«Les personnes ayant été déportées de la Mauritanie vers le Sénégal, à l’époque des années d’épuration ethnique, n’étaient pas de nationalité mauritanienne ». Ces propos attribués à l’ancien Chef de l’Etat et ancien patron de la police mauritanienne, Ely Ould Mohamed Vall, ont provoqué le courroux et l’indignation chez des cadres négros mauritaniens.
En meeting samedi 9 juin, des cadres négros mauritaniens regroupés au sein d’une structure appelée « Initiative pour une Mauritanie Unie », ont manifesté leur indignation et dénoncé avec la plus grande fermeté ce qu’ils considèrent comme une entorse à l’unité et la cohésion nationale. Ils ont considéré que celui qui a dirigé la transition de l’année 2005 sous le CMJD, a commis un «acte intolérable et inadmissible». «Les récentes et malheureuses sorties d’Ely Ould Mohamed Vall (lors d’une émission radiophonique ndlr), longtemps puissant Directeur Général de la Sûreté Nationale, éphémère président du CMJD, Chef de l’Etat, interpellent tout notre peuple » pouvait-on lire dans la déclaration lue par Ba Bocar Souley, président du conseil d’administration de l’Agence des nationale d’accueil et d’insertion des réfugiés. A en croire les organisateurs de la manifestation, cette initiative se veut être un cadre de «concertation et de veille» pour « défendre les valeurs fondamentales et sacrées du peuple mauritanien tout entier». Par conséquent, cette mobilisation de circonstance constitue une alerte «sur l’extrême gravité des déclarations d’Ely Ould Mohamed Vall ». L’objectif visé par les cadres négros mauritaniens est de combattre « toutes formes de nationalisme étroit et de chauvinisme ». Ely Ould Mohamed Vall voulait-il se dédouaner des présumés commanditaires de crimes extrajudiciaires qui ont émaillé le passif humanitaire de la Mauritanie ? C’est là toute la question. Pourtant, l’ancien patron de la police mauritanienne durant plus de 20 ans de service commandé sous Taya, se défend contre vents et marées. Mais les carottes sont déjà cuites, Ses adversaires politiques, notamment du parti Etat, n’ont pas raté cette occasion pour le mettre au ban des accusés. «De telles œuvres ne peuvent provenir que d’un pouvoir balbutiant et aux abois, empêtré dans les difficultés, naviguant à vue, sans boussole. Pour se dépêtrer de l’impasse politique sans issue, avec lui, dans laquelle il a plongé le pays, il cherche à détourner l’opinion ici et ailleurs en semant la haine et la discorde entre nos communautés», se défend Ely Ould Mohamed Vall pour qui «le rôle de la police s’est limité à ouvrir une enquête, déterminer les responsables et déférer les auteurs ... Ce qui a pu se produire, par la suite, ne relevait plus du service de la police … je rappelle que je n’étais nullement concerné, car j’avais quitté toutes responsabilités militaires depuis 1985». Pour les anciens militaires regroupés au sein du Collectif des Victimes de la Répression (COVIRE), c’est tout à fait le contraire. Ely selon eux, fait partie des présumés tortionnaires ou commanditaires de crimes. «Nous n’oublions pas l’implication d’Ely dans le calvaire des anciens militaires » ont-ils soutenu dans une salle archicomble. Si les initiateurs de l’évènement considèrent que Ely cherche à « créer la confusion, le désordre et le chaos entre les Mauritaniens », ses adversaires politiques pensent que cette déclaration de l’ancien président du CMJD n’est qu’une « soif démesurée de revenir aux affaires ». Ils voient en cela comme une manœuvre déguisée et « des objectifs de basses manœuvres politiques». Dans tous les cas, les personnalités présentes lors du meeting de l’ancienne maison des jeunes, dont certains caciques de l’ancien parti Etat (PRDS) étaient au premier rang. L’implication du parti Etat (UPR) dont le Secrétaire Général Mohamed Lemine Ould Hanine, qui était présent lors du meeting des négros mauritaniens, montre, si besoin en était que le Président Aziz veut abattre un adversaire devenu encombrant depuis quelques temps. Ce que déplorent également certains négros mauritaniens voire même les observateurs avertis de la scène politique nationale, c’est le comportement de beaucoup de cadres négros mauritaniens qui niaient l’évidence d’une épuration ethnique à l’époque et qui se présentent aujourd’hui comme des défenseurs d’une justice qui n’a pas encore dit son vrai nom. La preuve, il y a quelques mois, toute une communauté s’est élevée contre le projet d’enrôlement jugé « discriminatoire ». Aujourd’hui, on semble certes oublié ou tout au moins le pouvoir a réussi à détourner l’opinion nationale sur les problèmes brûlants de l’heure qui ont engendré une impasse politique. En tout cas, le mouvement « Touche pas à ma nationalité » est aussi sorti de sa réserve pour dénoncer les propos d’Ely et prendre position contre l’ancien chef de l’Etat. Ibou Badiane
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