La très dynamique société d’édition «Essirage» dirigée par notre confrère Ahmedou Ould Wedia a organisé le 18 juin à Nouakchott une conférence-débat sur le thème : «Les islamistes mauritaniens: Défis et perspectives». Au cours de cette conférence le président du parti islamiste «Tawassoul» (en français, RNRD)...
...a appelé l’«élite politique et sécuritaire» à «réévaluer» le courant islamiste mauritanien (Etteyar el islami) et à «s’éloigner des préjugés», affirmant que ce courant est sorti de la clandestinité, l’action publique étant devenue «une option stratégique». M. Ould Mansour -dont le discours est généralement marqué par une gémoterie plutôt variable- a appelé à un "examen sérieux et enrichissant" de l’historique du courant islamiste mauritanien, dont l’objectif, a-t-il dit, émane de la conviction que le bien de la société se résume au retour à la loi d’ALLAH. Sans en préciser la nature, Ould Mansour a reconnu que le parcours du courant islamiste a été marqué , à la fois, par des succès et des échecs.
Il a parlé des «sources d’inspiration» du courant islamiste sur le plan local avec «l’heritrage culturel musulman» et sur le plan extérieur avec des influences liées à «l’éveil islamiste» (Essahwa el islamiya) au Machrek et au Maghreb, avant que ce courant n’apparaisse sur des tribunes comme l’ex-Association culturelle islamique ainsi que sur les scènes estudiantine, syndicale et enfin politique.
La conférence a été marquée par d’autres interventions dont celles de Mohamed Habib Ould Ahmed et l’ex-ministre Ahmed Vall Ould Saleh. Ce dernier a parlé de l’epreuve-éléctrochoc de 1994 (rafle des islamistes et leurs aveux télévisés) avant l’intervention plus tournée sur le present et empreinte de modernisme politique avec Mohamed Ghoulam Ould El Hadj Cheikh qui était sur le bateau turc «Marmara» sauvagement attaquée par Israël. Les islamistes du RNRD version «Frères musulmans» par différenciation avec les islamistes salafistes constituent une force politique, encore émergente.
Ils sont supposés avoir activement suscité le putsch avorté du 8 juin 2003. Bannis et pourchassés sous Ould Taya, ils ont obtenu le droit de créer le RNRD fin 2007.
Aux élections de 2006, ils ont obtenu sous des candidatures indépendantes 5 sièges su 95 à l’assemblée nationale et un nombre très réduit de municipalités.
A la présidentielle de mars 2007 ils ont soutenu le candidat Saleh Ould Hannena qui a recueilli 7% des suffrages.
Au deuxième tour de cette même présidentielle, ils ont apporté leur soutien à Ahmed Ould Daddah qui a perdu devant Sidi Ould Cheikh Abdellahi.
Ce dernier les a fait participer à son gouvernement de mai 2008 mais la majorité parlementaire frondeuse à l’époque et fortement soutenue par les généraux de l’Armée a obligé Ould Cheikh Abdellahi à les chasser du Gouvernement.
Après le putsch du 6 août 2008 les islamistes ont milité au sein du FNDD (front anti-putsch) puis ont préferé faire le "cavalier seul" après l’Accord de Dakar (juin 2009) en engageant dans la présidentielle de juillet leur président Jemil Ould Mansour qui a recueilli 4% des suffrages.
Ironie du sort, les islamistes du RNRD auront donné plus de voix à Saleh Ould Hannena en 2007 qu’à leur propre président en 2009! Après la présidentielle de juillet les islamistes ont penché pour la majorité avec laquelle ils se sont aliés lors des sénatoriales et aspirent depuis lors à un "partenariat politique" avec elle. Ce partenariat est officieux dit-on mais pas encore officiel!
Au niveau de la base, le RNRD est cependant de plus en plus boudé par une jeunesse plutôt attirée par la force du discours du mouvement salafiste-jihadiste dont 70 des membres sont en prison pour des affaires liées au Terrorisme.
Les "Frêres musulmans" semblent être en perte de vitesse depuis que leurs dirigeants ne sont plus persécutés, estiment les observateurs.
L’«option stratégique» de l’action publique aura donc été peu porteuse sur le court terme.
C’est ce qui expliquerait l’examen actuel des défis et perspectives, ainsi que l’attachement du RNRD à des thémes de mobilisation comme Israel, les minarets suisses, le foulard en France, et le blocus de Gaza.
Il faut bien entretenir la flamme !
ECLAIRAGES
Les islamistes mauritaniens (de l’école des «Frères Musulmans») qui ont obtenu il y a plus deux ans, un cadre politique: le Rassemblement National pour la Reforme et le Développement (RNRD-Tawassoul, en arabe) se sont lancés dans la présidentielle de juillet 2009 avec un candidat issu de leurs rangs .
C’est la première fois qu’un candidat se déclarant islamiste se présentait à une élection présidentielle en Mauritanie.
Par le passé, ils avaient milité au sein de l’UFD et du RFD, soutenu la candidature de Ould Haidalla en 2003 et du président du Hatem Saleh Ould Hannena en mars 2007. Plus deux années après, les islamistes se sont affranchis des sentiments et des tutelles avec Jemil Ould Mansour .
Un choix qui intervenait aprés 15 années de luttes ayant débuté avec la recherche de la reconnaissance d’un cadre légal à leur action à travers le parti "Oumma"en 1992 et les premières interpellations dont ils furent la cible en septembre 1994 quand ils avaient été accusés de planifier la création d’un bras armé « le Hassem ».
Avec leur candidature à la presidentielle de 2009, les islamistes poursuivaient toujours leur longue marche vers la recherche de la consécration. Présents à l’Assemblée nationale et au Sénat depuis 2006 sous des candidatures independantes, ils ont finalement survécu à Ould Taya, au blocage de leur reconnaissance par la transition de 2005 poursuivant leur marche et transformant souvent leurs déconvenues en victoires médiatiques. En mai 2003, les dirigeants islamistes furent la cible d’une vague de répression qui prit fin en août 2003, pour resurgir. A l’époque, les autorités les ont accusé d "’utilisation des mosquées en vue de l’embrigadement de jeunes pour des menées subversives", mais aussi de " connexions avec les milieux terroristes et extrémistes à l’étranger". Placés en détention préventive durant un mois leurs dirigeants furent présentés à la justice le 3 juin 2003 et inculpés pour "complot contre la sécurité intérieure et extérieure du pays", "complot contre l’ordre constitutionnel" et "appartenance à des associations illégales". Ils ont été écroués le 3 juin 2003 à la prison de Beila. Mais 5 jours après, il y eut la tentative de putsch du 8 juin 2003. Les islamistes sortent de cette prison dans le tohu- bohu et la regagnent le 11 juin 2003, quand la situation s’était calmée. Seul, Jemil Ould Mansour manqué à l’appel.
Par contre, tous les autres prévenus avaient regagné leurs cellules, d’où ils sortiront le 25 août 2003. Après un exil Bruxellois, Ould Mansour reviendra au pays quelques mois plus tard, se fera prisonnier, avant d’être remis en liberté. Dans un élan de décrispation qui allait d’ailleurs bénéficier au leader du Front populaire M. Chbih Ould Cheikh Mélainine, la liberté provisoire, était accordée le 25 aout 2003 à tous les prévenus islamistes.
Mais ces derniers la refusent au début, exigeant l’annulation des poursuites lancées contre eux, avant d’être contraints de quitter leur prison. Sortis de prison, les islamistes se lanceront dans la campagne électorale de 2003 en apportant leur soutien massif à l’ex-président Mohamed Khouna Ould Haidalla. Après la présidentielle du 7 novembre 2003 et la tension qui s’en suivra, la Coalition pour une Alternance Pacifique (CAP) dans laquelle ils étaient des acteurs principaux éclate.
Les islamistes affluent au projet de Parti de la Convergence Démocratique (PCD) animé par le radiologue Cheikh Ould Horma, une formation politique que les autorités refusaient de reconnaître. Le 3 octobre 2004, nouvelle tension. Après l’arrestation du Capitaine Abderrahmane Ould Mini et le démantèlement de «la filière de Koutiala», les autorités se rendent compte de la présence au sein des «Cavaliers du Changement» de plusieurs jeunes affiliés à la mouvance islamiste : Ould Siyam, Sid’Amar Ould Cheikhna , Brahim Ould Kherchy , Moulaye Ould Brahim.
Les dirigeants islamistes s’empressent alors d’apporter des précisons. Jemil Ould Mansour exprime le 4 octobre 2004 ses réserves par rapport à ces informations parce qu’émanant dit-il, des autorités, mais, manoeuvrier, il précise qu’au cas où elles sont confirmées, les islamistes n’hésiteront pas à condamner de telles attitudes et à les considérer comme l’expression d une volonté personnelle qui ne reflète en rien la position de la mouvance islamiste.
Le 10 Octobre 2004, une journée après l’arrestation de Saleh Ould Hannena à Rosso, les trois des principaux dirigeants de la mouvance islamiste, (Mohamed El Hacen Ould Dedew, Jemil Ould Mansour et Moctar Ould Mohamed Moussa) sont de nouveau interpellés. Dans la même soirée, la police publie une déclaration sous la référence 0052/DPJSP/DGSN. Le Commissaire Nkeranny Ould Mohamed Mahmoud a expliqué la raison des interpellations: " Messieurs Mohamed El Hacen Ould Dedew, Moctar Ould Mohamed Moussa et Jemil Ould Mansour ont été interpellés dans le cadre de l’enquête en cours, car des jeunes évoluant dans leur sillage ont été recrutés et convoyés vers le nord de la Côte d’Ivoire en zone rebelle, afin d’être formés pour des actions de terrorisme en Mauritanie." Entendus, les dirigeants islamistes seront remis en liberté quelques jours après. Mais le 2 novembre 2004 les choses se gâtent à nouveau.
Après la publication par Al Akhbar.info un site proche de la mouvance islamiste de photos représentant des scènes de torture les dirigeants islamistes sont de nouveau accusés dans un communiqué de police (du 3 novembre 2004), de "subversion" et présentés le 15 novembre 2004 devant le parquet . Le parquet aux ordres les accuse de " complicité dans la fabrication et l’usage de faux sur des images (photos), de nature à créer des trouble à l’ordre public extérieur et intérieur du pays et à porter atteinte à une structure organisée, conformément aux articles 19-23-24-25 de la loi n° 23/91 organisant la liberté de la presse ainsi que la violation de l’article 5 de la loi n° 19/94 par la publication de photos montrant des personnes nues et soumis à la torture, chose qui est contraire à la morale islamique et aux valeurs humaines, conformément aux articles 4-5 de la loi 19/94 en date du 03/07/94 organisant l’exercice de certaines activités audio-visuelles ainsi que l’article 263 du code pénal ". Ouf!!! Trois mois après, nouveau coup de théâtre dans ce feuilleton à multiples rebondissements. Dans la soirée de dimanche 13 février 2005, les dirigeants islamistes sont de nouveau remis en liberté. Une mesure prise comme pour s’inscrire dans la décrispation de la scène entamée avec l’apaisement né du verdict du procès de OuadNaga. La remise en liberté est intervenue également suite à la détérioration l’état de santé de Cheikh Mohamed El Hacen Ould Dedew sur la base du diagnostic du Pr. Moustapha Ould Mohamedou, qui l’a consulté à la prison civile de Nouakchott et avait recommandé qu’il est urgent d’évacuer le malade vers un centre spécialisé en France, au Maroc ou en Tunisie. 25 avril 2005. Rebondissement dans le feuilleton Pouvoir/ Islamistes .Treize personnalités de la mouvance islamiste représentant ses deux courants de pensée : les Frères Musulmans (modérés) et les Salafistes (radicaux) sont interpellés dans le cadre du démantèlement d’une «structure dangereuse» pour le pays. Les dirigeants islamistes qui vont fonder plus tard le RNRD ne quitteront la prison qu’ en septembre 2005 suite à une amnistie proclamée par la junte militaire, l’ex-CMJD venu au pouvoir le 3 aout 2005.
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