Scène ubuesque que cette image offerte sur le bord de la route du Port de l’Amitié : des femmes se confondant avec le décors gris de l’asphalte disputent avec des chèvres des grains de blé qui s’échappent des camions. Il est vrai que tous les mauritaniens ne vivent...
...pas de bonne chére mais de là à vivre au gré du vent…
C’est un matin comme tous les matins, et elles sont au rendez-vous. Du port de l’Amitié jusqu’aux entrepôts de SOMAGAZ, tout le long de cette zone industrielle, Oum Kelthoum, Aichetou et les autres sont installées au bord de la route du Port. Celle là même que des camions branlants empruntent toutes les heures. Les voitures, certaines chargées de grains de blé, laissent tomber quelques céréales que le vent charrie sur le bas-côté. Les femmes sont habillées pour la plupart de haillons, le visage masqué. Elles disposent chacune d’un matériel rudimentaire fait d’un balai, un tamis, deux ou trois bassines, des emballages vides ainsi qu’un bidon d’eau. Elles s’activent à assembler les grains mêlés de sable. Des chèvres, par bandes entières lorgnent également sur cette manne providentielle et esquivent de temps à autres des projectiles venus de leurs concurrentes. Très réticente sur le sujet de leur activité, Oum Kelthoum consent à donner quelques éclairages sur ce tableau surréaliste : « Personnellement, je vis de cette activité depuis 5 ans. Nous habitons ces tentes que vous voyez là -bas et nous venons tous les matins travailler ici jusqu’à 16 heures. L’activité consiste à recueillir les grains qui tombent des camions, nous les tamisons pour avoir un mélange de grains et de sable. Nous les transportons à la maison pour les laver et séparer les grains du sable. La dernière étape est la mise en sac. Quotidiennement, nous arrivons à remplir un sac de blé par personne et par jour. » Sur cette partie peu habitée de la ville de Nouakchott, le vent est toujours omniprésent. Les organismes livrés aux éléments portent des stigmates très évidents. C’est à peine si on fait la différence entre les épaves de toutes sortes et les silhouettes de ces galériens des temps modernes. Aichetou qui jusque là avait refusé de communiquer d’ajouter : « Ce travail ingrat, je n’ai aucune honte à le faire. Je me nourris de ce don de Dieu, je gagne 3000 um sur un sac vendu. Ceci est mieux que de s’adonner à l’illicite. J’aurai pu m’habiller, porter mon sac et aller courir les rues de Nouakchott, j’aurai eu beaucoup d’argent, j’aurai pu demander l’aumône, j’aurai pu regarder avec envie ce que les autres ont et que j’ai pas. Mais tout ça, Dieu m’en a préservée et je l’en remercie. » En fait, au-delà de ces entretiens, c’est que malgré toute la fierté que peuvent afficher ces dames et toutes les explications fournies pour faire paraître cette activité comme banale, on ne peut rester que pantois devant une telle déchéance. En effet, dépendre des secousses d’un camion et de rafales de vents pour récolter quelques grains de blés ici à Nouakchott pour vivre est insupportable. La Mauritanie n’est certainement pas un pays d’abondance mais découvrir que des concitoyens soient arrivés aux mêmes chances de survie que des petits ruminants vous f… le blues. Biri N’Diaye

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