D’accord pour les hospices, mais point de suffrages   
19/06/2013

Les derniers propos du président Aziz, tenus sur la chaîne de télévision France 24, ont convaincu les acteurs politiques mauritaniens, que le choix des urnes est non seulement irréversible, mais qu’il est imminent dans son volet législatif et municipal. L’on se rappelle que...



...c’est l’opposition actuelle, lorsqu’elle était unie, qui avait réclamé, par écrit, le report du renouvellement du tiers des membres du sénat, dans le but, avançait-elle à l’époque, de favoriser la tenue d’un dialogue politique national inclusif.
La suite des évènements, a fini par prouver qu’elle avait en réalité deux objectifs essentiels : maintenir l’illusion d’une « crise politique » et se procurer le temps nécessaire à la mise en place de la version mauritanienne du « Printemps arabe ».
Pour certains vieux leaders mauritaniens, cette pseudo-crise ne prendra fin que lorsqu’ils auront eux-mêmes accédé à la magistrature suprême, via les urnes ou par n’importe quel biais, fut-il risqué pour l’existence du pays et antidémocratique de surcroit ! Ils ne participeront aux élections que lorsqu’ils seront sûrs qu’ils ont gagné sur le papier...
La tenue d’un dialogue politique « sans tabou », en octobre-novembre 2011, a représenté un premier échec pour l’opposition, car il a réenclenché sa sempiternelle scission, du reste vieille du début du processus démocratique, au début des années quatre-vingt-dix ; ainsi à la veille de chaque scrutin clé pour le pays, l’opposition mauritanienne étale au grand jour ses carences d’encadrement politique.
Ce fut le cas en 1993, face à une dictature sans nom, ce fut aussi le cas lors des élections présidentielles transparentes de 2007 et de 2009, et c’est à présent le cas, en perspective d’élections gérées de A à Z, par une CENI consensuelle, totalement indépendante des partis politiques et de l’administration publique. La classe politique vieillissante de l’indépendance a régulièrement bloqué l’évolution démocratique du pays, de par le passé, pour des calculs puérils et dangereux, et en raison d’un déficit de conscience nationale. Aujourd’hui, cette classe politique est plus déboussolée que jamais, plus aigrie que jamais et plus défaitistes que jamais, et donc plus dangereuse pour l’avenir du pays. Quand l’un de ses leaders parle des « larmes électoralistes » de l’un de ses compagnons et que l’autre réplique en évoquant les « airs déplacés d’aristo complexé », l’on comprend que le camp de l’espoir ne peut se situer de ce côté-là de l’échiquier politique.
Dans les pays à vieille tradition démocratique, quand un homme politique échoue électoralement, il en tire immédiatement et dignement les conclusions, pour favoriser le renouvellement de la classe politique et pour prendre le temps de réfléchir et de revenir éventuellement avec de nouvelles idées et une nouvelle approche.
Dire aux Mauritaniens d’aujourd’hui qu’un cénacle d’anciens ministres de feu Mokhtar Ould Daddah, comme Ahmed Ould Sidi Baba, Ahmed Ould Daddah, Ba Mamadou Alassane, même adossés à ceux de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, comme Messoud Ould Boulkheir, Boidiel Ould Houmeid, Dah Ould Abdel Jelil, dire aux Mauritaniens qu’un tel « matériel humain », peut incarner le…printemps, l’avenir de la jeunesse, l’idéal démocratique, bref l’espoir, c’est se moquer du bon sens de ces Mauritaniens ou les prendre pour des amnésiques invétérés.
En Mauritanie, la vieille classe politique de l’indépendance s’incruste et se radicalise davantage, au grès des échecs électoraux récurrents ; elle en est encore à digérer l’échec incompréhensible de 1992, à encaisser le choc émotionnel de la défaite de 2007 et à se remettre de la bérézina de 2009 ; elle se fera enterrer politiquement, lors des prochaines échéances électorales, qu’elle y participe ou pas.
Son état d’esprit désespéré, explique les accents dépressifs et haineux de ses leaders, il explique également leurs grands errements en terme de stratégie d’accès au pouvoir ; un piètre « héritage politique » dont ce pays et ses générations futures auraient bien pu se passer… En effet, prendre part aux négociations de Dakar, participer aux élections de 2009, reconnaitre leurs résultats, réclamer un nouveau dialogue politique, le boycotter une fois convoqué, s’inscrire dans la logique du printemps arabe, y échouer pitoyablement, promouvoir la vulgarité verbale, en empruntant systématiquement au lexique de l’insulte et de la calomnie dans le discours public, fomenter un coup d’état en tablant sur le seul miracle de la rumeur, abuser de la « boîte à outils » des « scandales bidons » du genre « Ghanagate » et promettre publiquement de diffuser des enregistrements vidéos accablants pour le pouvoir, mais qu’aucun Mauritanien n’a encore vus, fureter dans la vie privée des personnalités publiques à la recherche de propositions pour l’avenir du pays, jurer devant l’éternel de ne pas participer aux futures élections, tout en les préparant subrepticement, exiger un gouvernement d’union pour superviser les élections en lieu et place d’une CENI consensuelle et pour gérer le pays, alors qu’entre eux, les dirigeants de la COD ne sont d’accord sur presque rien, au risque d’instaurer la chienlit au cœur des administrations publiques et de provoquer leur délitement, voilà de quoi ébranler la confiance des opposants les plus résolus.
Le principal problème de l’opposition radicale mauritanienne est un problème de gouvernance politique ; il ne verra un début de solution qu’à la faveur de la mise à la retraite politique des vieux activistes qui accaparent tous les leviers de cette opposition, en ce moment.
La démocratie a bien besoin d’une opposition, pas d’une inertie générationnelle ; que reproche-t-on aux vieux dictateurs arabes et africains, si ce n’est de s’agripper instinctivement au pouvoir ? Quel est le seul vieux politicien mauritanien qui a accepté de céder les rennes de son parti à plus jeune que lui ? Aucun… Si –qu’à Dieu ne plaise- il arrivait que l’un d’eux accède au pouvoir suprême, il s’y agripperait encore plus avidement qu’à la direction de son parti, et exposerait ainsi le pays, pas seulement à un « Printemps arabe », téléguidé de l’étranger et pourvoyeur de violence civile à grande échelle, mais à une authentique révolution qui en sonnerait le glas, au grand dam de l’ensemble de ses habitants.
Ce que les citoyens de ce pays ont de mieux à offrir aux dirigeants actuels de l’opposition, ce n’est pas de leur accorder des suffrages dont ils ne sont plus en mesure de faire bon usage, mais d’aider leurs familles respectives à les prendre matériellement et psychologiquement en charge, ou, à défaut, de leur construire des hospices à l’occidental, pour y écouler sereinement leurs derniers jours…
Cheikh Elwely

 


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