Epilogue Ă  une querelle de chiffonniers   
22/07/2008

Après quelques semaines de crise au sein de la majorité parlementaire dans les deux chambres et la démission des ministres nommés en mai dernier, le Président de la République vient de rétablir, le 15 juillet 2008, le fonctionnement régulier de l’Exécutif par la désignation d’un nouveau gouvernement sous la direction de Yahya Ould Ahmed El Waghef.



Des prĂ©dateurs notoires sous la dictature perdent leurs positions ; d’autres demeurent ; de nouveaux reviennent. Globalement, le rapport des forces tourne Ă  l’avantage Ă©gal des deux fractions en concurrence au centre dirigeant du système de domination. Les composantes vertueuses de l’opposition gagnent en crĂ©dibilitĂ© et pugnacitĂ© au dĂ©triment des partis dont l’entrisme pathologique dĂ©note l’abdication de l’idĂ©ologie et l’alignement sur les intĂ©rĂŞts de court terme. Les promoteurs du changement et une frange pragmatique du bloc conservateur ont pu opĂ©rer une jonction sans Ă©tat d’âme  et la mener Ă  l’un de ses objectifs.  Un tel concours semble annoncer la recomposition des enjeux et acteurs de la concurrence pour la direction de l’Etat, sur la base d’une rupture graduĂ©e et nĂ©gociĂ©e d’avec les Ă©quilibres hĂ©ritĂ©s de deux dĂ©cennies d’autoritarisme.
Il résulte de ces arrangements rédhibitoires, l’élection, à la vice-Présidence de l’Assemblée Nationale, de l’ex Colonel Elarby Ould Sidi Ali Ould Jiddeîne, présumée tortionnaire, quand il commandait, par intérim, la 6ème région militaire, en l’absence de feu le Colonel Ould Sabbar, alors invalide et sous traitement à Alger ; l’autorité de Ould Jiddeïne couvrait le camp de tortures de Jreïda, siège de plusieurs mise à mort d’officiers et de soldats négro-africains. A ce titre, il recevait, au quotidien, les comptes rendus détaillés du lieutenant Daha Ould Cheikh et du sous-lieutenant Ould Bouzouma, témoins oculaires et, selon les victimes, exécutants, parmi des dizaines d’autres, de brutalités racistes.
Des personnalités connues pour leur zèle au service de la dictature conservent une influence décisive sur le devenir de la Mauritanie. Nous en citons :
Yahya Ould Ahmed El Waghef : Premier Ministre, agent subalterne du groupe d’affaires et officine de renseignements Mohamed Abdallahi Ould Abdallahi (MAOA), il traine une empreinte indĂ©lĂ©bile de mauvaise gestion, qu’étayent des dossiers de dĂ©tournements aux Programme Alimentaire Mondial, Projet d’Appui Ă  la RĂ©forme des Secteurs de l’Eau de l’Assainissement et de l’Energie (PARSEAE), Parc National du Banc d’Arguin (PNBA), Ă  la SociĂ©tĂ© Mauritanienne de Gaz (SOMAGAZ) et Air Mauritanie ; il mena cette dernière Ă  la faillite. 
- Cheikh  Ahmedou Tidjane Bal : Ministre de la Justice, avocat prĂ©posĂ©, lors de la ConfĂ©rence de Durban contre le racisme en 1999, Ă  gommer, sinon relativiser les crimes ethniques du rĂ©gime Ould Taya ;
- Boidjel Ould Homoïd : Ministre Secrétaire Général de la Présidence, divers témoignages lui imputent des fraudes massives dans la région du Trarza durant l’ère Ould Taya, il se distingue par une certaine audace à la négation de l’impunité, des déportations et du racisme, outre sa réputation de prévaricateur hors pair ;
Mohamed Ould Bahiya : Ministre de l’hydraulique et de l’énergie, ex Directeur de la Société Mauritanienne d’Electricité (SOMELEC), objet d’un rapport sévère de l’Inspection Générale de l’Etat lui imputant, en tout ou partie, des détournements de recettes, des attributions frauduleuses de marchés, des surfacturations, des d’achats de poteaux électriques selon une procédure d’urgence mais dont des stocks rouillent désormais à l’air libre. Il ne serait pas téméraire de parier que le Président de la République ignore de tels antécédents ;
- Mohamedou Ould Michel : Conseiller principal chargé de la diplomatie et de la sécurité, ancien Gouverneur de la Banque Centrale puis ambassadeur à Washington dont la prodigalité, aux deux postes, enrichissait, soudain, parents et amis ; l’on se souviendra de ses factures de ravalement de notre représentation diplomatique qu’il quittera à la limite de l’insalubrité.
Le terme provisoire du bras de fer traduit l’adoption d’une sortie de crise par la cooptation rotative des notables. Du jeu, circonscrit au vivier inĂ©puisable de la mĂ©diocritĂ©, les aspirations des populations et le concours de la sociĂ©tĂ© civile se trouvent exclus; le partage de positions symboliques et matĂ©rielles, selon un croisement de logiques centrifuges oĂą l’étiquette de parti compte bien moins que la rĂ©gion, la tribu, le village, vient attĂ©nuer la violence du litige entre le PrĂ©sident et ses dĂ©tracteurs. Aujourd’hui, la formule d’entente consacre une trĂŞve mutuellement insatisfaisante ; la contradiction n’est que diffĂ©rĂ©e tant les divergences d’intĂ©rĂŞts Ă©troits des deux clans iront, croissant ; la confiance se dilue au sein de la superstructure, en son noyau. L’intĂ©gritĂ© des dispositions constitutionnelles ne paraĂ®t pas en pĂ©ril puisque l’essence du conflit rĂ©vèle la nuditĂ© subjective des inimitiĂ©s et appĂ©tits de pouvoir. Orpheline de grandeur et de vision collective, la querelle de prĂ©sĂ©ance Ă©picière au sommet  de l’Etat n’en vise pas les fondements dĂ©mocratiques. Comme le dĂ©montre son dĂ©nouement, elle ne sollicite le volontarisme des Justes.
En conséquence, Conscience et Résistance :
- Engage tous les mauritaniens Ă  l’action commune et soutenue afin de dĂ©mettre le nouveau Gouvernement de Yahya Ould Ahmed Waghef et marquer ainsi un terme au recyclage permanent  de gĂ©nĂ©rations de cadres dĂ©pourvus de repères Ă©thiques, Ă  commencer par le sens de l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral ;
- Maintient ses rĂ©serves sur l’aptitude, de l’honorable Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi, Ă  conduire les affaires publiques et garantir le droit hors de toute influence des siens, au moment oĂą les suspicions de vente de charges publiques et de trafic d’influence rĂ©munĂ©rĂ© s’accumulent Ă  sa pĂ©riphĂ©rie immĂ©diate, avec la complicitĂ© et l’expĂ©rience, protĂ©iforme dans le crime, de ses amis parmi la parentèle du Colonel Ould Sid’Ahmed Taya  ;
- Rappelle la précarité de l’édifice de la paix dans ce pays, tant que n’auront pas été apurés les aspects pénaux, civils, administratifs et fonciers du contentieux humanitaire, sur la base de responsabilités et de dommages nominaux, loin de la moindre velléité d’occultation ;
- Attire l’attention des partenaires étrangers, sur l’impossibilité de faire respecter la loi en Mauritanie, face aux trafiquants de drogue, groupuscules terroristes et auteurs d’actes d’esclavage, tant que l’appareil judiciaire demeure sous contrôle de magistrats d’obédiences pro wahhabite, souvent socialisés à l’école de la tribu, de l’inégalité de naissance et du commerce des prérogatives.
Conscience et Résistance

  Le 21 juillet 2008                                


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