Affaire permis minier Sophosma: Un scandale? par Ali Chems   
30/04/2010

Ce papier constitue une continuation (spirituelle !) de l’excellent article posté avant-hier sur le web, écrit par M. A.B.O.Amar dans lequel cet Auteur apporte des éclairages fort utiles sur l’affaire qui secoue actuellement la scène économique mauritanienne. Notre propos n’est pas d’en rajouter au travail effectué par M. Ould Amar, mais d’attirer l’attention de tous les responsables ...



...politiques et économiques du pays sur certaines incohérences (ou manipulations !) intervenues fin 2008 lors de l’élaboration...du Décret d’application de la loi minière du pays promulguée en avril 2008.

 Nul besoin de rappeler l’importance stratĂ©gique du secteur minier pour un pays comme le nĂ´tre oĂą la principale chance de sortir de la misère rĂ©side dans la mise en valeur de nos ressources enfouies dans le sous-sol.

Cette chance ne saurait être saisie que si les Pouvoirs publics –et les autres acteurs économiques- savent mettre en place les outils et mécanismes de nature à susciter l’intérêt des opérateurs privés internationaux.

Nos capacités économiques propres sont en effet loin de pouvoir réaliser les investissements colossaux indispensables pour l’exploitation de nos ressources minérales.

C’est ainsi que les Pouvoirs publics se sont attelés sur les quinze dernières années à créer un climat attractif pour les investisseurs étrangers afin de rendre le pays compétitif par rapports à ses nombreux concurrents, généralement mieux outillés. Dans cette quête, l’amélioration du cadre légal et réglementaire des affaires a toujours été l’outil central ; tant agir sur les autres facteurs structurels est autrement plus difficile. Le secteur minier, de par ses potentialités et ses atouts, a été la cible prioritaire de l’action des Pouvoirs publics dans leur action visant à attirer les investisseurs étrangers, et la Banque Mondiale a eu à jouer un rôle crucial aux côtés du gouvernement dans cette entreprise louable et nécessaire.

C’est ainsi que le cadre légal a été rénové et développé grâce à l’action du projet PRISM dans ses différentes phases.

Les réalisations du PRISM furent bien plus nombreuses. Parmi les dernières actions dans ce sens, il y eut la refonte du code minier de 1999 afin de l’adapter aux exigences et aux enjeux de la mondialisation ; pour ainsi améliorer l’attractivité du pays aux yeux des investisseurs.

Sur ce plan, les incitations et les garanties de tous ordres offertes aux investisseurs bénéficièrent d’une attention particulière de la part des Pouvoirs publics. Il va sans dire que le cadre légal ne saurait suffire à lui seul ; il doit être complété par des outils réglementaires transparents, et être soutenu par l’action d’une Administration publique compétente et intègre.

Et le hic est là ! En effet, depuis que l’actuel ministre des mines ’’a pris les commandes’’ de ce Département stratégique, les choses commencèrent à se gâter. Tous ceux qui travaillent au sein de ce Département –ou qui en sont usagers- peuvent bien en témoigner. Désormais, les procédures sont ignorées et l’organisation administrative du travail a totalement disparu.

Les Directions centrales qui constituent le socle de tout département ministériel sont vidées de leur sens.

Il est vrai que le Ministre a pris bien soin de les garnir par du personnel que rien ne préparait à assumer de telles responsabilités. Personne ne sait plus faire la différence entre ’’le cabinet du Ministre’’ et l’Administration centrale du Département, tant les genres et les rôles sont mélangées.

Pour aspirer au moindre avantage et aux égards, il faut accepter de s’adonner à ce jeu malsain et contraire à toute déontologie administrative.

Plusieurs facteurs expliquent cet état des faits, dont le plus important est certainement l’inexpérience de son excellence Monsieur le Ministre dans tout travail gouvernemental.

 L’intĂ©ressĂ© a en effet passĂ© le plus clair de sa vie professionnelle dans les ateliers de la SNIM ; oĂą son diplĂ´me d’ingĂ©nieur lui confère une bonne adĂ©quation formation/emploi.

En revanche, le travail gouvernemental de haut niveau requiert une panoplie de connaissances et de méthodes beaucoup plus subtiles et abstraites. Pour le secteur minier où les enjeux sont énormes, un bon bagage juridique doublé d’un sens aigu de l’opportunité constitue le préalable à toute réussite professionnelle.

Sans parler bien sûr des obligations naturelles –et impératives, selon nos lois- de tout haut responsable public placé à la tête d’une Administration : courtoisie, neutralité, sens de la continuité de l’Etat, respect du droit et de la légalité, transparence…etc.

Les dĂ©gâts sont lĂ  

Pour revenir à l’objet spécifique de notre propos, notons qu’à son arrivée fin 2008 à la tête de ce département ministériel, l’une des priorités majeures étaient de rendre opérationnel le nouveau code miner promulgué en avril.

Il fallait donc finaliser le décret général d’application de ladite loi et ce fut l’occasion pour certains ’’apprentis juristes’’ d’ajouter leurs touches au travail professionnel effectué par les Consultants recrutés à cet effet. Et le décret 159/2008 du 4 novembre 2008 est sorti avec des dispositions nouvelles aberrantes et contraires à l’esprit et à la lettre de la loi d’avril 2008 dont il est censé –seulement !- préciser les modalités d’application.

Voyons cela : La déchéance du titulaire des droits découlant d’un permis d’exploitation clairement prévue à l’article 57 du Code de 1977 n’est reprise ni par le Code de 1999 ni par celui de 2008.

Cela est bien compréhensible lorsqu’on garde à l’esprit la volonté du législateur mauritanien visant la promotion du secteur minier afin d’attirer les investisseurs en leur offrant le plus de garanties possibles.

Disposer d’un permis d’exploitation minière est effet synonyme d’un engagement de long terme dans un investissement coûteux et risqué. C’est pourquoi d’ailleurs le permis d’exploitation minière est délivré pour une durée de trente (30) ans renouvelable.

Et pourtant le décret 159/2008 est venu –au niveau du titre IV, relatif aux procédures concernant les permis d’exploitation- dicter des règles que la loi minière n’avait nullement prévu : On y trouve en effet une procédure apocryphe dite ’’annulation du permis d’exploitation’’.

Or, tout lecteur avisé peut lire et relire la loi minière d’avril 2008 et il n’y verra jamais cette mention. Il n’existe pas de disposition légale qui prévoit l’annulation du permis d’exploitation.

Les seules mentions relatives à la suppression des droits miniers liées à un permis d’exploitation sont celles relatives à ’’son abandon’’ ou à ’’son extinction’’ à la fin de sa validité.

Mais à aucun endroit, il n’est fait mention d’une provision discrétionnaire permettant à l’Autorité minière d’annuler un permis d’exploitation. Notre propos ne vise pas le permis de ’’petite exploitation’’, pour qui une procédure de déchéance est bien prévue à l’article 56 du Code minier de 2008.

Comment en est-on arrivé là !

Le lecteur avisé peut se reporter au décret d’application du Code de 1999, et il y verra au niveau du titre IV –similaire à celui de novembre 2008- la source de la ’’manipulation’’ observée dans le décret actuellement en vigueur. En effet, le décret n°99/160 relatif aux titres miniers comporte en son titre IV des dispositions touchant aux procédures suivantes :

(i) l’octroi,

 (ii) le renouvellement,

(iii) la mutation et l’amodiation,

(iv) la résiliation

et (v) l’extinction.

En revanche le décret de novembre 2008 –qui est l’équivalent de celui n°99/160- comporte en son titre relatif aux procédures sur les permis d’exploitation des dispositions touchant :

(i) l’octroi,

(ii) le renouvellement,

(iii) l’extension et la réduction,

(iv) la fusion,

(vi) la mutation, l’amodiation et l’hypothèque,

(vii) l’exécution des hypothèques,

(viii) la résiliation, (ix) l’extinction, et

(x) la suspension et l’annulation.

On y voit donc une avancée technique pour encadrer les transactions financières ; mais on y voit surtout une invention nouvelle : l’annulation du permis ; qu’on a pris soin d’atteler à la procédure de suspension… ! Et pourtant le législateur n’a pas demandé –ni prévu- cela.

Pour y voir clair davantage, examinons la teneur de l’article (apocryphe) n° 115 : Le Ministre peut, sur avis motivé de ses services techniques, en cas de manquement grave aux dispositions du Code Minier par le titulaire, suspendre les activités à l’intérieur d’un permis d’exploitation et, si les défauts ou anomalies détectées ne sont pas corrigées dans les délais indiqués au détenteur, l’annuler définitivement.

L’annulation du permis pourra intervenir dans les cas suivants : - si les travaux d’exploitation minière, conformément à l’article 47 de la Loi minière, n’ont pas démarrés dans les vingt quatre (24) mois à compter de la date d’octroi du permis d’exploitation, ou si ce délai a été prolongé par le Ministre moyennant le versement des droits y afférents qui n’ont pas été versés; - le non paiement aux délais prévus de la taxe superficiaire annuelle. On aurait dû se passer de commenter cela.

Mais la chose est si grave qu’il nous faut en dire quelques mots : On y parle d’avis technique motivé ; on nous dit aussi qu’on peut suspendre les activités à l’intérieur du périmètre du permis d’exploitation ; il y a en outre mention de ’’défauts, d’anomalies détectées et de leur correction.

Le lecteur voit qu’on est bien sur un chantier d’activités minières avec des procédés sophistiqués et autres engins qui portent préjudice au milieu physique ou à l’environnement.

Et pourtant le décret vient nous dire juste après que : l’annulation du permis pourra intervenir dans les cas suivants :

- si les travaux d’exploitation minière, conformément à l’article 47 de la Loi minière, n’ont pas démarrés dans les vingt quatre (24) mois à compter de la date d’octroi du permis d’exploitation,

ou si ce délai a été prolongé par le Ministre moyennant le versement des droits y afférents qui n’ont pas été versés;

 - le non paiement aux dĂ©lais prĂ©vus de la taxe superficiaire annuelle.

Alors ici, on sort du chantier et des gros engins pour verser dans tout autre chose. Il est évident que l’auteur de cet article du décret n’avait pas bien prêté attention à son travail… et que la manipulation est flagrante !

On n’a comme l’impression que les dirigeants actuels du Département chargé des mines se sont retrouvés frustrés par le texte de la loi minière qui –en bon texte responsable et protecteur pour les investisseurs- avait verrouillé le cadre légal des affaires dans ce secteur.

Et pour avoir les coudées franches afin de pouvoir brandir les menaces à l’égard des opérateurs miniers, le Ministère des mines n’y est pas allé par le dos de la cuillère ! Ses fonctionnaires ont bien saboté le droit minier de notre pays.

Sauf à croire que ces fonctionnaires ne savent pas les limites du Pouvoir exécutif par rapport à celui législatif…. ! Ou qu’ils ne savent pas les relations qui devraient exister entre un décret d’application et sa loi-mère.

Rappelons ici que les conflits au sujet de ce qui relève du domaine de la loi ou du domaine réglementaire sont bien présents dans la vie républicaine. Et notre Constitution (révisée) en avait anticipé les conséquences à travers l’article 57.

Les griefs sont plus nombreux : La revue du décret de novembre 2008 montrerait certainement davantage de lacunes. Elle est urgente à notre sens afin de réhabiliter notre droit minier.

On peut citer parmi ces lacunes, l’absence dans ledit décret de dispositions relatives à la suspension ou à l’annulation du permis de recherche, que l’article 24 de la loi minière d’avril 2008 avait expressément prévues. Alors, Mesdames, Messieurs les parlementaires, levez-vous !

 

Les opinions et avis exprimĂ©s dans ce courrier n’engagent pas nĂ©cessairement   TAHALIL. Ils engagent  leur(s) auteur(s).


Toute reprise totale où partielle de cet article doit inclure la source : www.journaltahalil.com
Commentaires
babbah
babbah69@gmail.com
2010-05-04 11:34:10

n’oubliez surtout pas que ce ministre a un serieu probleme avec 5 element de la police miniere qu il avais recrutés avant 8 mois et qui n ont jamais etaient payer....

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