Voici venu le temps de la transhumance scolaire   
07/02/2009

Il est établi que si chaque Mauritanien pouvait envoyer son enfant dans un établissement scolaire privé, beaucoup ne se le priveraient pas. En effet, depuis plusieurs décennies, l’enseignement privé a mis sur l’éteignoir le cursus public. Plusieurs écoles privées ont fleuri de partout. Certaines ont fait les beaux jours des nouakchottois et se sont éteintes, d’autres se sont forgées des réputations qui fluctuent au gré des résultats d’examens nationaux.



Certains Ă©lèves se retrouvent ainsi chaque annĂ©e trimballĂ©s armes et bagages par des parents peu regardants sur les traces de l’oiseau rare.  

S’il existe un secteur de l’éducation où l’on gagnerait à mettre un peu d’ordre, c’est bien celui de l’enseignement privé. En effet, les établissements scolaires privés se comptaient sur les bouts des doigts. Au début des années 80, les écoles privées connues à Nouakchott étaient : « Chems Eddin », « Emel, Nassr Eddin », et « El Hadj Omar Tall » qui, elle en était à ses tous débuts. On s’inscrivait dans ces écoles là soit parce que la famille a décidé d’y envoyer tous les enfants de la maison ou bien à la suite d’échecs scolaires dans les collèges et lycées publics, toujours est-il que l’on y observait des élèves suivant le cycle du collège et celui du lycée jusqu’au fatidique baccalauréat au même espace scolaire. Et puis, il y’a eu le boom des années 90 qui a vu des établissements privés pousser comme des champignons et donner naissance à une nouvelle donne : la transhumance des élèves. Ces derniers écument les établissements sensés « porteurs » comme des dromadaires sur la piste des pâturages. Le phénomène est nouveau et semble parti pour durer si l’on n’y met le holà. En fait, certains parents d’élèves, sur leur propre initiative ou celle de leurs progénitures procèdent à des tests d’élimination et chaque année scolaire, placent leurs rejetons dans un établissement différent de celui de l’année d’avant.
  Faire Ă  tout prix le tour des Ă©tablissements
C’est le cas de Mariem, Ă©lève en 3ème annĂ©e au collège El Hadj Omar TALL : « J’ai fais ma classe de 1ère annĂ©e secondaire Ă  l’école privĂ©e El Khiyar, en 2ème annĂ©e, mon père m’a inscrite au collège El Barka et cette annĂ©e 2009, je suis Ă  El Hadj Omar Tall. Je pense qu’il veut trouver la meilleure  Ă©cole pour moi  » dĂ©clare-t-elle derrière la candeur de ses 12 berges. C’est aussi le cas de Cheikh Limam. Le garçon a quittĂ© le mĂŞme collège privĂ© citĂ© plus haut pour les Ă©tablissements « Nations ». Du haut de ses 13 ans, il lance sur un ton plein d’assurance : «  Nous allons tester ce collège et voir ce que cela va donner. » entendez par lĂ  son père et lui. Au regard de l’air dĂ©cidĂ© du garçonnet, il Ă©clate aux yeux  qu’il fait partie du lot d’enfants qui influent sur les dĂ©cisions parentales quand au suivi scolaire. Le problème est que des Mariem et Cheikh Limam, il y’en existe  Ă  la pelle. Et certains, arrivĂ©s en classe de terminale, auront fini de faire le tour des principaux Ă©tablissements privĂ©s de Nouakchott. D’ailleurs, c’est prĂ©cisĂ©ment au niveau des classes de terminale que la transhumance est plus accrue. En effet, les candidats qui se prĂ©sentent nouvellement tout comme les sujets ajournĂ©s des examens antĂ©rieurs, dès la proclamation des rĂ©sultats, Ă©pluchent les moissons des uns et des autres et jettent leur dĂ©volu sur le lycĂ©e qu aura engrangĂ© le plus grand taux de rĂ©ussite. A la fin, les critères objectifs du choix fondĂ©s sur la rĂ©putation n’entrent plus en compte. C’est la loi des calculs et de la loterie qui dicte les règles du jeu. Cela n’est Ă©videmment pas pour rassĂ©rĂ©ner le corps professoral
Un corps professoral désabusé
Ali Dieng, professeur d’anglais au lycĂ©e de Arafat 1 met en garde : «  Il faut que les parents d’élèves arrĂŞtent de jouer avec l’avenir de leur enfants et de se substituer aux professeurs dans le choix des orientations. Comment voulez-vous qu’un Ă©lève puisse s’épanouir s’il n’a pas la latitude de prendre ses repères dans un environnement scolaire durable ? Il sera  en perpĂ©tuelle reconstruction et n’aura jamais le temps de consolider ses acquis. »  Il faut ajouter Ă  cette pratique Ă´ combien suicidaire celle qui voit chaque annĂ©e des parents d’élèves extraire au beau milieu de l’annĂ©e leur progĂ©niture de leurs lieux d’enseignement et les placer dans d’autres Ă©coles parce que ces deniers leur auront convaincu qu’un tel Ă©tablissement est meilleur ou tout simplement parce qu’un professeur x ou y ne les porte pas sur son cĹ“ur. En dĂ©finitive, l’on constate que tout cela est simplement très grave car il faut bien admettre que ce milieu est tombĂ© bien bas. Des mains profanes manient et manipulent l’enseignement comme on le fait avec tout ce qui tient debout dans ce pays. On ne se pose pas de questions sur les valeurs  essentielles de l’éducation. On ne mesure pas la profondeur du gouffre dans lequel on projette ces enfants qui dĂ©barquent en classes d’examen avec pour seuls bagages la fiertĂ© d’étaler devant les autres le chapelet d’établissements frĂ©quentĂ©s. Ah ! Si jeunesse savait !    
Biri N’Diaye


Toute reprise totale où partielle de cet article doit inclure la source : www.journaltahalil.com
Réagir à cet article
Pseudo
E-mail
Commentaire
Entrer le code
La rédaction de Tahalil vous demande d'éviter tout abus de langage en vue de maintenir le sérieux et de garantir la crédibilité de vos interventions dans cette rubrique. Les commentaires des visiteurs ne reflčtent pas nécessairement le point de vue de Tahalil et de ses journalistes.
Les commentaires insultants ou diffamatoires seront censurés.

TAHALIL 2006-2022 Tous droits reservés