Le gouvernement mauritanien a adressé des invitations aux partis politiques membres des pôles de la majorité et de l’opposition pour de nouvelles séances du dialogue politique prévues le 7 septembre prochain. La lettre d’invitation appelle à arrêter les mécanismes du dialogue et son ordre du jour.
Elle est signée par ministre secrétaire général de la présidence de la République, Dr Moulaye Ould Mohamed Leghdaf. L’invite intervient quelques jours après une conférence de presse organisée par la « Coalition des Partis de la Majorité (CPM) au cours de laquelle cette dernière a accusé le Forum National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU) de l’échec de l’entame d’un dialogue politique en Mauritanie. Le FNDU a rejeté le 15 août à l’unanimité, le nouvel appel au dialogue, le qualifiant d’«absurde et ne traduisant aucune sincérité». Le nouveau dialogue vient sur les cendres d’un autre dialogue annoncé en avril 2015 avec plusieurs rencontres mais finalement non entamé pour des questions de préalables attendus du pouvoir et de réponses écrites à la plateforme avancée par le FNDU, qui comprenait des «conditionnalités» rejetées par la CPM. Le président Mohamed Ould Abdel Aziz s’est dit prêt au dialogue dans un discours prononcé début janvier 2015 à Chinguetti lors du lancement de la cinquième édition du festival des Villes anciennes. «Je renouvelle notre entière disposition pour l’instauration d’un dialogue inclusif pour la réalisation des intérêts suprêmes de la nation», a-t-il dit. Le discours de M. Aziz intervenait dans le sillage de sa rencontre avec Messaoud Ould Boulkheir président du Conseil économique et social, président du parti APP et chef de file d’un bloc de l’opposition (modérée ) comprenant deux autres partis (El Wiam et Sawab ) qui a soumis au Gouvernement une feuille de route intitulée: « Proposition de la démarche à suivre pour engager le dialogue entre le pouvoir et l’opposition ». Le 14 Janvier 2015, le Premier Ministre Yahya Ould Hademine remettait à Mohamed Vall Ould Bellal secrétaire permanent du Forum national pour la démocratie et l’Unité (FNDU- principal bloc de l’opposition comprenant 12 partis, des syndicats des Ongs et des personnalités ) un document non intitulé : «Réponse aux propositions de l’opposition relatives à l’ouverture d’un dialogue global » , par lequel il donnait son accord pour un dialogue qui va au-delà même des points souvent soulevés par le FNDU comme : (1)- La couverture par les médias officiels des activités de l’opposition, (2)- L’instauration d’un climat de confiance entre l’opposition et la majorité,(3)- Lever « l’embargo » qui frappe les cadres et les hommes d’affaire proches de l’opposition (s’il y en a), (4)- Revoir la composition du Conseil Constitutionnel, (5)- Organisation d’élections législatives et municipales anticipées et report des sénatoriales, (6)- Mise en place d’une nouvelle CENI, (7)- Adoption d’un calendrier électoral consensuel, (8)- Reforme constitutionnelle pour supprimer la limitation d’âge des candidats aux présidentielles, (9)- Interdire à l’armée l’intrusion dans les activités politiques,(10)- L’organisation d’élections présidentielles anticipées, (11)- Revoir les pouvoirs du Premier ministre et du Parlement, (12)- L’unité nationale (13)- La Sécurité publique et extérieure, (14)- La loi sur la transparence de la gestion des affaires publiques, (15)- La neutralité de l’administration, (16)- L’indépendance de la Justice, (17)- Les relations du parti au pouvoir avec l’Administration et (18)- la redéfinition du leadership de l’opposition. 12 jours après, le FNDU a remis sa réponse au Premier ministre M. Ould Hademine comprenant: I. un gouvernement de consensus disposant de vastes prérogatives lui permettant de respecter et de faire respecter les lois de la République. II. les institutions de supervision des élections (Conseil constitutionnel, Agence des documents sécurisés, Directions ayant rapport avec les élections du ministère de l’intérieur et de la décentralisation) doivent être refondées et leurs responsables doivent jouir de la confiance de tous. III. la neutralité de l’administration avec : (1) L’élaboration d’une nouvelle loi qui garantisse la restauration de l’autorité de l’Etat et l’interdiction de l’usage de l’argent public en politique, (2) la révision des budgets des campagnes électorales et leur plafonnage,(3) un communiqué officiel du président, chef général des forces armées interdisant à toutes les forces armées et de sécurité de faire la politique,(4) le vote militaire en même temps que les civils et (5) la participation de tous les acteurs politiques à l’élaboration de la liste électorale. Entretemps, le 19 janvier 2015, Dr. Moulaye Ould Mohamed Leghdaf ancien Premier ministre est nommé ministre secrétaire général de la Présidence. C’est lui qui va dorénavant piloter le dossier. C’est lui, qui est désigné négociateur en chef de la majorité avec Me Ould Maham président de l’UPR et M. Ould Abilmaaly, président CPM. Dr Moulaye était à coté du Président Aziz le 25 février 2015 lors de l’audience accordée aux partis de la Majorité dont certains étaient inquiets des résultats du dialogue fussent-ils comme on le prétend dans «l’intérêt suprême de la Nation». L’inquiétude était également présente au niveau du FNDU. Les partis RFD et UNAD s’étaient focalisés dans un premier temps sur des préalables au dialogue: la dissolution du Bataillon de la sécurité présidentielle (BASEP) pour le premier, et la déclaration du patrimoine du président Aziz ainsi des enquêtes sur l’utilisation de 50 millions de dollars et sur les fonds de Cheikh Ould Baya, pour le second. Finalement et après moult tractations, ces deux partis ont revu leur positions. La déclaration du patrimoine du président de la République et l’enquête sur les 50 millions de dollars allaient être proposées pour l’ordre du jour du dialogue. Pour le BASEP, il n’est plus question de sa dissolution mais de la révision de son statut . Parmi les autres préalables avancés par le FNDU à l’époque, la baisse des prix du carburant, l’ouverture des medias publics à l’opposition, la levée de l’embargo qui pèserait sur les militants de l’opposition, le règlement du problème de l’état civil des mauritaniens rapatriés du Sénégal, la suspension du mandat d’arrêt international lancé contre Ould Chavi, la réhabilitation du magistrat Ould Neinine, la libération des détenus d’IRA et des réparations pour le journaliste Mamouny Ould Moctar . La CPM a donné le 9 mai 2015 une réponse orale à la plateforme avancée le 18 avril par le FNDU. Selon un négociateur du FNDU les représentants du pouvoir ont dit être ouverts au dialogue quoique des préalables du FNDU ne se justifieraient pas, car relevant de la Constitution et des Lois en vigueur. Ils ont estimé dans cette réponse orale que le Président Aziz a déjà prêté serment de respecter la Constitution en termes de nombre de mandats et souligné que la libération des détenus d’IRA (non reconnue) sera perçue comme une «ingérence de l’exécutif dans la justice». L’objectif, selon eux, doit plutôt être de garantir un «procès équitable» aux dits détenus. Concernant l’amélioration des conditions de vie des populations et la loi sur l’esclavage, les représentants du pouvoir ont estimé que ce dernier «fait de son mieux» et qu’il attend des propositions du FNDU afin de faire davantage. Le statut du BASEP a été également abordé au cours de la rencontre. Les négociateurs du Gouvernement ont estimé qu’il s’agit d’un bataillon dont le statut est clair, car dépendant de l’état- major général des Armées en termes de moyens et d’avancements. Ils se seraient par contre, montrés flexibles concernant l’ouverture des medias publics au FNDU, les mesures jugées arbitraires contre des citoyens (Mamouny, Neinine, Chavi ?) et l’audit de l’enrôlement des Négro-africains rapatriés du Sénégal. Et selon un négociateur de la Majorité le pouvoir serait même prêt à mettre en place des «commissions mixtes» sur ces questions avec le FNDU ajoutant : «Nous surprendrons l’opposition par l’audacité de nos propositions». Et même si les négociateurs de l’opposition étaient mandatés seulement pour discuter des préalables de la plateforme du FNDU Dr Moulaye Ould Mohamed Leghdaf en outre proposé l’élargissement de l’Accord-Cadre proposé également dans la plateforme du FNDU, aux partis de la CAP afin de le transformer en «Accord-Tripartite». Le pouvoir a une longue histoire avec le dialogue : en septembre 2011, le fil a été noué avec des partis de la CAP (APP, El Wiam, Sawab) qui s’étaient démarqués de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), ancêtre de l’actuel FNDU né en mars 2015. L’ Accord-Politique qui en découla permit d’apporter des amendements constitutionnels criminalisant les coups d’Etat, l’esclavage, introduisant la nomination par le président de la République d’un Premier ministre soumis à la censure du Parlement, la diversité culturelle , une commission électorale d’organisation, une forte dose de proportionnelle, l’augmentation du nombre des députés de l’Assemblée nationale, une liste nationale spécifique aux femmes, l’interdiction des candidatures indépendantes et du nomadisme politique. Un amendement avait également prorogé le mandat des parlementaires et des conseils municipaux jusque la tenue de nouvelles élections de novembre 2013. Un amendement contesté par la COD. Considéré comme «un pas significatif sur la voie de la promotion et de la consolidation de la démocratie» par ses signataires, le dit Accord-Politique paraphé en octobre 2011, a été rejeté par la COD qui l’a présenté comme un «leurre destiné à piéger l’opposition, à la diviser à tromper l’opinion publique». Des concertations lancées avec l’ex-COD devenue FNDU en octobre 2013 n’ont pas pu la convaincre de participer aux élections législatives et municipales malgré une offre gouvernementale de report des élections, de révision de la composition de la CENI, d’audit du fichier électoral et de création d’un observatoire des élections. Cette mouvance exigeait la neutralité de l’Etat et de la supervision politique du processus électoral ainsi que la suspension de l’agenda électoral en attendant les résultats des concertations. Juste après les élections de Novembre 2013, la mouvance avait demandé l’annulation de ses résultats et l’ouverture d’un dialogue. Dr Moulaye Ould Mohamed Leghdaf a engagé le 17 février 2014 des concertations sur la présidentielle qui allait être organisée juin avec le FNDU, lequel avait fini par boycotter la dite présidentielle. Tout comme deux des partis de la CAP (APP et Sawab) ainsi que Tawassoul l’unique parti membre FNDU qui avait participé aux élections locales de Novembre 2013. Après plusieurs rencontres infructueuses avec le FNDU en mai et juin 2015 Dr Moulaye Ould Mohamed Leghdaf a lancé la mi-août une nouvelle invite au dialogue pour début septembre. Le FNDU ne semble pas être particulièrement emballé d’autant plus qu’il a reçu le soutien du président de l’APP Messaoud Ould Boulkheir à sa revendication d’une réponse écrite du Gouvernement à sa plateforme. M. Ould Boulkheir, a estimé le 7 juillet 2015 que l’exigence du FNDU d’une réponse écrite du pouvoir pour l’amener à s’engager dans le dialogue, était raisonnable et qu’elle ne devait pas constituer un obstacle. Le leader de l’APP a rendu le pouvoir et la majorité responsables du blocage des concertations entamées en mai 2015.
MAOB
|