Mauritanie : sur le chantier de l’assurance agricole   
26/10/2015

A la faveur de la mise en œuvre de quelques projets pilotes ayant connu une réelle réussite, le concept de l’assurance agricole indicielle gagne du terrain dans le Maghreb et en Afrique de l’Ouest. Le Maroc (PMV), Mali (coton, mais), Burkina Faso (coton mais) et Sénégal (arachide et mais).



Il s’agit d’un système à travers lequel « les indemnisations ne reposent pas sur des évaluations directes, mais sont plutôt basées sur des indices climatiques et de rendement agrégés pour les rendre moins onéreux ». Ce qui en fait un outil de développement, selon les avis concordants des spécialistes.

Une tendance Ă  laquelle est dĂ©sireuse dĂ©sormais  de s’inscrire la Mauritanie. Ainsi, après une Ă©tude pour la crĂ©ation d’un mĂ©canisme d’assurance agricole rĂ©alisĂ©e  en 2014, le gouvernement  rendra effective cette option stratĂ©gique au cours des prochains mois.

Pour la mise en place de la structure opĂ©rationnelle, le  choix des  autoritĂ©s de Nouakchott devrait s’opĂ©rer entre deux (2) formules : une entitĂ©  Ă  capitaux publics, ou une sociĂ©tĂ© d’économie mixte.

Objectif assignĂ©e Ă  la future compagnie d’assurance spĂ©cialisĂ©e dans le domaine agricole, offrir « une formule susceptible de couvrir les pertes d’exploitation enregistrĂ©es au niveau des cultures irriguĂ©es en cas de sinistre. Cette couverture sera systĂ©matique et proportionnelle aux dĂ©gâts subis par chaque assurĂ© » explique Mohamed Lemine Ould Naty, directeur du contrĂ´le des assurances au Ministère du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat.  Le secteur agricole en Mauritanie souffre de la faiblesse du niveau des financements. Il est Ă©galement caractĂ©risĂ©  par une forte vulnĂ©rabilitĂ© du fait de son  exposition aux invasions aviaires, aux  canards sauvages, aux oiseaux granivores, aux inondations et aux rongeurs.

Des menaces qui reprĂ©sentent  une vĂ©ritable hypothèque sur le chemin d’une modernisation plus poussĂ©e et de l’objectif de  diversification, en dĂ©pit des efforts des pouvoirs publics en direction de la filière.

Sur la base de ces différents éléments le gouvernement est résolu à mettre en place un système de couverture des risques des opérateurs à travers l’assurance agricole.

Mme Naha Mint Mouknass, Ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’artisanat, dont le dĂ©partement exerce la tutelle sur le secteur des assurances, a rĂ©uni  toutes les compagnies du pays le 11 aoĂ»t 2015,  pour recueillir les avis par rapport Ă  la rĂ©alisation du projet dĂ©gager une  perspective  de participation au  capital de la future  compagnie d’assurance agricole.


Les compagnies d’assurances : entre avis mitigés et prudence

Après la rĂ©union avec Mme Mint Mouknass, les 13 compagnies privĂ©es  prĂ©sentes sur le marchĂ© national ont consignĂ© leurs  diverses rĂ©actions dans un document.

« Des avis mitigĂ©s, puisque chaque sociĂ©tĂ© raisonne en fonction de sa stratĂ©gie, ses objectifs et  ses capacitĂ©s techniques et financières » explique le collectif des assureurs.

Cependant, en dĂ©pit de la diversitĂ© des approches  les opĂ©rateurs du secteur «sont unanimes Ă  reconnaĂ®tre l’opportunitĂ© et la pertinence d’un tel projet qui comporte plusieurs avantages et effets induits : sĂ©curisation des investissements, amĂ©lioration de la productivitĂ© et accroissement de la production, augmentation des revenus des populations et rĂ©duction de la pauvretĂ©, dĂ©veloppement d’un nouveau concept et d’un nouveau produit pour l’assurance, rĂ©duction de la vulnĂ©rabilitĂ© des agriculteurs, promotion de la croissance Ă©conomique dans les rĂ©gions ».

Par ailleurs, les assureurs mauritaniens relèvent « l’expérience réussie du Sénégal, ainsi que celle d’autres pays de la sous région dans le domaine de l’assurance agricole, qui conforte certaines compagnies dans leur avis favorable par rapport au projet.

Cependant, ces sociétés, bien que globalement réceptives au principe, tiennent compte de la spécificité du contexte mauritanien ».

Celui-ci comporte de nombreuses faiblesses : inexistence d’une réglementation en la matière, insuffisance du contrôle de l’Etat, absence d’une culture de l’assurance, faiblesse des revus et du niveau de vie des populations cibles, inexistence d’un personnel qualifié et professionnel.

Face Ă  cette situation, certaines compagnies d’assurances prĂ©conisent « une Ă©tude de faisabilitĂ© plus approfondie pour Ă©tablir la pĂ©rennitĂ© et la rentabilitĂ© du projet, l’identification des risques assurables, la mise en place d’une tarification des mĂ©canismes d’indemnisation, le choix du mode de gestion de la couverture-soit directement par les assureurs, ou en partenariat avec l’Etat ». En  cas de  gestion publique « l’Etat prend  directement en charge  la couverture ».

Dans le  système semi public « les modalitĂ©s d’intervention et de participation de l’Etat, ainsi que des autres intervenants, seraient prĂ©alablement dĂ©finies ».

Alors qu’à travers  l’option d’une gestion privĂ©e « chaque sociĂ©tĂ© pourrait intervenir directement en fonction de ses capacitĂ©s propres ».


 L’expĂ©rience des voisins

DĂ©sireuses de l’inspirer de l’expĂ©rience des autres, les autoritĂ©s mauritaniennes ont dĂ©pĂŞchĂ© une dĂ©lĂ©gation au Maroc, pays  disposant  d’un système d’assurances agricoles depuis plusieurs annĂ©es.

Une mission composĂ©e de Mr Mohamed Lemine Ould Naty, Directeur du contrĂ´le des assurances au Ministère du Commerce, de l’Industrie et de l’artisanat et  Dossou Sidi Mohamed, chargĂ© de mission au Ministère de l’Agriculture.Les missionnaires mauritaniens ont visitĂ© l’Agence pour le DĂ©veloppement Agricole et constatĂ© « des avancĂ©es majeures rĂ©alisĂ©es dans ce domaine. Nous avons surtout pris connaissance de l’approche adoptĂ©e par le Plan Maroc Vert (PMV) pour rendre opĂ©rationnel le concept de l’assurance agricole, maillon important dans  le dĂ©veloppement du secteur » explique Mr Naty.

Les opportunités d’investissement et les principales mesures d’accompagnement adoptées par le Royaume ont fait l’objet d’un large examen à l’occasion de ce voyage.

Signalons qu’au Royaume, la  Mutuelle Agricole Marocaine de l’Assurance (MAMDA)-garantit les risques agricoles.Au SĂ©nĂ©gal, un autre pays frontalier de la Mauritanie, existe Ă©galement la CNAAS, une compagnie d’assurance spĂ©cialisĂ©e dans la couverture des risques agricoles, créée en juillet 2008 et dont le capital est dĂ©tenu par l’Etat, les compagnies d’assurances et de rĂ©assurances et des privĂ©s nationaux.


Une option stratégique

Le secteur agricole occupe 62% des activitĂ©s de la population rurale en  Mauritanie et reprĂ©sente 14,8% du Produit IntĂ©rieur Brut (PIB) du pays. Il est Ă©galement le premier pourvoyeur d’emplois avec 60% des actifs potentiels, selon les chiffres officiels expliquant l’enjeu de la crĂ©ation d’une assurance agricole.

Le pays dispose de 513.000 hectares de terres  dont 135.000 hectares dans l’irriguĂ© (sur le fleuve SĂ©nĂ©gal).Le système de production par l’irriguĂ© se fait suivant 2 mĂ©thodes : irriguĂ© en maĂ®trise totale de l’eau et la culture des terres après la dĂ©crue naturelle (Walo).

Tous ces paramètres justifient amplement le principe de la  mise en chantier d’une assurance agricole. Cependant, les pièges, peaux de bananes et chausses trappes ne manquent pas sur le long chemin de la rĂ©ussite d’une expĂ©rience dont la reconnaissance du caractère vital est unanime.

 

Amadou Seck Ă  Nouakchott


Source : financialafrik.com


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