|   Introduction 1. Au cours de la dernière décennie, les autorités mauritaniennes ont eu régulièrement recours à la communication d’informations erronées. Cette pratique s’est accélérée au cours de la deuxième moitié des années 90 où des politiques de stabilisation macroéconomique et d’ajustement structurel devaient être poursuivies dans le cadre des différents programmes négociés avec les partenaires, notamment le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Tout en souscrivant à des engagements de performances économiques, à la fois qualitatives et quantitatives, les autorités poursuivaient les dérapages, notamment budgétaires, et présentaient à leurs partenaires des résultats différents de la réalité. 
 
 2. Cette pratique a, en particulier, eu deux consĂ©quences majeures. La première a consistĂ© dans le fait que la gestion macroĂ©conomique est devenue de plus en plus inadaptĂ©e Ă  la situation rĂ©elle, souvent avec le conseil de partenaires abusĂ©s, conduisant Ă  prendre des mesures encourageant les dĂ©sĂ©quilibres au lieu de les combattre (politique budgĂ©taire expansionniste, politique monĂ©taire accommodante, rĂ©gime de change inappropriĂ©) avec des impacts nĂ©gatifs sur la stabilitĂ© macroĂ©conomique et sur la croissance. La seconde est d’obtenir des dĂ©caissements sur la base de donnĂ©es erronĂ©es donc en contradiction avec les règles fixĂ©es par des institutions dont la Mauritanie est membre et est tenue de s’y conformer. A cet Ă©gard notre pays a dĂ» rembourser, en 2004, le premier dĂ©caissement au titre de la FRPC de 2003 ainsi que deux autres dĂ©caissements obtenus en 2002 dans le cadre de la FRPC 1999-2002 et remboursĂ©s en mai et juin 2006. 3. L’arrivĂ©e d’une nouvelle Ă©quipe du FMI Ă  partir du milieu de l’annĂ©e 2003 et la conduite d’une mission d’évaluation des mesures de sauvegarde en janvier 2004 avant la fin de la première revue du nouveau programme ont mis en Ă©vidence que les donnĂ©es communiquĂ©es Ă©taient erronĂ©es. En effet, seuls 15% des rĂ©serves extĂ©rieures de la BCM Ă  fin 2002 pouvaient ĂŞtre confirmĂ©es et cela semblait plus en cohĂ©rence avec les dĂ©sĂ©quilibres perceptibles sur le marchĂ© de change. A partir de cette date, le dialogue avec la communautĂ© financière internationale allait devenir plus compliquĂ© pour les autoritĂ©s en place. 4. En effet, les services du FMI ont dĂ©fini comme prĂ©alable Ă  l’achèvement de la première revue du dernier programme soutenu par la FacilitĂ© de RĂ©duction de la PauvretĂ© et de Croissance (FRPC), et donc Ă  la poursuite de relations formelles, un audit spĂ©cial des rĂ©serves extĂ©rieures de la Banque Centrale par un cabinet de rĂ©putation internationale Ă  la fin des annĂ©es 2002 et 2003. Il semblait Ă©vident qu’il n’y avait plus que deux possibilitĂ©s pour ces autoritĂ©s : (i) aller dans le sens requis par les services en restaurant la vĂ©ritĂ© sur l’évolution historique, ou (ii) poursuivre dans une situation de blocage dans le dialogue avec la communautĂ© financière internationale. 5. Malheureusement, la seconde option fut privilĂ©giĂ©e en son temps. Par la suite, elle a Ă©tĂ© lĂ©gèrement amĂ©liorĂ©e en autorisant une rĂ©vision de donnĂ©es permettant de restaurer la situation rĂ©elle Ă  partir de la deuxième moitiĂ© de l’annĂ©e 2004 de façon Ă  mieux gĂ©rer l’économie rĂ©elle tout en maintenant les donnĂ©es inchangĂ©es Ă  la fin de l’annĂ©e 2002. L’ajustement brutal des Ă©carts historiques sur les annĂ©es 2003 et 2004 ne pouvait que contenir des incohĂ©rences aussitĂ´t identifiĂ©es par les services du FMI, notamment sur les Ă©volutions monĂ©taires et sur l’épargne, et ne rĂ©pondait pas au souci de cette institution de clarifier la situation des rĂ©serves extĂ©rieures Ă  fin 2002. Ainsi, au cours de son conseil d’administration tenu le 27 mai 2005, cette institution a fait de la clarification des donnĂ©es sur la pĂ©riode 2000-02 et de l’audit externe des Ă©tats financiers de la Banque Centrale une condition prĂ©alable pour tout accès aux ressources du FMI. Le blocage avec la communautĂ© financière internationale se poursuivait. 6. C’est dans ce contexte qu’est intervenu le changement du 03 aoĂ»t 2005. Le Conseil Militaire pour la Justice et la DĂ©mocratie (CMJD) a mis fin au rĂ©gime prĂ©cĂ©dent et instaurĂ© un gouvernement de transition dont les trois principaux objectifs sont de (i) jeter les base d’une dĂ©mocratie rĂ©elle en organisant des Ă©lections libres, honnĂŞtes et transparentes, (ii) rĂ©former les institutions judiciaires et (iii) entreprendre une politique de bonne gouvernance. Les nouvelles autoritĂ©s ont rapidement considĂ©rĂ© que la clarification de donnĂ©es et l’instauration d’un dialogue basĂ© sur la confiance avec la communautĂ© financière internationale sont des mesures clĂ©s de gouvernance et un moyen de parvenir aux objectifs fixĂ©s. Ainsi, dès septembre, le gouvernement de transition a pris la dĂ©cision de communiquer les donnĂ©es rĂ©elles au Fonds MonĂ©taire International, ce qui fut fait en novembre 2005. 7. Cette dĂ©cision salutaire a permis Ă  la Mauritanie de maintenir son Ă©ligibilitĂ© pour l’annulation de la dette dans le cadre de l’initiative pour l’allègement de la dette multilatĂ©rale et de restaurer le dialogue avec la communautĂ© financière internationale et notamment avec le FMI. En effet, le gouvernement a pu nĂ©gocier et mettre en place un programme suivi par les services du FMI qui devra dĂ©boucher sur une facilitĂ© pour la rĂ©duction de la pauvretĂ© et de la croissance. 8. Toujours dans le cadre de la bonne gouvernance, les autoritĂ©s ont dĂ©cidĂ© de prĂ©parer un rapport retraçant l’évolution Ă©conomique sur la pĂ©riode 1992-2004. L’objectif de ce rapport est triple : (i) réécrire l’histoire Ă©conomique rĂ©cente de la Mauritanie et en informer tous les acteurs nationaux et les partenaires, (ii) construire des sĂ©ries longues et fiables pour permettre le dĂ©veloppement de l’analyse macroĂ©conomique et (iii) attirer l’attention de tous sur les dangers des pratiques passĂ©es en vue de construire une immunitĂ© future contre la manipulation de donnĂ©es. 9. Le prĂ©sent rapport donne d’abord une apprĂ©ciation globale de l’évolution macroĂ©conomique sur la pĂ©riode 1992-2004. Puis, les chapitres suivants prĂ©sentent de façon plus dĂ©taillĂ©e les Ă©volutions du secteur rĂ©el, des finances publiques, de la situation extĂ©rieure, de la monnaie et du crĂ©dit, du secteur financier et des indicateurs de pauvretĂ© monĂ©taire.   1. ApprĂ©ciation globale de l’évolution macroĂ©co,omique 1.1. Evolution rĂ©elle 10. Le principal enseignement Ă  tirer de l’évolution macroĂ©conomique rĂ©cente porte sur l’ampleur des dĂ©sĂ©quilibres budgĂ©taires. En effet, le dĂ©ficit public, hors dons, se situe en moyenne Ă  7,4% du PIB sur la pĂ©riode 1993-2004. Les dĂ©sĂ©quilibres se sont fortement dĂ©gradĂ©s sur la pĂ©riode 2000-2004 oĂą ce dĂ©ficit se situe en moyenne Ă  11,0% et le taux de dĂ©penses s’envole pour passer de 25,1% Ă  37,7% du PIB de 1999 Ă  2004 en passant par un pic de 47,2% en 2003. 11. La dĂ©pense publique a Ă©tĂ© tirĂ©e en particulier par des dĂ©penses extrabudgĂ©taires qui ont progressĂ© en moyenne de 23,6% par an sur la pĂ©riode 1995-2004 avec un pic en 2003, oĂą le poids de ces dĂ©penses a atteint 41,9% de la dĂ©pense totale, en raison de la mise en place du plan d’urgence. Ces dĂ©penses - qui posent un sĂ©rieux problème de transparence et montrent que les lois de finances n’étaient pas systĂ©matiquement appliquĂ©es - ont profitĂ© essentiellement aux dĂ©penses militaires, aux subventions et Ă  l’investissement sur ressources intĂ©rieures. En effet, les dĂ©penses militaires ont progressĂ© de 21,2% sur la pĂ©riode passant de 13% Ă  18% des dĂ©penses de fonctionnement entre 1995 et 2004. De mĂŞme, celles relatives aux subventions se sont accrues de 22,4% et les dĂ©penses d’investissement intĂ©rieur et de restructuration de 24,6% sur la pĂ©riode sans pour autant qu’il y ait eu une amĂ©lioration de l’épargne budgĂ©taire. Au cours de cette pĂ©riode, le poids des dĂ©penses salariales a rĂ©gressĂ© en raison des restrictions dans le recrutement dans la fonction publique et Ă  la dĂ©gradation du salaire rĂ©el. 12. La croissance Ă©conomique rĂ©elle s’est situĂ©e en moyenne Ă  3,4% par an sur la pĂ©riode 1993-2004 avec une progression supĂ©rieure Ă  la moyenne de secteurs liĂ©s Ă  la dĂ©pense de l’État, tels que le BTP (+9,2%) et les administrations publiques (+4,6%). En outre, la pĂ©riode a connu Ă©galement une forte expansion du secteur des services suite aux rĂ©formes structurelles conduites notamment dans le secteur des tĂ©lĂ©communications dont la croissance est la seule Ă  s’établir Ă  deux chiffres sur la pĂ©riode (+10,8% par an pour la branche des transports et tĂ©lĂ©communications). Le secteur primaire a reculĂ© sur cette pĂ©riode et la croissance des industries extractives (+2,7%) est restĂ©e en deçà de la moyenne. 13. L’analyse de la demande montre que la croissance a Ă©tĂ© tirĂ©e principalement par l’absorption intĂ©rieure notamment la dĂ©pense publique et l’investissement privĂ© sur les dernières annĂ©es en raison du dĂ©veloppement de l’activitĂ© pĂ©trolière. L’efficacitĂ© des investissements mesurĂ©e par l’ICOR reste faible. 14. Les effets de la politique budgĂ©taire expansionniste suivie entre 1992 et 2004 ont Ă©tĂ© aggravĂ©s par une politique monĂ©taire très accommodante. La masse monĂ©taire s’est ainsi considĂ©rablement accrue progressant Ă  un taux annuel moyen de 15% largement supĂ©rieur au taux de croissance du PIB nominal. Son niveau a Ă©tĂ© multipliĂ© par 5 entre 1992 et 2004 en raison principalement de l’expansion du crĂ©dit Ă  l’État qui s’est accru en moyenne Ă  un rythme de 22,4% largement supĂ©rieur Ă  celui de 10,4% enregistrĂ© par le crĂ©dit au secteur privĂ©. |