Les diplomates canadiens et touristes européens enlevés au Niger et au Mali sont entre les mains de Moctar Belmokhtar, avait indiqué le 21 février 2009, une source malienne «très proche du dossier».
Moctar Belmokhtar, (MBM) alias Khaled Abou El Abbass, alias «Belaouar» est "Emir" de " Katibet elMoulethemine" (en français, bataillon des enturbannés).MBM a posé entre autres conditions, pour la libération de ses otages, l’élargissement de deux mauritaniens, membres d’Al Qaïda au Maghreb Islamique(AQMI), détenus dans «un pays du Sahel». Quel est donc, ce «pays du Sahel» et qui sont ces deux mauritaniens? S’agit-il de Tiyeb Ould Sidi Ali et de Hamada Ould Mohamed Khayou (photo) détenus au Mali? S’agit-il d’ «El Mouthenna» et de «Souheib», ou de Khadim Ould Semane et Maarouve Ould Habib, tous, détenus en Mauritanie? Seules, les sources maliennes "proches du dossier" peuvent apporter la bonne réponse. "Katibate elMoulethemines" était en principe, une phalange du nouvel «Emirat du Sahara» (Imaratou Es-Sahra)- créé en 2007, et placé sous l’autorité de Yahya Jouadi, dit «Abou Ammar».
Cette Katiba s’est finalement semble-t-il imposée au nouvel Emirat. Elle l’a précédé sur le terrain et elle fait plus, parler d’elle. MBM, le chef des «Moulethemines» a une très longue expérience du Sahara-Sahel où il s’est établi début 2000, du temps de Abderrazak El Para, l’ex-«numéro 2» du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC, devenu AQMI fin 2006). «El Para» et «Belaouar» avaient commencé à partir de 2003, à s’intéresser à la Mauritanie et à recruter des Mauritaniens.
Mais c’est seulement en avril 2005, que les services mauritaniens de sécurité s’en rendront compte, suite à l’arrestation de 7 mauritaniens de retour des camps du GSPC, et qui s’étaient fait arrêter suite à un «un aveu spontané» d’un ex-comparse qui les avait précédé au pays...après avoir arnaqué le GSPC. Trafic et Jihad peuvent aller de pair
Disposant d’une forte influence, d’un riche palmarès et d’une nette antériorité sur le terrain, MBM a semble-t-il son mot à dire sur le terrain . Il n’aurait pas après la capture de «El Para» en mars 2004, apprécié les politiques suivies par la hierachie algérienne de l’ex-GSPC.
Notamment les politiques de «Moyen Orientalisation» et de «Zarqawisation» adoptées en Algérie par les Emirs nationaux, tels: Nabil Sahraoui et Droudkel.
«Les décisions prises par Droudkel ne m’engagent pas!» déclarait MBM début 2006, à des jihadistes mauritaniens.
MBM aurait gardé depuis lors, une grande autonomie par rapport à AQMI, qui n’a pas réussi à se dispenser de ses services, ni de son expérience et qui s’est retrouvée contrainte à le suivre, notamment pour le Sahara-Sahel dans ses options, lesquelles, privilégient le controle des routes du trafic, les enlèvements et les braquages qui rapportent gros, aux attentats aveugles qui ne rapportent rien du tout. Des cercles proches de services secrets occidentaux affirmaient que MBM avait été écarté fin 2005, par la direction du GSPC-AQMI qui n’avait plus confiance en lui, «parce qu’il se livrait plus, à la contrebande, qu’au Jihad ».
Ceci n’est pas tout à fait faux ! MBM combinait et combine les deux : le trafic étant pour lui, une mamelle nourricière du Jihad.
la remise par MBM en janvier 2006 d’une cargaison de stupéfiants à ses propriétaires après une embuscade qui a coûté la vie à l’un d’eux, en dit long sur sa flêxibilité.
«Je ne suis jamais parvenu à comprendre pourquoi Belaouar tue un trafiquant, saisit la drogue, puis la remet à ses propriétaires» attestait en août 2006, un jihadiste mauritanien tué en avril 2008 à Nouakchott dans un accrochage avec la police. La presse algéroise trop liée aux thèses officielles visant à semer la zizanie entre les dirigeants de l’organisation terroriste, avait rapporté en 2007, que MBM aurait songé à se rendre, et que la direction d’AQMI l’avait remplacé par Benmessaoud Abdelkader, alias Moussab Abou Daoud, qui s’est rendu aux autorités algériennes en juillet 2007. MBM, ne s’est pas pas pourtant rendu. Loin s’en faut! Il est resté jusqu’aujourd’hui, très actif dans le Sahara-Sahel.
Les dessous de l’intérêt particulier pour la Mauritanie
Après l’attaque de Lemgheity en juin 2005 que MBM a supervisé dans une opération conjointe entre "elMoulethemine" et "Katibate Taregh Ibn Ziyad" dirigée par Abdel Hamid Abou Zeid, d’autres preuves sur la responsabilité des hommes de MBM existent, notamment, dans l’accrochage meurtrier d’avril 2006 à El Menaâ, où 14 douaniers algériens furent tués.
Le groupe qui avait anéanti ces douaniers avant de subir de fortes pertes après un raid de l’armée de l’air algérienne, convoyait justement, des armes et des munitions pour les combattants du GSPC situés en premières lignes en territoires algériens: (El khoutout El Amamiya).
Comment alors, faire remplacer un Emir et continuer à recevoir de lui, armes et munitions ? Cela ne prouve-t-il pas que la disgrâce de MBM évoquée par les services occidentaux et la presse algérienne, n’était pas réelle, ou fut tout au plus éphémère? Juste après le massacre d’El Manaâ, le centre d’intérêt de MBM semble s’être déplacé vers la Mauritanie, principalement depuis 2006. Les interpellations de mai 2006 à Nouakchott, en disent long sur cette orientation.
Le braquage des fonds du Port Autonome de Nouakchott a été programmé à cette époque, et confié à la "cellule de Lemgheity", interpellée avant de passer à l’action.
Les recrues mauritanienness présenteraient beaucoup de qualités aux yeux de MBM et de ses recruteurs : leur jeunesse, leur naïveté, leur instruction religieuse élevée et surtout leur diversité ethnique : les Arabo-berbéres parmi eux, peuvent être facilement utilisés en Algérie et les négro-mauritaniens peuvent l’être en Afrique noire.
Aprés la neutralisation de la "cellule de Lemgheity" en mai 2006, MBM ne démord pas. Il ordonne en septembre 2007, la création en Mauritanie d’«Ansar Allah El Mourabitoune». "Abou Doujana" , un mauritano-nigerien et l’un de ses meilleurs lieutenants, s’en chargera. MBM désigne alors un Emir mauritanien pour cette organisation, le reintroduit en Mauritanie et dirige en octobre 2007 -à partir du Sahara-Sahel- le braquage des fonds du Port de l’Amitié de Nouakchott. Cette fois, ça marche!
Il fournit également explosifs et armes aux salafistes mauritaniens d’«Ansar Allah» et supervise l’attaque de l’ambassade d’Israël en Mauritanie parallêlement à la préparation du kidnapping finalement avorté d’un diplomate allemand en poste à Nouakchott : (cf: http://www.journaltahalil.com/detail.php?id=2079).
C’est aussi MBM, qui demande en septembre 2008 dans le cadre des négociations menées pour libérer deux otages autrichiens capturés en Tunisie (Tiens!), la libération de deux jihadistes mauritaniens détenus au Mali.
Et c’est toujours lui, (décidément!) qui renouvelle la même exigence le 20 février 2009, cette fois, dans le cadre de nouvelles négociations menées pour la liberation de nouveaux otages. Trop d’intérêt donc pour la Mauritanie et les Mauritaniens, interêt duquel, on peut bien se passer.
Esweidahmed Ould Seubti
(*) Article publié le 21/2/2009
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