La propension immodérée aux remaniements permanents du Gouvernement constituait, jusqu’août 2005, l’un des aspects de l’héritage qui nous a été légué après plus de 20 ans de Duvaliérisme. Durant ces deux dernières décennies, nous avons eu droit à des centaines de ministres.
L’instabilité gouvernementale constituait notre caractéristique première. Chaque mercredi, on avait l’oreille collée aux transistors. La Remaniemania a intégré depuis lors, nos mœurs politiques, devenant pour certains, une solution, une thérapie. Pourtant que de remaniements ont eu lieu. Qu’ont-ils apporté ? Nada ! C’est à la faveur de la transition militaire entamée en août 2005 qu’une vraie rupture avec l’esprit de la Remaniemania permanente a été amorcée. Entre août 2005 et avril 2007 il n’y a pas eu de remaniement. C’était là , avec d’autres signes, l’un des traits saillants de la rupture avec l’ère d’avant. Moins d’une année après la formation du Gouvernement dirigé par le Premier ministre Zeine Ould Zeidane, la Remaniemania revient en force. Tantôt sous le prétexte de l’incompétence du Gouvernement –qui, il faut reconnaître, comporte bien des ministres par accident- sinon sous le prétexte de la marginalisation de quelques mouvances politiques ayant perdu de la main (et quoi d’autre?) à la faveur de l’évolution de la scène politique. Parfois, le justificatif avancé relève de la «déviation» par rapport aux options des ténors du changement radical. Tous ces arguments ne partent pas souvent de postulats civiques et citoyens. C’est en effet, à la faveur de l’évaluation du travail fait sur la base des lettres de mission données au Gouvernement que la demande de remaniement peut se justifier. Autrement, elle pourrait simplement tirer sa justification de la bataille de positionnement, des querelles de chapelles, si ce n’est la manip, haut ou bas de gamme. Le président de la République et son Gouvernement ont été élus sur la base d’un programme politique clair articulé essentiellement sur deux axes : la consolidation de l’unité nationale et la rénovation de l’Etat. Sur ces registres on peut dire que le Président et son Gouvernement ont bien gouverné autrement. C’était quoi, au juste, la consolidation de l’unité nationale ? Les mauritaniens, plus soucieux des résultats, que de la composition du Gouvernement ; sans ambition, aussi, d’y faire leur entrée ; la leur, étant de vivre dans un pays stable, serein et bien géré, reconnaissent les pas franchis. Ils vous diront qu’ils sont fiers de constater que les esclavagistes sont maintenant écroués dans ce pays, qu’ils ont versé des larmes (pas de crocos) en voyant leurs compatriotes déportés au Sénégal depuis 18 ans, fouler le sol national et recouvrer leurs droits. Ils vous diront qu’une solution équitable est à l’étude, pour le règlement du douloureux passif humanitaire. Et que le Gouvernement mauritanien a certes, cafouillé et gaffé, mais qu’il s’est battu sur les braises et les cendres léguées par ses prédécesseurs. Ils vous diront aussi, qu’ils ne comprennent pas pourquoi juste après la formation du Gouvernement en avril 2007, les crises des services de bases, les affaires de drogue, le chantage politique, la liquidation des entreprises, les soupçons de bradage de patrimoine de l’Etat et la violence délinquante et idéologique ont subitement refait surface, d’un seul coup. Comme pour acculer. Comme pour appeler une main invisible, au secours. Une année après la constitution de l’équipe actuelle, les performances économiques restent certes très en de ça des évolutions politiques. Mais si on doit déplorer un certain attentisme, on doit aussi le faire à l’endroit des citoyens de ce pays qui ne travaillent pas pour se passer du mil malien, du riz thaïlandais et du sucre brésilien. C’est ici le défi à relever : faire travailler les mauritaniens. Et non les convaincre par on ne sait quel raccourci que le salut réside dans un remaniement. Peut être qu’ils ont raison qu’il faille remanier en partie ou du fond en comble ? Mais qui nous dit que les nouveaux ministres proposés impulseront la productivité économique et le dynamisme social? Qui nous dit que nous ne regretterons pas le départ des premiers, surtout que nous pouvons encore se suffire ou souffrir, de leur présence, du moment qu’ils gouvernent autrement. IOM
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