Le gouvernement français était parfaitement informé de la corruption et de l’exaspération de la population en Tunisie sous le président Zine ben Ali et pouvait prévoir la situation ayant conduit à sa chute, déclare un ex-ambassadeur français. Yves Aubin de la Messuzière, ambassadeur de France en Tunisie de 2002 à 2005, explique dans une tribune publiée...
...dans Libération que l’ambassade avait informé Paris de la dégradation des libertés publiques, de la corruption et de l’exaspération de la jeunesse. "Les autorités politiques françaises étaient donc parfaitement informées des dérives du système ben Ali, qui rejetait toute référence à la question des droits de l’homme (...) L’expertise du Quai d’Orsay était négligée", écrit-il. La menace islamiste brandie par le régime ben Ali, un thème repris par le pouvoir français, était relativisée. "L’analyse diplomatique privilégiait le risque de mouvements sociaux à la menace islamiste", écrit l’ambassadeur. Il estime que les propos de Nicolas Sarkozy en visite à Tunis en 2008 et évoquant un progrès des libertés publiques, "avaient suscité l’incompréhension et l’indignation". Il dit penser que les ambassades de la région et la France en général doit changer sa stratégie et renouer des liens avec la société civile, distendus ces dernières années au profit d’un soutien des pouvoirs en place. L’ambassadeur de France en Tunisie, Pierre Ménat, va être remplacé par son homologue en poste à Bagdad, Boris Boillon, a indiqué mercredi 26 janvier le porte-parole du gouvernement François Baroin, alors que l’attitude de Paris face à la révolution tunisienne a été très critiquée. Cette nomination a été décidée mercredi matin lors de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, a dit M. Baroin, confirmant une information obtenue par l’AFP auprès d’une source proche du dossier et diffusée auparavant par le site internet du journal Le Monde. "Un nouvel ambassadeur de France a effectivement été nommé en Tunisie, c’est un diplomate de grande valeur (...) qui a fait ses preuves dans le poste qu’il exerçait précédemment", a déclaré François Baroin lors de son point de presse rendant compte des travaux du Conseil. Boris Boillon, 41 ans, en poste à Bagdad depuis 2009, "a toute la sensibilité naturelle pour correspondre à la nouvelle ère qui s’ouvre désormais dans les relations franco-tunisiennes", a-t-il estimé. Il a par ailleurs souligné que le Premier ministre François Fillon, conformément à la demande du président Nicolas Sarkozy, avait présenté des "propositions susceptibles d’aider les autorités constitutionnelles tunisiennes (...), notamment en matière de mise en place de la démocratie et de l’Etat de droit" en Tunisie. "Vous savez que nous avons une grande tradition de juristes", a-t-il noté. "Nous sommes également à la disposition de Tunis pour tout ce qui concerne les missions d’observation électorale", a poursuivi François Baroin, citant encore les domaines de la lutte contre la corruption, de la modernisation de l’économie, et les relations culturelles et artistiques. La France a été sévèrement critiquée pour avoir tardé à soutenir les aspirations démocratiques du peuple tunisien. Ce n’est qu’après la chute de l’ex-président Zine el Abidine Ben Ali le 14 janvier que Paris a explicitement appuyé le soulèvement populaire. Lundi, le président Sarkozy avait admis que la France avait "sous-estimé (les) aspirations du peuple tunisien à la liberté".
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