Pas à Ma Nationalité », comme si ces protestations étaient dirigées contre la communauté en question. * L’attisement sur le campus universitaire des divergences d’ordre ethnique entre les étudiants. La récompense des meneurs de l’affrontement estudiantin par la nomination suspecte de certains d’entre eux à des fonctions importantes confirme la volonté du pouvoir d’envenimer ainsi ce conflit. c) Le peu d’intérêt accordé au suivi de l’exécution de la loi sur l’esclavage et des mesures de soutien économique et social associées à l’application de ce texte. d) Le mauvais accueil de groupes importants de nos citoyens qui ont été contraints de revenir de Côte d’Ivoire, de Libye et des Emirats Arabes Unis, suite aux crises qui ont secoué ces pays et aux positions diplomatiques stupides du régime de Ould Abdel Aziz. e) La publication de certaines mesures à effet d’annonce, omettant au préalable d’évaluer leurs implications et de réfléchir aux moyens de leur mise en œuvre effective, pour finir par y renoncer. Ce fut le cas des correspondances administratives en langue arabe et de la localisation des tombes des «victimes de la violence d’Etat » ! f) La mauvaise conduite de l’enrôlement des populations dont le questionnaire a quelquefois pris un caractère de stigmatisation et d’exclusion, ce qui a provoqué la colère d’une partie de nos composantes nationales. 2- Rétrécissement des libertés publiques:
Les libertés publiques ont enregistré un grand recul qui s’est traduit par :
a) La répression des manifestants et la torture des détenus parmi les différents militants contre l’injustice (Jeunesse du 25 Février, Militants des Droits de l’Homme opposés à l’esclavage, "Touche Pas à Ma Nationalité ", étudiants...) b) L’instrumentalisation de la justice et de l’Inspection générale de l’Etat pour le règlement de comptes avec les adversaires politiques ; c) La poursuite de la détention arbitraire (deux anciens directeurs de la Sonimex, l’ancien commissaire de la lutte contre la pauvreté et d’autres ) malgré l’impunité de certains criminels en raison de leur parenté avec les gouvernants. d) La création de prisons secrètes en violation de la loi et des traités internationaux. f) Le maintien des textes qui violent les libertés publiques, bien que la Constitution en son article 2 stipule de les abroger (loi sur les associations, loi sur l’assignation à résidence, loi sur le droit de manifester ...) h) Le mauvais état des prisons, leur maintien sous la tutelle effective des éléments de la Garde Nationale et la détérioration des conditions de vie et de santé des prisonniers, ce qui a conduit à la mort de certains d’entre eux dans des circonstances mystérieuses. 3 - Monopole des médias publics : Depuis sa prise du pouvoir, Ould Abdel Aziz continue de monopoliser les médias publics. Ainsi, la radio et la télévision nationales consacrent l’essentiel de leur temps d’antenne aux éloges du « Président » et à l’évocation de projets et réalisations souvent fictifs, alors qu’elles omettent de couvrir les activités de l’opposition ou les réduisent, dans la plupart des cas, à quelques séquences qui les dénaturent plus qu’elles n’en rendent réellement compte. S’agissant des émissions de débats au niveau de ces médias, la règle générale est l’exclusion de l’opposition et dans les très rares cas où elle y participe, le pouvoir recourt au même procédé technique de dénaturation ou à l’interruption pure et simple des émissions, sans aucun respect pour les téléspectateurs. Même les délibérations des parlementaires n’ont pas été épargnées et sont quelquefois diffusées à des heures de faible écoute. Le plus étonnant est que toutes ces pratiques condamnables se déroulent au vu et au su de la HAPA et dans l’indifférence générale. Il est à craindre de voir ce monopole s’étendre aux médias privés, avec l’exclusion des professionnels qui n’ont pas de relations avec les proches de Ould Abdel Aziz dans l’attribution récente par la HAPA des licences d’ouverture de chaînes de télévision et stations radio.
II. crise institutionnelle : 1- imbroglio du report des élections ; alibi du dialogue Après que ses services compétents aient envisagé de remplacer les anciennes cartes d’identité par de nouvelles et échoué, au final, à délivrer ces dernières aux citoyens en temps utile, Ould Abdel Aziz a décidé de reporter les élections législatives et municipales, en violation des dispositions de la Constitution et des Lois de la République. En effet, la Constitution limite en son article 47 le mandat des députés à 5 ans : « Les députés à l’Assemblée Nationale sont élus pour cinq (5) ans au suffrage direct » , tandis que la loi organique (ordonnance N° 019-28 du 7 octobre 1991°) stipule que « Les pouvoirs de l’Assemblée expirent à l’ouverture de la session ordinaire du mois de novembre à la cinquième année qui suit son élection ». L’annexe juridique jointe apporte davantage de précisions sur cette question. En agissant de la sorte, Ould Abdel Aziz a installé le pays dans une crise institutionnelle sans précédent, qu’il a cru pouvoir surmonter en organisant un dialogue avec trois partis de la COD, dans une tentative de donner un cachet de consensus à ce qu’il aura décidé au sujet des élections reportées. Quels étaient les objectifs de ce dialogue et quels en furent finalement ses résultats ? 2- Les objectifs du dialogue :
Si le but du dialogue ne dépasse pas, aux les yeux de Ould Abdel Aziz, une manœuvre destinée à distraire les populations de leur souffrance quotidienne, des crises en aggravation perpétuelle, de la gabegie économique et de la guerre par procuration, nous œuvrons quant à nous, à l’opposition démocratique, pour un dialogue sérieux qui aboutisse à une réforme de l’Etat à travers la re-fondation de ses assises politiques et institutionnelles sur des bases véritablement démocratiques, de manière à rendre possible une alternance pacifique au pouvoir, d’assurer le pluralisme politique fixé par la Constitution, d’asseoir l’Etat de droit avec tous ses attributs (un système judiciaire indépendant et une administration respectueuse de la loi), de redistribuer la richesse, de garantir des chances égales pour tous et de réaliser la transparence politique et économique ; autant d’objectifs qui ne peuvent être atteints par un replâtrage superficiel, ni par des réformettes qui ne touchent pas au fond des choses. Les lignes qui suivent précisent si l’organisation de ce dialogue entre le camp de Ould Abdel Aziz et certains partis d’opposition représente une étape sur la voie de la réalisation de ces objectifs, ou s’il ne s’agit que d’une manœuvre pour allonger la vie d’un régime autoritaire qui a échoué. Rappelons donc les démarches ayant immédiatement précédé l’organisation de ce dialogue et les résultats qui en ont découlé.
3- Les préliminaires du dialogue
L’opposition démocratique a toujours réitéré sa disponibilité pour le dialogue, si les conditions nécessaires pour sa tenue dans un climat de confiance réciproque se réalisaient. Elle a soumis au pouvoir des conditions dont la satisfaction est de nature à prouver la bonne foi et la sincérité de celui-ci et de renforcer la confiance entre les interlocuteurs. Il s’agit de revendications légitimes, toutes garanties par la Constitution et les lois de la République, comme l’accès de l’opposition aux médias publics, la non-discrimination entre les fonctionnaires et les opérateurs économiques sur la base de leur appartenance politique et la non-immixtion de l’Armée dans le jeu politique. Cependant, les réticences de Ould Abdel Aziz par rapport à un vrai dialogue, son refus de remplir les conditions de l’instauration d’un climat de confiance et les précédents que représentent les violations répétées par lui de engagements qu’il prend(l’accord de Dakar, l’accord avec le parti Adil...) ont constitué, de notre point de vue, des raisons suffisantes pour ne pas s’engager avec dans un dialogue trompeur. 4- Résultats du dialogue: Si les résultats annoncés du «dialogue» ont introduit des retouches sur le processus électoral et comporté des clauses relatives à des replâtrages différemment appréciés (augmentation du nombre de sièges au parlement de 95 à 146, interdiction des candidatures indépendantes, révision de la proportionnelle, représentation des femmes ...), ils n’ont pas été, à notre avis, à la hauteur des espérances du pays car ils ont occulté plusieurs questions primordiales, parmi lesquelles on peut citer notamment : a) La séparation et l’équilibre des pouvoirs. C’est-là une demande de plus en plus insistante des élites, devant despotisme de Ould Abdel Aziz, qui a transformé le pouvoir judiciaire en un instrument dépendant de l’exécutif, avec la poursuite de la détention arbitraire et le traitement inégal des criminels en fonction de leur parenté ou non avec lui-même, la destitution arbitraire des juges, l’empiétement sur le pouvoir législatif en réduisant ses prérogatives (la loi sur les permis de recherche minière) ou en les contournant (les lois financières des trois dernières années ...). Seule la Haute Cour de Justice a échappé aux exactions de Ould Abdel Aziz, sans doute parce qu’elle ne dispose pas d’allocations budgétaires et n’a ouvert aucun dossier pour juger un des hauts responsables de l’Etat, exception faite des intentions affichées avant que cette Cour ne soit créée ! b) La réorganisation des forces armées et de sécurité de manière à en garantir le professionnalisme et à les soustraire à la sujétion aux caprices d’un officier obsédé par le pouvoir, même au prix d’exposer au danger la vie de nos soldats et officiers, à l’occasion d’aventures militaires hors des frontières du pays et au service d’agendas douteux. Notre objectif en la matière est la restauration de ces forces armées dans leur noble mission et leur rôle primordial dans un régime républicain où les unités du Basep, tenues hors de l’autorité de l’armée nationale, n’ont pas de place… c) Ont été également occultées les questions liées à la gestion des ressources du pays qui font l’objet d’un pillage organisé sans précédent, le problème des réfugiés et du passif humanitaire, le contournement de la loi incriminant l’esclavage, le problème de la sécheresse et des dangers qu’elle constitue pour les vies humaines et pour le cheptel, les conditions de vie des citoyens qui sont devenues la hantise de tous en raison de leur impact évident sur l’unité nationale et la cohésion sociale. Aussi, il est désormais établi que ce dialogue a échoué, malgré les campagnes tapageuses d’explication organisées par ses initiateurs, aidés en cela par les médias officiels dans le but évident de tromper l’opinion publique en accréditant l’idée que ce conclave a abouti à des réformes substantielles. Le fait que le Conseil Constitutionnel ait déclaré inconstitutionnelle la loi sur la nouvelle CENI, tant vantée par les « dialoguistes » et présentée comme le fleuron de leur concertation, ne signe-t-il pas le décès de ce dialogue ? Le témoignage de HAMAM, l’un des trois partis de l’opposition « dialoguiste » qui s’est finalement retiré de la mascarade, n’est-il pas une preuve de plus du manque de sérieux de cette affaire ? Ne peut-on pas considérer l’appel lancé tout récemment par trois partis du camp de Ould Abdel Aziz pour la tenue d’un nouveau dialogue incluant tous les acteurs politiques, comme un aveu d’échec du fameux dialogue? En réalité, il est maintenant clair que le résultat attendu par Ould Abdel Aziz à travers son dialogue n’était autre que la division de l’opposition, même pour un temps. Il s’agit-là d’un objectif en conformité avec le comportement d’un « Président », qui consacre le plus clair de son temps à recevoir les dissidents de l’opposition ou des ONGs de défense des Droits de l’Homme, à enregistrer les propos de ses invités ou à leur communiquer ceux d’autres personnes, pour les monter les uns contre les autres ; comportement contraire aux valeurs de notre société et au prestige de la plus haute fonction de l’Etat.
Deuxièmement : Déliquescence de l’Etat et détérioration des conditions des citoyens Les mauritaniens sont de plus en plus inquiets devant la déliquescence générale que connaît le pays à tous les niveaux, surtout dans des secteurs qui représentent, aux yeux du citoyen, les symboles mêmes de l’Etat tels que l’administration, les services sociaux de base, les mécanismes de survie des populations… I- Effondrement de l’administration Si l’administration dans notre pays constitue, aux yeux de tous, un outil indispensable pour la réalisation d’un quelconque projet de développement sensé réussir elle est, au contraire pour Ould Abdel Aziz, un obstacle dont il faut se débarrasser, en raison des normes et procédures que requiert son fonctionnement. Aussi, s’est-il employé, depuis qu’il s’est emparé du pouvoir, à détruire l’administration du pays, à travers : a) L’usurpation des prérogatives des responsables, du ministre au chef de service. Cela se reflète clairement dans les domaines économique et financier, où Ould Abdel Aziz s’immisce dans les moindres détails en ce qui concerne les ressources financières (Rachad), sans compter son implication, directe ou indirecte, dans l’attribution des grands marchés et contrats relatifs aux mines, au pétrole , à la pêche et aux infrastructures. b) La violation des procédures et des règlements, en particulier dans les domaines des marchés et des contrats ( utilisation abusive de la procédure de gré à gré) c) La réduction des mandats de certaines institutions officielles prévues par la loi (Banque Centrale, Hapa, Conseil Economique et Social, Cour suprême, etc.). d) Le non respect des compétences prévues par les textes réglementant les cycles de l’Etat dans les nominations aux hautes fonctions administratives, financières et éducatives. e) La marginalisation de tous les fonctionnaires qualifiés et expérimentés appartenant à l’opposition ou ne prêtant pas clairement allégeance au pouvoir, pour les remplacer par des personnes souvent étrangères à l’administration, choisies sur la base du clientélisme et du favoritisme. f) L’absence d’incitations matérielles et morales, en raison de la privation de l’administration des moyens nécessaires pour le travail, tels que les fournitures de bureau et les moyens de transport, et en raison du sentiment croissant d’injustice dans les nominations et les promotions et l’octroi de privilèges; dans un contexte de stagnation des salaires et de hausse des prix.
II- Détérioration des services de base
Aujourd’hui, il n’échappe plus à personne que le pays se trouve dans une situation grave qui se reflète dans une détérioration sans précédent des conditions de vie des populations. Cette situation, qui fait peser des risques majeurs sur la cohésion sociale du pays et sa stabilité et, partant, sur son avenir, trouve son origine dans l’échec des différentes politiques affichées, avec force propagande et slogans fallacieux, depuis l’accession de Mohamed Ould Abdel Aziz au pouvoir. l’Etat est devenu incapable de répondre aux besoins essentiels urgents du citoyen ordinaire et notamment ceux relatifs aux droits sociaux fondamentaux comme l’accès à l’éducation et à la formation, à l’emploi et aux soins de santé, … Le net recul des différents indicateurs de développement du pays en atteste.
1- L’enseignement : un repli sensible et des défaillances notoires
Les choix nationaux dans le secteur de l’éducation ont souffert, de manière chronique, d’improvisations et d’atermoiements trouvant leur origne dans un souci puéril d’arabisation non suffisamment étudiée ou dans une démarche bâclée d’adaptation à la pénétration francophone. Il en a résulté un passage confus d’un système éducatif à un autre avec, comme conséquence, une perte de repères pour plusieurs générations, incapabales de communiquer entre elles. Cependant, un certain espoir d’amélioration était né dans la période d’avant l’avénement de Ould Abdel Aziz au pouvoir. En effet, plusieurs colloques et ateliers traitant, en profondeur et sans complaisance, de la situation du système éducatif national avaient été organisés et avaient permis l’élaboration et l’adoption de plans d’action destinés à résoudre les multiples problèmes auxquels il fait face. Ces plans consacraient l’allocation d’indemnités et de primes aux instituteurs, professeurs et inspecteurs, afin de les inciter à mieux assumer leurs missions pédagogiques, ce qui a eu pour effet une redynamisation réelle du secteur qui a vu le retour de plusieurs de ses fonctionnaires qui l’avaient quitté.
Malheureusement, le coup d’Etat d’août 2008 de Mohamed Ould Abdel Aziz a brisé cet élan et sapé les espoirs qui en étaient nés, le secteur éducatif ayant connu, à l’instar de tous les autres secteurs, une baisse drastique des ressources financières doublée d’une démoralisation de la famille enseignante. En effet, nombre d’ indemnités et incitations ont été supprimées et le peu restant n’étant perçu qu’avec un grand retard. En outre, les colloques et ateliers qui constituaient des opportunités de formation et des moyens d’incitation ont été quasiment arrêtés.
L’atteinte la plus grave portée au secteur durant les deux premières années suivant le coup d’Etat a sans doute été la gestion scandaleuse des transferts des instituteurs, qui a eu pour effet la mise à l’écart de plusieurs centaines d’entre eux et le regroupement de plusieurs autres centaines à Nouakchott, au détriment des écoles de l’intérieur du pays, particulièrement celles des zones d’Adouaba qui sont devenues pratiquement vides d’enseignants.
Depuis l’arrivée de Ould Abdel Aziz au pouvoir, le rythme de construction et d’équipement des salles de classe a sensiblement baissé, alors que l’encadrement pédagogique des professeurs a tout simplement disparu, l’Inspection générale de l’enseignement secondaire étant devenue incapable de poursuivre les missions de contrôle et d’orientation qu’elle menait, avec régularité, depuis deux décennies. Au-delà de la limitation des moyens financiers, cette situation s’explique par le fait que les responsables du secteur ont été toujours accaparés, depuis août 2008, par d’autres questions bien moins prioritaires ! Tantôt il s’agissait de fusion ou d’éclatement du ministère et des interminables querelles qui en découlaient quant à la répartition des attributions entre ministres et secrétaires d’Etat, tantôt c’étaient plutôt les manœuvres insidieuses de politisation de la scène estudiantine dans une perspective de contournement des revendications légitimes des étudiants, quand il ne s’agissait pas de la préparation des fameux « Etats généraux de l’éducation » dont il est clair que le régime de Ould Abdel Aziz n’envisage pas sérieusement l’organisation ! Si tel n’était pas le cas, comment interpréter alors le report, à maintes reprises, de ces états généraux et la non observance, dans le choix de certains membres de leur commission de préparation, des critères d’expérience, de compétence et de représentativité des différents acteurs du système éducatif, y compris le personnel du secteur ?
Il a résulté de cette situation une perte de confiance des citoyens en l’école publique - qui, désormais, incarne à leurs yeux l’échec, le taux de déperdition au niveau du primaire étant de 35%, celui d’échec au concours d’entrée en sixième atteint 50% alors que le taux d’échec au baccalauréat est de 80% (sources : les statistiques du MEN)-, une frustration quasi générale chez les instituteurs et les professeurs et une propagation, sans précédent, de l’abandon scolaire. C’est ce qui explique qu’aujourd’hui, seules les familles les plus démunies envoient leurs enfants à l’école publique et que l’enseignement privé connaît une forte affluence, bien que la plupart de ses établissements ne remplissent pas les conditions requises en termes de capacités logistiques et pédagogiques essentielles. L’enseignement supérieur n’est guère mieux loti. En effet, ses cinq établissements recourent, faute de ressources suffisantes pour recruter des enseignants permanents, à des vacataires pour l’enseignement de la plupart des disciplines et souffrent d’un manque criant d’équipements de laboratoire et d’ouvrages scientifiques de référence. De plus, les œuvres universitaires connaissent une dégradation notoire, tandis que la recherche scientifique, qui est l’un des principaux piliers du développement, est quasiment inexistante. Comme pour dégrader davantage les conditions déjà relativement précaires de cet ordre d’enseignement, le système LMD a été adopté à l’Université alors que les préalables pédagogiques minima requis ne sont pas réunis, particulièrement ceux relatifs à la maîtrise des effectifs des étudiants et de l’encadrement.
La formation professionnelle : un arrêt de l’essor et un déclin de la performance
La formation professionnelle avait connu au cours des années précédant le régime de Ould Abdel Aziz une forte dynamique qui s’était traduite tant par un essor continu du nombre d’établissements que par une diversification accrue des filières et des efforts soutenus d’adéquation aux exigences du marché de l’emploi. Ainsi, en 2008, on dénombrait 21 centres de formation et lycées professionnels, totalisant une capacité d’accueil de 4.250 élèves. Le désintérêt manifesté à ce secteur depuis l’accession de Ould Abdel Aziz au pouvoir fait que l’élan de développement qu’il connaissait a été brisé et que le dispositif n’a pas évolué, ni en termes de nombres d’établissements, ni en termes de capacités d’accueil et encore moins en termes de diversification des filières. Bien au contraire, la réduction continue des ressources financières allouées au secteur, y compris les financements extérieurs, a engendré une incapacité à faire face aux charges de maintenance des bâtiments et des équipements techniques et pédagogiques et à une démotivation des formateurs. Cette situation s’est traduite par une détérioration de la qualité de la formation et une nette diminution du taux d’accès des formés à l’emploi (moins de 50%), rendant ainsi le secteur incapable de contribuer efficacement à la résorption du chômage qui sévit dans les rangs de notre jeunesse, dans un contexte marqué par un repli économique et une faible adaptation du dispositif aux besoins du marché de l’emploi. Or, il est clairement établi que l’essor du dispositif de formation technique et professionnelle constitue un enjeu majeur pour un pays comme le nôtre, où le taux d’échec au niveau du passage vers le secondaire est de 50% et celui au baccalauréat est 80%, ce qui fait que des milliers de jeunes quittent, chaque année, le système éducatif sans avoir acquis les qualifications nécessaires pour entrer sur le marché du travail où la main d’œuvre étrangère leur livre une rude concurrence.
Le chômage : un taux élevé, des chiffres alarmants
Une étude réalisée en 2008, pour le compte du département de la formation professionnelle, avait établi que la population active du pays se chiffrait à 1.056.000 personnes et qu’elle augmentait à raison de 2% par an, alors que le nombre d’occupés était, la même année, de 730.000 dont 55% travaillaient pour leur propre compte et seulement 20% dans des activités régulières salariées . Selon cette même étude, 50.000 nouveaux demandeurs d’emploi, dont 3.000 sortants des établissements de formation professionnelle et d’enseignement supérieur venaient, chaque année, sur le marché du travail qui n’en absorbait que 25 à 30.000, ce qui veut dire que les rangs des chômeurs grossissent annuellement de 20 à 25.000 demandeurs d’emploi. Les données disponibles indiquent qu’en 2008, 35% des actifs urbains étaient au chômage et que celui-ci touchait plus sévèrement les femmes (69%) et les jeunes de 15-24 ans (51%). Bien que ces données n’aient pas fait l’objet d’une actualisation récente, les spécialistes sont unanimes pour estimer que le taux de chômage ne peut qu’avoir sensiblement augmenté depuis 2008 du fait d’une part, de l’incapacité des politiques économiques hasardeuses du régime à créer des emplois et d’autre part, des déséquilibres récurrents entre formation professionnelle et marché de l’emploi, qui font que la demande non qualifiée d’emploi, tant dans le stock de demandeurs que chez les nouveaux entrants annuels, est bien supérieure à l’offre nationale. Cette augmentation du taux de chômage est d’autant plus plausible que l’offre de formation est essentiellement orientée vers des secteurs ayant de modestes besoins en main d’œuvre (industrie, administration, …) au détriment de ceux dont la demande est forte (agriculture, hôtellerie, …) et que la main d’œuvre nationale est âprement concurrencée par celle étrangère dans certains secteurs clés pour l’emploi (BTP, mines, pêche, …). Le danger de cette situation, comme en témoignent les données disponibles, est que le nombre de jeunes chômeurs est en perpétuelle augmentation, ce qui explique, en partie, le fait que plusieurs d’entre eux, désespérant d’obtenir un emploi stable qui leur fournit les moyens d’une vie décente, en viennent à succomber à la tentation des mirages que font miroiter les bandes terroristes organisées qui essaiment dans le désert saharien.
4- La santé : quand la réalité réfute la propagande du régime
Le régime actuel s’enorgueillissant d’importantes prouesses dans le secteur de la santé, il convient donc de s’interroger sur l’impact réel de celles-ci sur l’état sanitaire des populations. Ont-elles conduit à l’élévation de l’indice de confiance du citoyen en notre système de santé ? Ont-elles entraîné une diminution du nombre de patients qui se font soigner dans les pays voisins (Sénégal, Tunisie, Maroc, notamment) ? Ont-elles amélioré la surveillance pharmaceutique et la lutte contre les faux médicaments ? Qu’en est-il de la situation des hôpitaux et autres structures de santé publique sur l’étendue du territoire national ? Un député de la majorité n’avait-il pas rappelé que Ould Abdel Aziz s’était engagé à mettre 19 ambulances à la disposition de l’hôpital de Kaédi et , plus d’une année après cette promesse, le voici qui demande juste la réparation de l’unique ambulance dont cet hôpital régional dispose qui est à l’arrêt depuis un bon bout de temps ? Cet exemple fort éloquent atteste que les prétendues réalisations ne consistent, en fait, qu’en un détournement de certains bâtiments officiels de l’objectif initial pour lequel ils avaient été construits et en l’acquisition, à des prix exorbitants et dans l’opacité, d’équipements médicaux inaptes à fournir les prestations pour lesquelles ils avaient été acquis. Le fameux scanner de l’hôpital de Kiffa, inauguré tambour battant par Ould Abdel Aziz, n’a fonctionné que les quelques minutes de la cérémonie officielle et est, depuis lors, à l’arrêt, faute de capacité électrique suffisante pour son fonctionnement et de personnel qualifié. Aujourd’hui, le citoyen a perdu toute confiance en notre système de santé et tout malade qui se retrouve dans une salle d’opération de l’un de nos hôpitaux a une forte angoisse quant à ses chances de guérison et aux risques de contracter, à l’occasion de l’opération chirurgicale, une nouvelle maladie. Cette forte appréhension, en rien liée aux capacités de nos médecins - le plus souvent brillants et consciencieux - trouve son origine dans le fait que nos concitoyens se sont convaincus de l’inefficacité du système de santé publique, du fait d’une longue période de mauvaise gestion et de déficit criant de moyens. Il revenait aux autorités de rétablir la confiance, en agissant simultanément sur la disponibilité des équipements et la formation des capacités nécessaires pour en assurer le fonctionnement, ainsi que sur la sensibilisation des citoyens sur la nécessité de recourir au système national de santé au lieu de ceux des pays voisins. Par ailleurs, il est à noter que le cumul de l’exercice public et libéral de la médecine constitue un handicap supplémentaire pour les citoyens les plus démunis qui se voient dans l’obligation de s’adresser aux cliniques privées, à des coûts élevés et souvent dans des conditions stressantes, tant pour les malades que pour les médecins eux-mêmes. Les prétendues réalisations dont le régime se targue dans le secteur de la santé ne résistent pas à l’épreuve de la faiblesse de la couverture sanitaire ; les hôpitaux, centres, postes et autres unités de santé étant incapables, dans la plupart des différentes villes et localités du pays, d’offrir aux citoyens des soins essentiels de qualité. En milieu rural, cette incapacité est davantage criante, les infrastructures de santé ne disposant ni de personnel médical, ni de médicaments, pas plus que d’ambulances pour le transport des malades qui sont, le plus souvent, acheminés à dos d’animaux sur de longues distances avant de se retrouver chez les guérisseurs traditionnels ou les « hajaba ». La démagogie de Ould Abdel Aziz l’a poussé à se targuer, lors de son discours à l’occasion du 28 novembre dernier, d’avoir construit un hôpital pour enfants et un centre de traitement des maladies cancéreuses. Or, tout le monde sait que le premier n’est autre que le bâtiment qui existait déjà et était destiné à être la résidence du Premier Ministre et dont les meubles et équipements modernes avaient « disparu » ! Le second, quant à lui, est un immeuble rénové bien avant Ould Abdel Aziz et celui-ci a simplement fait supporter au Trésor public plus de sept millions d’Euros pour l’acquisition des équipements de ce centre, dans le cadre de l’une des multiples transactions douteuses de son régime pour laquelle les services de contrôle des finances publiques n’arrivent pas à trouver les justificatifs ! Les prétendues réalisations du secteur de la santé ne sont donc que propagande et tapage médiatique ; la réalité est que ce secteur connait, sous le régime actuel, une détérioration sensible, à tel point que des maladies que l’on pensait avoir éradiqué réapparaissent, notamment chez les basses tranches d’âge, faute de soins de base et de programmes de vaccination. Ainsi, l’abandon par le régime de Ould Abdel Aziz des fonctions sociales classiques de l’Etat, qui consistent en la promotion de l’enseignement et de la santé, la création d’emploi et la protection du citoyen face aux fluctuations des prix et aux effets des catastrophes naturelles, fait peser des risques sérieux d’éclatement de la société et d’effondrement de l’Etat. Le « Président des Pauvres » n’a donc fait qu’appauvrir les riches et duper les pauvres !
Situation alimentaire : hausse des prix, famine et décimation du cheptel
L’on ne peut rendre fidèlement compte de l’ampleur de la crise sociale sans traiter des conditions de vie quotidienne de l’écrasante majorité de notre population. A cette fin, et nonobstant la propagande effrénée du régime, selon laquelle les boutiques ouvertes en 2011 dans le cadre la fumeuse « Opération Solidarité » rebaptisée en 2012 « Opération Espoir » auraient contribué à l’amélioration des difficiles conditions de vie des citoyens, force est de constater leur absence d’impact sur les prix des produits de consommation de base pour la grande majorité des consommateurs.. Ainsi, l’indice des prix des produits alimentaires a augmenté de 20% entre janvier 2009 et décembre 2010, alors que celui de l’habillement a progressé de 19% au cours de la même période. Au cours de l’année 2011, il est certain que l’indice des prix à la consommation a connu une hausse notoire, eu égard à sa sensibilité aux prix des hydrocarbures qui ont enregistré des augmentations récurrentes à un rythme jamais égalé auparavant. .
Commission politique de la Coordination de l’opposition démocratique (COD)
(A SUIVRE)
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