C’est officiel et la conférence des présidents du FNDD qui s’est réunie le 14 juin à Nouakchott, en a été informée en fin d’aprés-midi: les islamistes lancent dans la course de la présidentielle du 18 juillet, leur président Jemil Ould Mansour. La décision a été prise lors du conseil national de Tawassoul tenu le 13 juin.
"Le conseil national avait deux choix: appuyer une candidature unique du FNDD ou opter pour une candidature interne de Tawassoul. La majorité des membres du conseil a pris l’option d’investir le président du parti tout en conservant une coordination avec les forces du changement", a indiqué le porte-parole de Tawassoul.
Les islamistes mauritaniens (de l’école centriste et modérée des «Frères Musulmans») qui ont obtenu il y a deux ans, un cadre politique: le Rassemblement National pour la Reforme et le Développement ( RNRD-Tawassoul en arabe) vont donc se lancer dans la présidentielle de juillet 2009 avec un candidat issu de leurs rangs .
C’est la première fois qu’un candidat islamiste se présente à une élection présidentielle en Mauritanie. Par le passé, les islamistes avaient milité dans l’UFD et le RFD, soutenu la candidature de Ould Haidalla en 2003 avant de fonder leur propre parti:Tawassoul, aprés avoir soutenu en mars 2007, le président du Hatem Saleh Ould Hannena. Plus deux années après, les islamistes s’affranchissent des sentiments et des tutelles et se lancent dans la course sous la houlette de Jemil Ould Mansour . Un choix qui intervient aprés 15 années de luttes qui ont débuté avec la recherche de la reconnaissance en 1992 d un cadre légal à leur action à travers le parti "Oumma", et plus tard, les premières interpellations dont ils furent l’objet en septembre 1994 quand ils avaient été accusés de planifier la mise en place d’un bras armé « le Hassem », accusation qui s’est révélée, infondée.
Avec cette candidature, les islamistes poursuivent leur longue marche vers la reconnaissance et probablement la consécration. Présents à l’Assemblée nationale et au Sénat depuis 2006 sous des candidatures independantes, ils sont finalement venus à bout de l’irascibilité de Ould Taya, du blocage de leur reconnaissance par la transition de 2005 poursuivant leur longue marche et transformant souvent leurs déconvenues en victoires médiatiques et politiques. En mai 2003, les islamistes furent l’objet d’une vague de répression qui prit fin en août 2003, pour resurgir par la suite. A l’époque, les autorités les avaient accusé d "’utilisation des mosquées en vue de l’embrigadement de jeunes pour des menées subversives", mais aussi de " connexions avec les milieux terroristes et extrémistes à l’étranger". Placés en détention préventive durant un mois leurs dirigeants furent présentés à la justice le 3 juin 2003 et inculpés pour "complot contre la sécurité intérieure et extérieure du pays", "complot contre l’ordre constitutionnel" et "appartenance à des associations illégales". Ils ont été écroués le 3 juin 2003 à la prison de Beila. Mais quelques jours après, il y eut la tentative de putsch du 8 juin 2003. Les islamistes sortent de cette prison dans le tohu- bohu et la regagnent le 11 juin 2003, quand la situation s’était calmée. Seul, Jemil Ould Mansour avait manqué à l’appel. Par contre, tous les autres prévenus avaient regagné leurs cellules, d’où ils sortiront le 25 août 2003. Après un exil Bruxellois, Ould Mansour reviendra au pays quelques mois plus tard, se fera prisonnier, avant d’être remis en liberté. Dans un élan de décrispation qui allait d’ailleurs bénéficier au leader du Front populaire M. Chbih Ould Cheikh Mélainine, la liberté provisoire, était accordée le 25 aout 2003 à tous les prévenus islamistes. Mais ces derniers la refusent au début, exigeant l’annulation des poursuites lancées contre eux, avant d’être contraints de sortir de leur prison. Sortis de prison, les islamistes se lanceront dans la campagne électorale de 2003 en apportant leur soutien massif à l’ex-président Mohamed Khouna Ould Haidalla. Après la présidentielle du 7 novembre 2003 et la tension qui s’en suivra, la Coalition pour une Alternance Pacifique (CAP) dans laquelle ils étaient des acteurs principaux éclate.
Les islamistes affluent au projet de Parti de la Convergence Démocratique (PCD) animé par le radiologue Cheikh Ould Horma, une formation politique que les autorités refusaient de reconnaître. Le 3 octobre 2004, nouvelle tension. Après l’arrestation du Capitaine Abderrahmane Ould Mini et le démantèlement de «la filière de Koutiala», les autorités se rendent compte de la présence au sein des «Cavaliers du Changement» de plusieurs jeunes affiliés à la mouvance islamiste : Ould Siyam, Sid’Amar Ould Cheikhna , Brahim Ould Kherchy , Moulaye Ould Brahim.
Les dirigeants islamistes s’empressent alors d’apporter des précisons. Jemil Ould Mansour exprime le 4 octobre 2004 ses réserves par rapport à ces informations parce qu’émanant dit-il, des autorités, mais précise qu’au cas où elles sont confirmées, que les islamistes n’hésiteront pas à condamner de telles attitudes et les considérer comme l’expression d une volonté personnelle qui ne reflète en rien la position de la mouvance islamiste.
Le 10 Octobre 2004, une journée après l’arrestation de Saleh Ould Hannena à Rosso, les trois des principaux dirigeants de la mouvance islamiste, (Mohamed El Hacen Ould Dedew, Jemil Ould Mansour et Moctar Ould Mohamed Moussa) sont de nouveau interpellés. Dans la même soirée, la police publie une déclaration sous la référence 0052/DPJSP/DGSN. Le Commissaire Nkeranny Ould Mohamed Mahmoud a expliqué la raison des interpellations: " Messieurs Mohamed El Hacen Ould Dedew, Moctar Ould Mohamed Moussa et Jemil Ould Mansour ont été interpellés dans le cadre de l’enquête en cours, car des jeunes évoluant dans leur sillage ont été recrutés et convoyés vers le nord de la Côte d’Ivoire en zone rebelle, afin d’être formés pour des actions de terrorisme en Mauritanie." Entendus, les dirigeants islamistes seront remis en liberté quelques jours après. Mais le 2 novembre 2004 les choses se gâtent à nouveau. Après la publication par un site proche de la mouvance islamiste de photos représentant des scènes de torture les dirigeants islamistes sont de nouveau accusés dans un communiqué de Police en date du 3 novembre 2004 , de "subversion" et présentés le 15 novembre 2004 devant le parquet . Le parquet les a accusé de " complicité dans la fabrication et l’usage de faux sur des images (photos), de nature à créer des trouble à l’ordre public extérieur et intérieur du pays et à porter atteinte à une structure organisée, conformément aux articles 19-23-24-25 de la loi n° 23/91 organisant la liberté de la presse ainsi que la violation de l’article 5 de la loi n° 19/94 par la publication de photos montrant des personnes nues et soumis à la torture, chose qui est contraire à la morale islamique et aux valeurs humaines, conformément aux articles 4-5 de la loi 19/94 en date du 03/07/94 organisant l’exercice de certaines activités audio-visuelles ainsi que l’article 263 du code pénal ". Ouf!!! Trois mois après, nouveau coup de théâtre dans ce feuilleton à multiples rebondissements. Dans la soirée de dimanche 13 février 2005, les dirigeants islamistes sont de nouveau remis en liberté. Une mesure prise comme pour s’inscrire dans la décrispation de la scène entamée avec l’apaisement né du verdict du procès de OuadNaga. La remise en liberté est intervenue également suite à la détérioration l’état de santé de Cheikh Mohamed El Hacen Ould Dedew sur la base du diagnostic du Pr. Moustapha Ould Mohamedou, qui a consulté Ould Dedew à la prison civile de Nouakchott et qui avait recommandé qu’il est urgent d’adresser le malade dans un centre spécialisé en France, au Maroc ou en Tunisie. 25 avril 2005. Rebondissement dans le feuilleton Pouvoir/ Islamistes .Treize personnalités de la mouvance islamiste représentant ses deux courants de pensée : les Frères Musulmans (modérés) et les Salafistes (radicaux) sont interpellés dans le cadre du démantèlement d’une «structure dangereuse» pour le pays. Les islamistes modérés ne quitteront la prison qu en septembre 2005 suite à une amnistie proclamée par l’ex-CMJD venu au pouvoir début aout.
Ils se lancent dans l’action politique, participent aux élections municipales et législatives de novembre 2006 et raflent plusieurs sièges.
Par la suite, ils fondent leur parti "Tawassoul" qui intégra brievement le gouvernement de Ould Waghf au milieu de l’année 2008.
Après le coup d’Etat du 6 août, les islamistes choisissent la voie de l’opposition sans faire preuve de leur combativité habituelle. Combativité avec laquelle ils renoueront certainement, pour tenter de porter Jemil à la présidence de la Mauritanie.
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