Des centaines de manifestants se sont rassemblés samedi 19 mars à la place de l’Indépendance au centre de Dakar, non loin du siège de la présidence de la République, pour dénoncer "l’injustice", alors que les forces de l’ordre étaient déployées dans le périmètre immédiat.
Ce sit-in auquel a appelé l’influent président du groupe médiatique Walfadjri, M. Sidy Lamine Niasse, figure parmi les manifestations de protestation prévues ce 19 mars marquant le 11ème anniversaire de l’accession de Abdoulaye Wade au pouvoir.
Le leader d’opinion s’est adressé à la foule en déclarant que cette manifestation est organisée pour s’"opposer à une opération de liquidation d’un groupe de presse (Walfadjri) qui dérange".
Une autre marche sera organisée par une coalition d’une trentaine de partis politiques de l’opposition pour marquer, l’occasion de cette date symbolique de l’espoir trahi en manifestant tous ensemble, massivement et sereinement contre les manquements du régime
Le régime wade semble donc vouloir entretenir la confusion entre manifestation et conspiration: une «rectification» (Putsch), est-elle réellement en vue, pour décanter la situation?
Le ministre d’Etat sénégalais ministre de la justice, M. Cheikh Tidjane Sy. avait déclaré la veille que des individus, "par conspiration matérialisée par des réunions et par constitution d’armes et de matériel de sabotage, ont décidé de créer des troubles graves dans certains endroits de Dakar, le 19 mars 2011, anniversaire de l’Alternance".
Il a, pour cette raison, saisi le procureur de la République auprès du Tribunal régional hors-classe de Dakar à l’effet de prendre "des mesures conservatoires et de requérir l’ouverture d’une information contre certains individus". Le ministre de la Justice, était apparu samedi peu après minuit à la télévision publique RTS pour lire une déclaration solennelle du gouvernement, accusant des membres de l’opposition d’avoir fomenté "un complot" visant au "renversement du régime" et annonçant des arrestations. Abdoulaye Wilane, un des porte-parole du Parti socialiste sénégalais, moteur de la coalition d’opposition Benno Siggil Senegal (Ensemble pour le renouveau du Sénégal), a ensuite rejeté ces accusations de "complot".
"C’est une farce de très mauvais goût", a-t-il dit, ajoutant: "le régime d’Abdoulaye Wade joue à se faire peur et à nous faire peur dans l’unique but de dissuader le Sénégal de sortir en masse aujourd’hui".
A la télévision, le ministre de la Justice a cité des noms de responsables de mouvements d’opposition, en particulier le mouvement Tekki et le Mouvement national des étudiants socialistes (MNES), qui ont "planifié" des actions "de subversion active et de déstabilisation des institutions par la violence". Egalement dénoncés, "des groupements d’artistes" et des "leaders politiques". Selon le gouvernement, "les comploteurs" avaient l’intention de profiter des manifestations à Dakar et dans d’autres villes du pays pour faire entrer en action "des commandos" qui devaient commettre "des actions violentes destinées à provoquer la panique et la réaction de la population".
Saisi par l’Etat, le procureur de la République de Dakar "a décidé de tuer dans l’oeuf le complot visant à la réalisation d’un coup d’Etat en procédant à l’interpellation d’individus dûment identifiés comme membres du complot".
Le nombre de personnes arrêtées n’a pas été précisé. A l’approche de la présidentielle de février 2012, "des politiciens, sachant qu’ils ne peuvent rien attendre d’un suffrage universel libre, démocratique et sincère, veulent tout simplement utiliser la voix du complot", a affirmé le ministre de la Justice.
Outre le rassemblement place de l’Indépendance à Dakar, d’autres manifestations de l’opposition, de mouvements de jeunes, mais aussi de partisans du président Wade, sont prévues samedi, faisant craindre des dérapages.
Elles ont lieu dans un climat de tension sociale, marqué notamment par des coupures d’électricité récurrentes qui exaspèrent les Sénégalais et malmènent l’activité économique.
Les jeunes manifestent depuis des mois, parfois de façon violente, dans les quartiers populaires de Dakar pour exprimer leur ras-le-bol et leur désespoir face à l’avenir dans un pays où le taux de chômage dépasse 40%. Abdoulaye Wade, qui avait suscité un immense espoir lors de son accession au pouvoir en 2000 après quarante ans de pouvoir socialiste, a déçu: ses détracteurs l’accusent d’avoir favorisé la corruption, privilégié son clan et sa famille - en particulier son fils Karim - et d’avoir mené une politique de prestige au détriment des réalisations sociales.
Le chef de l’Etat, âgé de 85 ans, avait annoncé dès septembre 2009 qu’il allait se représenter pour un nouveau mandat en février 2012.
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