La Journée Mondiale de l’Alimentation vient d’être célébrée le 16 octobre dernier sous le thème : « atteindre la sécurité alimentaire en temps de crise ». La communauté internationale reste, en effet, préoccupée par le spectre de la famine suite à la très grave crise alimentaire mondiale de l’année 2008.
Tous les peuples, en particulier ceux exposés à la menace - dont le nôtre - sont appelés à prendre conscience de l’urgence qu’il y a à garantir leur sécurité alimentaire.
Le pouvoir du Général-Président a choisi ce moment pour annoncer la décision drastique de couper le robinet du crédit agricole et de mettre en demeure tous les exploitants de payer tous leurs arriérés et tout de suite sous peine de voir leurs biens saisis et leurs personnes jetés en prison ! Une décision de mise à mort, sans procès et sans sommation, de tout le secteur de l’agriculture irriguée. Le prétexte : la lutte contre les mauvais payeurs. Mais si l’écrasante majorité des opérateurs d’un secteur économique ne remboursent plus leurs dettes, le simple bon sens ne permet plus de se contenter de mettre à l’index les agissements de mauvaise volonté de quelques individus.
On a plutôt à faire à un secteur en crise. Et, un secteur en crise, on lui porte secours. Voyez comment ont agi tous les gouvernements du monde face à la récente crise financière et économique. Pour le pouvoir mauritanien la logique, malheureusement, semble toute autre : on ne vole pas au secours d’un secteur en crise, on l’achève !
En effet, les mesures prises signifient la mise en faillite des centaines d’exploitants (communautés paysannes et promoteurs privés), opérateurs sans lesquels la sécurité alimentaire est un vain mot. Ces opérateurs sont en butte depuis une longue période à l’incohérence, voire l’irresponsabilité des politiques officielles dans le secteur.
Bien souvent, les octrois en amont des crédits par l’UNCACEM sont suivis par le non respect par l’État de ses engagements en matière de promotion et de commercialisation de la production agricole. Il en résultait mévente, pertes sèches et, par conséquent, difficultés de remboursement et accumulation des impayés.
À ce problème structurel, où la responsabilité de l’État est manifeste, aucune solution durable n’avait été apportée dans le passé. Mais chaque fois qu’un gouvernement eût à manifester une réelle volonté de soutenir l’agriculture irriguée, l’engagement de nos exploitants n’a pas fait défaut.
Ce fut le cas récemment sous le gouvernement du Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi dont les encouragements à la campagne agricole 2008 (entre autres, gel du payement des dettes, financement des campagnes d’hivernage et de contre-saison, PSI) suscitèrent un réel engouement. D’où le doublement des superficies emblavées et une production record d’un riz de qualité !
A l’inverse, le pouvoir actuel s’est jusqu’ici illustré par une démission irresponsable envers ce secteur : pour la première fois dans l’histoire de la Mauritanie, rien n’a été prévu pour la campagne agricole 2009, ni crédit, ni rien d’autre ; pour la première fois, depuis son démarrage, l’opération « retour au terroir » en faveur des ruraux est abandonnée.
Le résultat en est aujourd’hui désastreux : sur les 40.000 ha aménagés pour l’irrigué, seuls 5.000 ha sont mis en valeur en 2009 (contre 18.000 ha en 2008 sous le gouvernement démocratique). Serait-ce pour couvrir cette inqualifiable défaillance, que la pouvoir a décidé de faire des exploitants agricoles un bouc émissaire ?
Ou cherche-t-on plus trivialement à libérer le terrain pour les importateurs ou à punir certains gros débiteurs de l’UNCACEM qui n’avaient pas fait le « bon choix » lors des dernières élections ? Ou, tout simplement, veut-on pousser à la faillite les uns pour faire main basse sur leurs terres en faveur d’autres - nouveaux promoteurs nationaux ou étrangers ?
Quoi qu’il en soit, notre pays ne peut continuer à être géré comme une caserne, par des ordres secs imposant des solutions simplistes à des problèmes vitaux et complexes. Il n’est pas acceptable, que l’État se comporte en usurier impitoyable, profitant des difficultés des exploitants pour les exproprier, au lieu de les aider à reprendre pied pour promouvoir la production agricole, et rendre ainsi possible le recouvrement des créances de l’UNCACEM.
À l’occasion de la Journée Mondiale de l’Alimentation, l’Union des Forces de Progrès (UFP), soucieuse d’une relance véritable de la production agricole nationale :
1. dénonce vigoureusement la démission et les décisions irresponsables du pouvoir en place relatives à la campagne 2009 et au crédit agricole ;
2. réclame l’annulation des mesures engagées contre les exploitants (gel du financement et mises en demeure), la remise en vigueur de l’accord conclu en 2008, la prise en charge totale par l’Etat des dettes des exploitations villageoises et l’ouverture de négociations pour le rééchelonnement des dettes des autres opérateurs.
3. réclame un audit sur la crise du secteur de l’irrigué et du crédit agricole pour situer les responsabilités et définir une véritable stratégie nationale de sécurité alimentaire avec la participation de tous les acteurs et partenaires du secteur agricole ;
Le 18 octobre 2009 La Présidence
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