Transition:Gouvernance sans reprise Ă©conomique    
15/08/2006

La gouvernance et le consensus politique national. Quels sont leurs impacts sur le niveau vie des citoyens? Autrement dit, existe-t-il réellement une relance économique en Mauritanie?
 Certes, nous avons assistĂ© Ă  des journĂ©es de concertation dĂ©bouchant sur une modification constitutionnelle limitant le mandat prĂ©sidentiel Ă  deux mandats non renouvelables, mais il est question de savoir comment Ă©valuer l’action de l’actuel gouvernement. D’oĂą la problĂ©matique de la concrĂ©tisation du discours mĂ©morable du «Boss» au Palais des Congrès. Ce discours prĂ´nait la transparence dans la gestion publique. Le chef de l’Etat n’avait-il pas soulignĂ© que «les choix Ă  cet Ă©gard ne sont pas multiples : nous devons choisir entre l’anarchie, la confiscation du pouvoir ou une toute autre voie, celle consistant Ă  accorder au peuple, Ă  tous les citoyens, le droit de gĂ©rer eux-mĂŞmes leurs affaires et ne pas les laisser aux mains d’un pouvoir qui ne les utilisera que pour ses propres intĂ©rĂŞts.



Si nous délaissons notre avenir, je vous le dis, nous en payerons chèrement le prix (…). Or, depuis un an, c’est une vraie révolution à laquelle nous assistons dans les domaines des libertés et de la bonne gouvernance. Avant le 3 août, la Mauritanie marchait sur la tête. Désormais, elle se tient solidement sur ses jambes.»
On se souvient que des anciens gouvernements avaient entamĂ© -armĂ©s sans doute de bonnes intentions- une sĂ©rie de dĂ©marches qui devaient permettre l’élaboration d’un cadre juridique pour une gestion rationnelle de la chose publique. L’universitaire Moktar Fall Ould Mohamed confirme en ce sens que « les pouvoirs publics mauritaniens avaient optĂ© pour une large politique de dĂ©centralisation depuis les premières annĂ©es de l’indĂ©pendance.
Cette politique de décentralisation a été sans résultat du fait de l’insuffisance de moyens humains et financiers d’une part et de la précarité de l’état d’esprit des populations et le retard des mentalités d’autre part. C’est pourquoi les pouvoirs publics de l’époque étaient revenus sur la décentralisation politique et avaient introduit une large régionalisation.»
Dans la pĂ©riode de transition actuelle, les pouvoirs publics misent sur l’inspection gĂ©nĂ©rale d’Etat et la cour des comptes pour amĂ©liorer la qualitĂ© de contrĂ´les. L’évolution budgĂ©taire de la cour a connu une nette procession de 80% entre 1999 et 2003. Ce qui Ă©quivaut Ă  118 millions d’ouguiyas en 2003 contre 63 millions 1999. Toutefois, le facteur humain au sein de cette institution reste insuffisant. A souligner que des agents d’Etat ayant dĂ©tournĂ©s des biens publics prĂ©servent toujours leurs places. Pourtant, ces agents et hauts fonctionnaires ont Ă©tĂ© dĂ©masquĂ©s par les autoritĂ©s de contrĂ´le. Et cela après le 3 aoĂ»t 2005. « Nul n’est sensĂ© ignorer la loi, les prĂ©dateurs de bien du peuple ne devront pas occuper des postes sensibles, mĂŞme s’ils remboursent ce qu’ils ont dĂ©jĂ  dĂ©tournĂ©. Â» explique un ardent dĂ©fenseur de la cause juste.
Au niveau administratif, les choses n’ont pas forcement évolué. Le contrôle de prix pourtant nécessaire pour l’amélioration du niveau de vie est quasiment inexistant. L’exemple rassurant les citoyens demeure celui de la restitution des centaines de millions d’ouguiyas détournés aux dépens de l’Etat. Les autorités publiques viennent de bénéficier de plusieurs ressources.
Citons entre autres : la contribution financière de l’Union EuropĂ©enne d’un montant total de 540millions d’Euros Ă©talĂ©s sur 6 ans soit 108 millions d’euros par an. Ce nouvel accord de pĂŞche est interprĂ©tĂ© par Bruxelles comme Ă©tant « le plus important accord de pĂŞche avec un pays tiers, en terme financiers. Le nouveau partenariat apportera un bĂ©nĂ©fice mutuel Ă  l’UE et Ă  la Mauritanie en termes d’emplois, de renforcement du contrĂ´le et de la surveillance, de prĂ©servation des ressources et de la protection de l’environnement.» Ajoutons Ă  cela, les 100 millions de dollars provenant de la part de la Mauritanie dans la production pĂ©trolière et l’annulation des services de la dette qui permet au pays d’économiser 25 millions de dollars.
A qui profite ces sommes ?
MalgrĂ© l’augmentation des salaires de 50 % pour les fonctionnaires, 15 % pour les retraitĂ©s et une rĂ©duction des impĂ´ts, les mauritaniens moyens commencent Ă  perdre espoir, car les analystes prĂ©voient une augmentation de 300 %, rĂ©gulĂ©s par la reprise Ă©conomie. Comment ?
Les spécialistes sont unanimes sur la réduction de la pauvreté et la restructuration économique.
En 2000, et d’après les données du recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH), le taux de chômage se chiffrait à 19%, soit environ 145000 personnes. Les données de l’Office National de la Statistique (ONS), réalisées sur les conditions de vie des ménages (EPCV), ont permis de revoir à la hausse ce taux. Il avoisine désormais les 30%. Ainsi, 57 % de la catégorie socioprofessionnelle sont indépendants. Les emplois salariés demeurent inférieurs à 20 %, alors que les allocations familiales représentent 6 % en 2000.
Notons que l’informel qui est de 87 % grappille de plus en plus dans les milieux urbains au détriment de l’emploi dans les zones rurales.
Sil l’on se rĂ©fère aux deux derniers recensements de 1998 et de 2000, on constate une nette croissance de 3,7% par an. Ce qui Ă©quivaut Ă  une moyenne de 16000 emplois supplĂ©mentaires par annĂ©e. Les diagnostics de l’ANAPEJ explique que « le fait que cette croissance coĂŻncide avec une pĂ©riode de montĂ©e du phĂ©nomène de pauvretĂ© laisserait Ă  penser qu’il s’agit dans beaucoup de cas d’emplois prĂ©caires et/ ou peu rĂ©munĂ©rateurs recouvrant un chĂ´mage dĂ©guisĂ©. Cette prĂ©caritĂ© taraude les esprits des Ă©conomistes dont la seule solution rĂ©side dans la croissance.
Plus d’activité signifie, moins de chômage. Plus de production signifie plus de revenus à distribuer… D’où une nouvelle politique d’emploi qui doit se baser sur des divergences portant sur les moyens de la reprise, et sur la place des pauvres dans la relance. Ces désaccords épineux et difficiles à réconcilier restent inexistants dans le débat politique en Mauritanie.
En effet, les autoritĂ©s tablent sur une croissance Ă©conomique allant jusqu’à 26% voire 45%. Quelles seront les politiques Ă  venir ?
Bien que le changement a eu lieu, les mauritaniens n’ont pas ressenti ses effets. Des «paroles» laissent entendre un pessimiste. Les indicateurs Ă©conomiques sont toujours au rouge et les perspectives floues, dit-on par ci par lĂ , en ville.
Pour ce qui est de l’emploi, on parle des 500 jeunes profitant chacun d’un prĂŞt avoisinant 900 mille ouguiyas et un Ă©ventuel consentement de 100 crĂ©dits supplĂ©mentaires. Ces crĂ©dits semblent ĂŞtre insignifiants pour rĂ©aliser des investissements rentables. Le gouvernement de transition ne cherche pas Ă  intĂ©grer les diplĂ´mĂ©s chĂ´meurs. Dans les annonces d’emploi, il faut disposer d’une expĂ©rience de cinq ans voire plus. «On ne naĂ®t pas avec l’expĂ©rience Â», martèle des chĂ´meurs mĂ©contents de se voir refuser pour manque de grande expĂ©rience. Par ailleurs, qu’en est- il de l’engagement politique ?
Les prévisions sont loin d’être une préoccupation politique au sein du gouvernement. En pratique, on fait croire chaque fois qu’il y a de nouveaux revenus, les citoyens vont en profiter.
« Des programmes politiques qui se ressemblent, guidĂ©s par des chefs de partis se focalisant de plus en plus sur l’électorat au dĂ©triment du bien ĂŞtre social, seront qu’une perte de temps», affirme un Ă©minent cadre. A qui incombe la faute? Aux citoyens dupĂ©s par les besoins du moment ?
Peut-on parier sur des politiques qui ne disposent pas d’indicateurs prospectifs ? Ne devait-on pas exiger une modification constitutionnelle excluant les analphabètes des Ă©lections ? Prenons le cas des objectifs de la lutte contre l’analphabĂ©tisme. La vision est simple : un taux de scolarisation de 91,7%, alors la qualitĂ© est presque nulle. Qui peut arrĂŞter cette comĂ©die ?
Mohamed Fouad Barrada

 


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