Interview de Taleb Ould Sid’Ahmed    
02/05/2011

Notre confrère, Taleb Ould Sid’Ahmed, jadis Rédacteur en Chef à la TVM, a procédé, le 27 avril dernier, à la présentation de son livre intitulé : « L’Afrique face à ses retards, quelle place pour les NTIC? Â». Un ouvrage à travers lequel, l’auteur a mis en relief...



...de manière spécifique, les nouvelles pratiques qui s’opèrent dans le domaine social et politique à travers des mécanismes de contournement par les usagers mauritaniens.

Au-delà de la vision de l’Internet, l’auteur dresse une photographie des usagers les plus récurrents dans l’espace public mauritanien. Il a également mis en exergue le développement de l’outil Internet ces 15 dernières années où se rencontrent l’exclusion sociale d’une majorité de citoyens, les dysfonctionnements des institutions politiques et médiatiques que vient compliquer une situation sécuritaire depuis l’émergence de la branche d’AQMI en 2005, selon l’auteur.


Taleb Ould Sid’Ahmed est docteur en Sciences de l’information et de la communication de l’Université Stendhal de Grenoble (Paris). Il est diplômé de l’IPSI de Tunis 1. Taleb est actuellement chargé de communication au bureau de la Banque Mondiale à Abidjan en Côte d’Ivoire. En marge de cette présentation, nous l’avons approché et Taleb s’est prêté à nos questions. Entretien.

 

Tahalil-Hebdo : Quel intérêt d’écrire cet ouvrage ?

Taleb Ould Sid’Ahmed : L’ouvrage décrit essentiellement deux facteurs, deux éléments extrêmement importants à mon sens. Premièrement il décrit la façon avec laquelle les stratégies de développement ont été expérimentées en Afrique.

Il décrit également le phénomène de l’inadaptation de la plupart de ces stratégies de développement qui ont été expérimentés en Afrique et qui ont dans une majorité des cas surtout en Afrique subsaharienne qui se sont soldées par un échec patent. Quand vous voyez aujourd’hui les niveaux de pauvreté qui n’ont pas encore reculé, l’école qui est délabrée, le chômage, la corruption, le délabrement de l’Etat, vous vous dites qu’il y a quelque chose qui ne va pas.

Et la question qui est posée est qui en sont les responsables? Moi je fais partie de ceux qui pensent qu’il y a une coresponsabilité aussi bien les dirigeants et les agents de développent international que les dirigeants eux-mêmes et leurs peuples. C’est extrêmement important parce que si on a laissé cette faillite se développer depuis les années 60 jusqu’à aujourd’hui, c’est que tout le monde a failli.

 L’autre facteur ou thématique du livre, c’est l’émergence des technologies de l’information et de la communication modernes dans l’espace public africain et mondial de façon générale mais le livre s’intéresse surtout à l’espace public africain. Ces NTIC représentées aujourd’hui par l’Internet, la téléphonie mobile qu’il ne faut pas oublier avec Face book et Twitter … c’est qu’ils sont devenus des médias alternatifs utilisés par des usagers qui se sentaient exclus de ce qu’on appelle le paysage traditionnel, du paysage médiatique mais aussi politique.

Parce que vous savez la question centrale, c’est l’espace public dans lequel les idées, les opinions et les actions s’expriment. Le problème qui se pose c’est que l’espace public africain a été longtemps monopolisé aussi bien par les pouvoirs politiques que les pouvoirs notabiliers.

Or, avec l’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication où les possibilités d’autonomie de l’usager et du citoyen sont de plus en plus importantes. Du coup on a ce qu’on appelle en science de l’information et de la communication l’usage contourné, l’usage détourné alors qu’on pensait que cette technologie allée être utilisée pour améliorer le système éducatif, sanitaire et même pour lutter contre la pauvreté.

Mais on s’est rendu compte que ces technologies sont utilisées surtout pour une expression libre de l’opinion, pour des rencontres de nature ludique parce que le contexte politique ne donnait pas assez de liberté aux citoyens surtout les jeunes, les intellectuels etc. C

’est vrai que l’Internet est inaccessible à une majorité de citoyens. Mais le problème c’est que c’est une minorité qui a accès à l’Internet mais elle est très active et militante.

Quand vous voyez aujourd’hui les révolutions arabes et la manière avec laquelle Facebook a popularisé ses revendications et la téléphonie mobile qui a joué un rôle très important, vous vous dites qu’il faut en finir avec la propagande. La propagande des années 60, n’a plus lieu d’être. Le monopole, le contrôle étatique des médias et de l’opinion, n’ont plus lieu d’être. Voilà la trame essentielle de l’ouvrage.

 

TH : En tant que chercheur, quelle dichotomie y’a-t-il entre la communication traditionnelle que vous décrivez à travers le tam-tam et celle dite moderne qui se traduise par les NTIC?

TOSA : Oui, c’est une question extrêmement importante. Vous savez aujourd’hui, il y a une évolution fulgurante dans l’usage des NTIC. L’homme depuis belle lurette a utilisé beaucoup d’autres moyens et des techniques de communication. Il y a eu le cheval comme moyen de communication traditionnel, les gens qu’on envoie, il y a eu aussi l’usage du tam-tam comme moyen d’expression ou de communication dans plusieurs sociétés traditionnelles pour annoncer une guerre, une trêve ou une cérémonie …

Le problème qui se pose c’est que les technologies modernes représentées par la télévision, l’Internet offrent beaucoup plus de mobilité et d’accès que les moyens traditionnels.

Dans certaines sociétés africaines le tam-tam continue à être utilisé et on utilise le cheval pour se déplacer d’un village à un autre. Mais la différence entre les moyens traditionnels et ceux dits modernes, c’est que ces derniers permettent un accès beaucoup plus large et actif, ce n’est simplement pas la passivité.

Aujourd’hui, l’information ne vient pas uniquement d’en bas mais elle remonte. Actuellement les grandes chaînes de télévision font appel aux usagers pour que eux-mêmes enregistrent des images, prennent des photos et des témoignages et les font remonter.

 Donc la différence c’est que ces NTIC sont beaucoup plus modernes. N’importe qui dans la hiérarchie sociale peut y accéder. Alors qu’avant dans les sociétés traditionnelles, c’était pas n’importe qui, qui avait droit a donné ou à avoir accès à l’information.

Il y avait un accès inégal dans n’importe qu’elle société. C’était des sociétés hiérarchisées mais aujourd’hui il n’y a plus ce monopole de l’information. L’accès est libre à tous. L’idée c’est qu’il faut faire attention à l’idéologie de la propagande, de l’exclusion, elles n’ont plus lieu d’être.

 

TH : Oui, ce qui m’amène à dire que même si les NTIC ont des avantages certes, il n’en demeure pas moins qu’elles engendrent des conséquences préjudiciables aux sociétés comme on le voit avec les révolutions arabes qui se font par Internet aidées en cela par Facebook, Twitter etc.

TOSA : En fait ce qu’il faut comprendre, c’est que la technologie n’est jamais neutre. Vous allez avoir ce que vous en faites. Si vous utilisez un téléphone portable par exemple pour télécharger des images obscènes, vous allez avoir des conséquences.

Si vous rentrez dans des discussions avec des propos haineux, vous en verrez les conséquences. D’un autre côté, vous allez les utiliser pour la bonne cause. Si vous utilisez Facebook pour véhiculer les valeurs de démocratie, de liberté, de justice et d’équité, on ne peut que s’en réjouir.

D’ailleurs, certains disent que les révolutions telles qu’elles s’opèrent aujourd’hui, heureusement, se déroulent dans un contexte où il n’y a pas que les médias officiels ou traditionnels.

Elles se sont déroulées sous nos yeux à travers les médias qui sont libres d’accès. Donc Facebook comme Twitter ont joué un rôle important sur le plan équitable et transparent.

 

TH : Quel message d’utilité publique avez-vous lancé à travers votre ouvrage ?

TOSA : En fait, moi c’est un constat que je dresse. J’ai dressé un constat selon lequel le public n’est pas patient. Contrairement à ce que l’on dit, le public est intelligent, rationnel. Il peut de plus en plus se faire une idée et décoder le message qu’on lui envoie. En réalité, il est de plus en plus autonome.

 Je veux dire par là qu’il y a deux logiques. La logique technologique qui se traduit par la multiplication des techniques et la logique sociale où les citoyens ont leur propre faculté de jugement. Ils ont leur culture, leur société, leurs réalités et ils baignent dans un environnement où ils peuvent se faire des jugements.

Le reste c’est une question de responsabilité personnelle, de régulation étatique, de discussion et de négociation.
Propos recueillis par Ibou Badiane

 

 


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