L’ordonnance dite constitutionnelle adoptée par le nouveau régime militaire le 11 août 2008 stipule que « Les actes relevant du Haut Conseil d’Etat en vertu de la présente ordonnance sont revêtus de la signature du Président du Haut Conseil précédée de la mention « Pour le Haut Conseil d’Etat, le Président ». (article 5 ).
Cette mention n’est pas une simple formalité administrative ou un simple ornement scriptural. Le Haut Conseil qui prétend exercer le pouvoir d’Etat, est une instance collégiale dont les décisions, au vu de l’ordonnance, sont prises en son nom collectif par son Président qui n’est que le primus inter pares, le premier des membres de l’instance, sans pouvoirs propres autres que ceux que lui délèguent ses collègues.
Dans le jeu subtil des rapports entre la constitution civile et l’ordonnance des militaires, ce n’est pas le Président du HCE, en l’occurrence le Général Mohamed Ould Abdel Aziz, mais le Haut Conseil d’Etat lui-même qui exerce les compétences du Président de la République légitime.
C’est ce qu’indique expressément l’article 2 de l’ordonnance en ces termes : « Les pouvoirs dévolus au Président de la République en vertu des dispositions de la constitution du 20 juillet 1991, modifiée, sont exercés, en la forme collégiale, par le Haut Conseil d’Etat ».
Comme pour s’en convaincre eux-mêmes, les auteurs de l’ordonnance vont donc reprendre la même idée, à laquelle personne ne croit par ailleurs, au vu de l’expérience historique du pays et dans le monde, à trave rs l’article 5 du texte suivant lequel « le Haut Conseil d’Etat exerce le pouvoir exécutif et notamment les prérogatives prévues aux articles 23 à 39 du titre II de la constitution du 20 juillet 1991 modifiée. »
L’exigence de la mention « Pour le Haut Conseil d’Etat » pour chaque texte adoptée dans le cadre des compétences « présidentielles » du HCE, se fonde donc sur la spécificité organique du nouveau régime militaire, en tant que régime dit conventionnel ( ou d’Assemblée) par différenciation avec les régimes parlementaires, présidentiels ou mixtes.
Il est cocasse de constater que c’est précisément cette exigence fondamentale pour ce type de régime qui a été brutalement enfreinte par son premier acte juridique de très grande portée politique et institutionnelle : le décret « présidentiel » de convocation d’une session extraordinaire de l’Assemblée Nationale.
Etant donné que cette convocation est une prérogative du Président de la République , au titre de l’articla 53 de la constitution, elle est donc « léguée » au HCE par l’ordonnance des putschistes. Le décret de convocation de la session extraordinaire doit donc nécessairement et impérativement porter la mention fatidique : « Pour le Haut Conseil d’Etat, le Président ».
Or, le texte officiel du décret le plus attendu dans l’histoire politique de la Mauritanie , le décret qui, pour ses auteurs, devait être le sésame de la nouvelle ère militaro-parlementaire de la justice, de la démocratie et de la solution de tous les problèmes de la Mauritanie , ce décret ne porte comme mention que : « Le Général Mohamed Ould Abdel Aziz ». Point barre.
D’un point de vue juridique, cela ne signifie qu’une chose c’est que le décret en question émane du citoyen Mohamed Ould A bdel Aziz, agissant en sa qualité de Général », et non en sa qualité de « Président du Haut Conseil d’Etat ».
En conséquence, en vertu de la « constitution » militaire (ordonnance constitutionnelle), ce décret du Général Mohamed Ould Abdel Aziz comme il est intitulé lui-même n’engage absolument pas la nouvelle institution militaire et, a fortiori les parlementaires et les citoyens mauritaniens.
Le décret n’est pas « nul » mais inexistant au plan du droit. Dès lors, à moins d’être « rectifié » pour être en conformité avec le nouvel ordre constitutionnel militaire, il ne produira que les effets qu’impose « la force des choses » du « maa qaadiili vi chi ! »
Me Lô Gourmo Abdoul
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