Mercredi, après seulement trois jours de discussions, la Coordination de l’opposition démocratique (COD) a suspendu sa participation au dialogue avec le pouvoir en Mauritanie. Un dialogue inédit, après un blocage politique de quatre ans.
En cause, un désaccord sur la date de la tenue des élections législatives et municipales, reportées plusieurs fois et actuellement prévues pour le 23 novembre 2013. Quel est l’avenir de ce dialogue ? L’opposition acceptera-t-elle de participer à ces élections ? Eléments de réponse avec Ahmed Ould Daddah, le président de la COD, au micro de Florence Morice.
RFI : La coordination de l’opposition démocratique a décidé de suspendre son dialogue avec le pouvoir, trois jours seulement après le début de ce dialogue. Pour quelle raison ?
Ahmed Ould Daddah : Cela fait deux ans que nous n’avons plus un Parlement légal et du jour au lendemain le pouvoir décide de convoquer des élections. La procédure qu’il a utilisée était méprisante. La délégation qu’il représentait a présenté un petit bout de papier, dans lequel il était dit que la Coordination de l’opposition va participer à des élections qui seraient reculées de deux semaines. Cette proposition en elle-même est, en quelque sorte, une provocation, parce que la question n’a jamais été le délai des élections, mais de voir les conditions démocratiques dans lesquelles devraient se dérouler ces élections.
Est-ce que vous croyez Ă ce dialogue ?
Nous avons beaucoup de doute sur la volonté politique de dialogue de ce pouvoir. Et malheureusement, il ne nous a pas déçus. Il a été méprisant. Il voulait nous mener comme une unité militaire. Et il a mis fin rapidement lui-même par son agissement, à cette première phase dialogue. Et le secrétaire général des Nations unies, apparemment est très mal informé puisqu’il a félicité le gouvernement mauritanien pour son ouverture à l’opposition. Je veux bien croire que le secrétaire général des Nations unies voulait peut-être encourager le gouvernement mauritanien à aller à un vrai dialogue. Pour ce qui nous concerne, nous n’avons jamais renoncé au dialogue, nous ne renoncerons jamais au dialogue, parce que c’est la seule voie fiable. Nous ne voulons pas suivre ce gouvernement sur la voie par laquelle il mène le pays vers le chaos.
Quelles garanties attendez-vous ?
Nous avons connu, avec ce régime, beaucoup de passe-droits et beaucoup de manipulations des élections. Ce que nous voulons c’est que les élections respectent la volonté des électeurs, que chaque voix soit enregistrée comme telle, et que des voix ne soient pas passées à la trappe, comme cela arrive, et qu’on ne nous crée pas des bureaux mobiles et des électeurs fantômes.
Si ces conditions ne sont pas réunies vous boycotterez ?
Bien entendu ! Je parle ici au nom du Rassemblement des forces démocratiques. Nous avons été trop souvent malmenés par des élections qui n’ont de démocratique et de transparent que le nom. Nous aujourd’hui, nous sommes décidés à aller seulement dans des élections qui soient consensuelles, dans lesquelles les voix sont comptées. Dans lesquelles aussi, les pouvoirs publics n’abusent pas des ressources publiques. Ce sont des propriétés de la collectivité nationale dans son ensemble et elles ne doivent pas être des outils de manipulation de l’électeur.
La Coordination de l’opposition est un peu divisée sur cette question. Est-ce que la COD pourrait se fissurer ?
La Coordination est d’accord sur les conditions de transparence. Maintenant, il se peut que tel ou tel parti, tout en continuant à exprimer son attachement aux conditions en question, veuille aller dans des élections pour des raisons qui le concernent. Pour le moment, la Coordination de l’opposition dans son ensemble reste unanime, sur la nécessité d’élections honnêtes, transparentes et aux conditions consensuelles.
Cela signifie que si les conditions n’évoluent pas vous n’irez pas non plus à l’élection présidentielle ?
Toutes les élections doivent obéir aux mêmes règles. Et dans le cas de la Mauritanie, qui est sous un régime militaire depuis 1978, il est essentiel que nous arbitrions nos différences par des processus démocratiques. Autrement, il risque d’y avoir ce qui se passe ailleurs, et malheureusement, dans notre sous-région que cela soit arbitré par la violence et par l’instabilité. Je dis ça, en étant le chef d’un parti qui a toujours été pacifique, mais en même temps, conscient des risques que nous courons et conscient aussi que nous sommes dans une zone où malheureusement la violence a fait très souvent parler d’elle.
Je repose ma question : si les conditions restent celles qu’elles sont, irez-vous à l’élection présidentielle ?
Il y va de l’élection présidentielle exactement comme des élections législatives et municipales. Si les conditions de transparence ne sont pas réunies, l’élection n’a pas de sens.
Comment, dans ce cas, espérez-vous peser sur la vie politique de votre pays ?
Nous faisons ce que font les partis démocratiques. C’est-à -dire que nous nous exprimons par des déclarations, par des déclarations, par des manifestations pacifiques, et nous continuerons à utiliser tous les moyens démocratiques, pour arriver à des élections honnêtes, libres et transparentes.
Par Florence Morice
Source : rfi.fr
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