I. Faits : Après deux mois de paralysie des institutions résultant d’une crise entre le Président de la République et les élus de son parti dans l’Assemblée Nationale et le Sénat, l’impasse atteint son paroxysme, avec le communiqué de limogeage des quatre chefs d’état-major des forces armées.
Dès la publication radiotélévisée du décret, les officiers mis en cause procèdent à l’éviction pacifique des deux têtes de l’Exécutif, d’où la violation flagrante de la Constitution. Outre Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi et son premier ministre Yahya Ould Ahmed El Waghf, trois autres personnalités se retrouvent en prison. Le lendemain, au moment où les militaires réitèrent le maintien du Parlement et des libertés publiques, ils font disperser, par la contrainte, une manifestation hostile au putsch. La télévision nationale commence à dérouler, par touches d’une subtilité variable, un discours apologétique où toute divergence avec le nouveau pouvoir est bannie. - A l’exception du Sénégal, du Maroc et de la Libye, jusque-là , la réprobation internationale enfle et devrait s’accentuer. - Comme lors de la précédente transition par le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD), le Haut Conseil d’Etat (HCE) compte, au moins, trois colonels dont les noms reviennent, de façon concordante, dans toutes les listes des tortionnaires de 1990-1991. Leur liste nominale et circonstanciée fait l’objet d’une investigation scrupuleuse. Elle motivera, sans délai, une communication spécifique. Indice encore plus alarmant, le HCE marque de la réticence à déclarer l’interdiction, pour ses membres, de la candidature à la Présidence de la République ; or, le fond du problème tient dans ce critère. C’est là que se noue la faculté, pour la Mauritanie, de sortir du cercle vicieux de la fraude électorale. En Afrique, qui apprête l’urne en détermine le contenu. II. Contexte Le coup d’état du 6 août ne relève pas de la préméditation. Ses auteurs ont réagi, dans la précipitation, au décret de leur disgrâce. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi ne souhaitait ni en arriver là ni empêcher la session extraordinaire de l’Assemblée Nationale, encore moins dissoudre celle-ci ; cependant, l’influence de son épouse et de quelques fidèles et parents de l’ancien président le Colonel Ould Taya aujourd’hui exilé au Qatar, le précipita dans une logique de confrontation ; l’histoire du putsch en cours renvoie, d’abord, à une lente fracture dans la personnalité même du chef de l’Etat, sous le cumul de sollicitations contradictoires. Ce personnage faible et têtu, voulait-il, à la fois, la paix intime, protéger sa famille d’une éventuelle enquête en enrichissement illicite, satisfaire aux exigences des généraux qui l’ont crée et s’émanciper vite d’eux, par l’alliance avec les symboles les plus décriés de la corruption. L’équation se solde par la cassure au sein du noyau dirigeant ; elle confirme le rétrécissement continu des contradictions, sur le mode de l’exclusivité au sein de l’hégémonie tribale maure. Le processus devra se poursuivre et produire des avatars de plus en plus violents. L’impunité et la manie des arrangements de circonstance entre élites conniventes produisent la confusion actuelle et mènent au pire. A mesure que la Mauritanie fuit l’’exercice de la rupture par quoi se solde le passif et se conçoit un avenir de paix, son passé la rattrape et le fardeau s’alourdit. Au bout, pointe l’écroulement. III. Notre position Conscience et Résistance, association à caractère politique en vertu de son ancrage séculier, écologique et non violent: - Déplore et réprouve, sans hésitation ni ambiguïté, le coup de force du 6 août 2008, malgré son caractère prévisible et la rationalité de ses causes. - Réclame la libération de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi, Yahya Ould Ahmed El Waghef et de tous les détenus d’opinion; - Demande, au Haut Conseil d’Etat, de se départir de membres présumés tortionnaires, sous peine d’accentuer l’isolement de la Mauritanie et de provoquer des poursuites en justice contre l’ensemble de la junte, voire la restriction de ses déplacements hors du pays ; - Rappelle le devoir, pour le HCE, de se déclarer inéligible aux futures élections et d’engager, avec toutes les forces vives, la recherche du retour, par la concertation, aux standards de la normalité politique ; - Revendique, pour l’exemple et la salubrité publique, le déclenchement et la systématisation d’une opération mains propres, visant, d’abord, la collusion criminelle entre les milieux d’affaires et la haute administration. - Engage la communauté internationale à éviter d’ouvrir la voie de la négociation ou du compromis sur le point précédent ; toute attitude de passivité ou de complaisance contraire à l’exigence minimale d’impartialité dans l’arbitrage du vote encouragerait la confiscation du de la règle au service des appétits de pouvoir. Ces recommandations prises en compte, Conscience et Résistance apporterait son soutien explicite au rétablissement des institutions, avec le souci prioritaire d’apurer le passif des crimes racistes, éradiquer l’esclavage, achever le rapatriement des réfugiés, assainir les tribunaux de la tutelle tribale et religieuse, enfin et surtout, nettoyer l’administration des cadres dont la vénalité et la rétivité à rendre compte, contrarient l’aspiration toujours déçue des mauritaniens au primat du droit. Conscience et Résistance Nouakchott, le 11 août 2008
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