Le Ministre des mines a proposé au Conseil des Ministres du jeudi 22 avril dernier, l’annulation du permis d’exploitation des phosphates attribué depuis l’année 2002 à la SOPHOSMA (Société privée mixte mauritano-allemande). Comme d’usage, le Conseil des Ministres ...
...a approuvé la proposition du Ministre des Mines. Mais il y aurait quiproquo !
En effet, un examen attentif du Décret en question, et surtout son rapport de présentation révèle des choses très intéressantes et qui dénotent d’une volonté manifeste d’induire le Gouvernement dans l’erreur. Il est en effet très troublant de remarquer à la lecture du Rapport de présentation dudit décret ainsi que son texte, qu’à aucun endroit de ce document –si officiel !- il est fait mention de la moindre disposition légale que la Sophosma n’aurait pas respectée pour justifier l’annulation de son titre minier. Ce rapport ne nous dit pas avec précision quelle infraction a été commise, et quel article de la loi minière la sanctionne ! Du jamais vu !!
Le Rapport ne fait que relater –sur deux pages- les péripéties de la mise en œuvre de ce projet et des relations du Ministère avec la Sophosma. Et le texte du décret n’ajoute rien pour justifier une décision pourtant si importante, et surtout sans précédent dans les annales juridiques de la Mauritanie.
Cette narration des faits n’a pourtant pas été aussi fidèle à la réalité comme l’aurait suggéré son niveau de détail. En effet quelques événements majeurs de la vie de ce projet sont passés sous silence ; et pourtant leurs conséquences et implications sont énormes.
1- la signature de la Convention minière entre la Sophosma et l’Etat mauritanien en juin 2002.
Cette convention est l’acte fondamental des relations entre les deux parties selon le code mauritanien des mines; et comporte des implications juridiques majeures. Parmi ces implications, on peut citer les garanties offertes par l’Etat à la Sophosma : stabilité du régime juridique et l’impossibilité d’expropriation, sauf cas de forme majeure à traiter suivant les normes du droit international. Notons ici que même si l’on suppose que cette Convention n’a pas la force requise, il demeure certain que la loi minière (de 2008) ne peut pas être rétroactive, et que le permis minier de Sophosma est bien protégé par son régime juridique antérieur.
2- la Convention de partenariat signée en décembre 2002 entre l’Etat mauritanien (représenté par le Ministre des Mines, notamment) et la Sophosma, relative à la réalisation d’une Etude pour le Chemin de fer. Le contexte et les justificatifs de ladite Convention confirment clairement que la volonté de l’Etat était que la production de la Mine soit acheminée par ce mode de transport ;
3- le mémorandum d’entente signé en août 2007 en présence du Ministère des Mines –et diffusé sur la TVM- entre une grande Entreprise chinoise et le Gouvernement mauritanien pour la recherche de financement et la réalisation du Chemin de fer. Ce processus continue son cours, et le projet de Chemin de fer vient d’être transféré vers la nouvelle Agence de gros projets, qui relève désormais de la Présidence de la République.
4- les conséquences néfastes de la crise internationale de 2009, qui amenèrent la compagnie germano-russe K+S –partenaire stratégique du projet- à se retirer de cette affaire en juin 2009. N’eut-été cet événement, la variante ’’de petite taille’’ concertée avec le Ministère en janvier 2009, basée sur un schéma de camionnage du produit de la mine vers le Port de Nouakchott, aurait dû être bien avancée aujourd’hui. Cette nouvelle variante fut dictée par certains paramètres nouveaux, notamment la hausse des prix du phosphate en 2008 et surtout l’ampleur des retards dans le processus du projet chemin de fer. Notons ici que cette crise internationale a ’’mis à l’eau’’ trop de projets d’investissements dans notre monde. Bien pire que ça, elle amena plusieurs décideurs économiques à se suicider… !!
Tout cela montre que les retards dans l’exploitation du gisement de phosphate, incombent avant tout à l’Etat qui a décidé du mode de transport du produit de la mine ; et parce qu’il n’a pas pu réaliser ce projet de chemin de fer dans des délais raisonnables. Et pourtant, ce sont ces retards que le Ministre des mines a utilisé comme argument fallacieux pour arriver à la prise de cette décision exorbitante.
Comment se fait-il qu’après tant de péripéties, le Ministre actuel des mines se réveille un beau jour de fin d’avril 2010, pour décider d’annuler les droits miniers d’une entreprise privée mixte, impliquant des investisseurs d’un pays européen ami de notre pays ? Cette question n’a pas encore reçu de réponse fiable ! Selon beaucoup d’experts, elle ne peut recevoir de réponse techniquement objective et juridiquement valable. Alors, Comprenne qui pourra ! Ahmed Bouya Ould Amar
Les opinions et avis exprimés dans ce courrier n’engagent pas nécessairement TAHALIL. Ils engagent leur(s) auteur(s).
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