Il est établi que si chaque Mauritanien pouvait envoyer son enfant dans un établissement scolaire privé, beaucoup ne se le priveraient pas. En effet, depuis plusieurs décennies, l’enseignement privé a mis sur l’éteignoir le cursus public. Plusieurs écoles privées ont fleuri de partout. Certaines ont fait les beaux jours des nouakchottois et se sont éteintes, d’autres se sont forgées des réputations qui fluctuent au gré des résultats d’examens nationaux.
Certains élèves se retrouvent ainsi chaque année trimballés armes et bagages par des parents peu regardants sur les traces de l’oiseau rare.
S’il existe un secteur de l’éducation où l’on gagnerait à mettre un peu d’ordre, c’est bien celui de l’enseignement privé. En effet, les établissements scolaires privés se comptaient sur les bouts des doigts. Au début des années 80, les écoles privées connues à Nouakchott étaient : « Chems Eddin », « Emel, Nassr Eddin », et « El Hadj Omar Tall » qui, elle en était à ses tous débuts. On s’inscrivait dans ces écoles là soit parce que la famille a décidé d’y envoyer tous les enfants de la maison ou bien à la suite d’échecs scolaires dans les collèges et lycées publics, toujours est-il que l’on y observait des élèves suivant le cycle du collège et celui du lycée jusqu’au fatidique baccalauréat au même espace scolaire. Et puis, il y’a eu le boom des années 90 qui a vu des établissements privés pousser comme des champignons et donner naissance à une nouvelle donne : la transhumance des élèves. Ces derniers écument les établissements sensés « porteurs » comme des dromadaires sur la piste des pâturages. Le phénomène est nouveau et semble parti pour durer si l’on n’y met le holà. En fait, certains parents d’élèves, sur leur propre initiative ou celle de leurs progénitures procèdent à des tests d’élimination et chaque année scolaire, placent leurs rejetons dans un établissement différent de celui de l’année d’avant. Faire à tout prix le tour des établissements C’est le cas de Mariem, élève en 3ème année au collège El Hadj Omar TALL : « J’ai fais ma classe de 1ère année secondaire à l’école privée El Khiyar, en 2ème année, mon père m’a inscrite au collège El Barka et cette année 2009, je suis à El Hadj Omar Tall. Je pense qu’il veut trouver la meilleure école pour moi » déclare-t-elle derrière la candeur de ses 12 berges. C’est aussi le cas de Cheikh Limam. Le garçon a quitté le même collège privé cité plus haut pour les établissements « Nations ». Du haut de ses 13 ans, il lance sur un ton plein d’assurance : « Nous allons tester ce collège et voir ce que cela va donner. » entendez par là son père et lui. Au regard de l’air décidé du garçonnet, il éclate aux yeux qu’il fait partie du lot d’enfants qui influent sur les décisions parentales quand au suivi scolaire. Le problème est que des Mariem et Cheikh Limam, il y’en existe à la pelle. Et certains, arrivés en classe de terminale, auront fini de faire le tour des principaux établissements privés de Nouakchott. D’ailleurs, c’est précisément au niveau des classes de terminale que la transhumance est plus accrue. En effet, les candidats qui se présentent nouvellement tout comme les sujets ajournés des examens antérieurs, dès la proclamation des résultats, épluchent les moissons des uns et des autres et jettent leur dévolu sur le lycée qu aura engrangé le plus grand taux de réussite. A la fin, les critères objectifs du choix fondés sur la réputation n’entrent plus en compte. C’est la loi des calculs et de la loterie qui dicte les règles du jeu. Cela n’est évidemment pas pour rasséréner le corps professoral Un corps professoral désabusé Ali Dieng, professeur d’anglais au lycée de Arafat 1 met en garde : « Il faut que les parents d’élèves arrêtent de jouer avec l’avenir de leur enfants et de se substituer aux professeurs dans le choix des orientations. Comment voulez-vous qu’un élève puisse s’épanouir s’il n’a pas la latitude de prendre ses repères dans un environnement scolaire durable ? Il sera en perpétuelle reconstruction et n’aura jamais le temps de consolider ses acquis. » Il faut ajouter à cette pratique ô combien suicidaire celle qui voit chaque année des parents d’élèves extraire au beau milieu de l’année leur progéniture de leurs lieux d’enseignement et les placer dans d’autres écoles parce que ces deniers leur auront convaincu qu’un tel établissement est meilleur ou tout simplement parce qu’un professeur x ou y ne les porte pas sur son cœur. En définitive, l’on constate que tout cela est simplement très grave car il faut bien admettre que ce milieu est tombé bien bas. Des mains profanes manient et manipulent l’enseignement comme on le fait avec tout ce qui tient debout dans ce pays. On ne se pose pas de questions sur les valeurs essentielles de l’éducation. On ne mesure pas la profondeur du gouffre dans lequel on projette ces enfants qui débarquent en classes d’examen avec pour seuls bagages la fierté d’étaler devant les autres le chapelet d’établissements fréquentés. Ah ! Si jeunesse savait ! Biri N’Diaye
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