1er mai: Les syndicalistes demandent le dialogue social   
03/05/2010

Les travailleurs mauritaniens ont fêté le 1er Mai à l’instar de tous les travailleurs du monde. Les principales centrales syndicales (CGTM, CLTM, CNTM et UTM) et les organisations professionnelles affiliées à ces dernières se sont mobilisées ce 1er Mai pour célébrer la journée internationale du travailleur.



Une forte mobilisation qui a donné l’impression que toute Nouakchott était dans la rue. Et pour une première dans l’histoire du mouvement syndical en Mauritanie, la communauté migrante a participé à la manifestation du 1er Mai sous la houlette de la CGTM. Aucun thème n’a été choisi pour ce 1er Mai de cette année mais les centrales syndicales ont exigé de l’Etat l’ouverture des négociations et la promotion du dialogue social.
 
La fête du 1er Mai de cette année est célébrée dans un contexte particulier marqué par une crise financière internationale aux conséquences dramatiques pour les populations et les travailleurs confrontés à la flambée des prix des denrées de première nécessité et au chômage (32% selon les syndicalistes) lié au manque d’emploi décent.
Dans le cas de figure de la Mauritanie éprouvée par une année de crise politique institutionnelle consécutive au coup d’Etat d’Août 2008 perpétré par un groupe d’officiers supérieurs, les travailleurs sont confrontés à d’énormes difficultés relatives aux mauvaises conditions de vie et de travail. Le débrayage général des syndicalistes en mars dernier, conséquence de mesures décidées par les pouvoirs publics d’augmenter les indemnités de transport et de logement jugées dérisoires par les travailleurs du secteur public et le refus des autorités de dialoguer avec ces derniers constituent, à n’en pas douter, un frein à l’amélioration des conditions de vie et de travail.
La rue longeant le carrefour BMD jusqu’à celui du ministère du pétrole était inondée de monde. Dès 8heures du matin, les centrales syndicales se sont retrouvées au niveau de cet axe pour battre le macadam à l’occasion de la journée internationale du travail célébrée le 1er Mai de chaque année. Des femmes déguisées en couleurs uniques, des hommes parfois en uniforme (ceux des sociétés comme la SNDE ou encore Pizzorno) se faisaient remarquer. Les banderoles où on pouvait lire : « oui à l’unité syndicale », « Pour l’ouverture de négociations collectives et la promotion du dialogue social » ou encore «La Cltm, votre espoir de demain, symbole de la lutte contre l’arbitraire, l’injustice sociale et l’exclusion …flottaient partout.
Du côté des communautés étrangères, on tenait également des banderoles avec des slogans incitant au respect des droits et de la dignité du travailleur migrant. « Respect des droits et de la dignité des travailleurs migrants », «respect des droits et de la dignité des travailleuses domestiques », «ratification des conventions 97 et 143 relatives à la protection des droits des migrants» ou encore «Application des conventions internationales et des accords bilatéraux en matière de migration de main d’œuvre migrante» sont des slogans écrits sur les banderoles portées par les travailleurs migrants.
Ces travailleurs sont originaires de la sous région Ouest Africaine notamment du Sénégal voisin, du Mali, de la Gambie, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Togo, de la Guinée Conakry, de la Guinée Bissau mais aussi de la Sierra Léone et du Libéria. Chaque association a défilé avec sa propre banderole. L’Association « Kajamoor » des ressortissants casamançais s’est distingué par sa forte mobilisation surtout du côté des femmes. La CGTM qui en est l’initiatrice de cette participation des communautés migrantes à la marche du 1er Mai, la première dans l’histoire du mouvement syndical en Mauritanie, a mis les moyens nécessaires pour mobiliser ces dernières.
Les marcheurs ont emprunté la rue traversant la Médina 3 jusqu’à la nouvelle maison des jeunes où un meeting a été organisé par les responsables des centrales syndicales.
 
Améliorer les conditions de vie et de travail
 
Comme à l’accoutumée, les travailleurs syndiqués ont exigé l’amélioration des conditions de vie et de travail qui passent par l’augmentation des salaires à hauteur de 50%, la baisse des prix des denrées de base, l’amélioration des conditions de vie des travailleurs migrants, l’organisation du corps des médecins, la révision du statut des travailleurs des collectivités locales, la protection sociale et sanitaire du travailleur, l’instauration d’une permission d’une heure pour les femmes allaitantes, l’augmentation de 50% du quota des femmes dans les fonctions administratives, la baisse des prix des hydrocarbures et des énergies renouvelables … entre autres revendications brandies par les marcheurs. Les travailleurs du secteur privé ont également fait entendre leurs voix. Il s’agit de ceux du secteur informel, notamment ceux qui travaillent dans les restaurants, les hôtels, etc. Ils se sont estimés lésés par rapport aux autres travailleurs.
 
L’ouverture des négociations est nécessaire…
 
Pour améliorer la situation du travailleur, les centrales syndiquées ont demandé l’ouverture des négociations avec l’Etat qui a connu un net blocage depuis l’arrivée du nouveau régime conduisant ainsi à un débrayage général organisé par le mouvement syndical en mars dernier. Pour les travailleurs syndiqués, il ne peut y avoir d’amélioration de la situation dans le monde du travail tant qu’il n’y a pas de négociations entre le pouvoir et les centrales syndicales.
En claire, la dégradation des services sociaux de base (soins de santé, eau, électricité …) constituent une menace qui risque d’affecter gravement la vie des populations. C’est pourquoi, face à cette situation, les syndicalistes ont interpellé les pouvoirs publics pour «l’instauration d’un dialogue social et des concertations pour procurer au peuple mauritanien des conditions de vie décentes», notamment, en mangeant à sa faim, en buvant à sa soif, en se logeant convenablement, en s’habillant correctement, en se soignant sans difficulté, en éduquant ses enfants … Par conséquent, les centrales syndicales revendiquent avec force «un monde plus juste et plus équitable» qui se traduit par la lutte contre la pauvreté et les discriminations, la juste répartition des richesses et l’introduction d’une forte dimension sociale à la mondialisation.
Pour ce faire, ces centrales revendiquent également «l’implication des organisations syndicales de travailleurs dans la gestion des affaires du pays à travers la promotion réelle du dialogue social, une amélioration substantielle des conditions de vie et de travail et le redressement de l’administration du travail … ». En somme, les centrales syndicales ont invité « le Gouvernement et le Patronat à veiller à se conformer aux dispositions des conventions internationales et de la législation nationale, seul gage de la préservation de la paix sociale dans le pays et pour un développement durable».
Le meeting clôturant la fête a été marqué par des interventions des responsables syndicaux qui sont revenus sur la situation d’ensemble qui prévaut dans le mouvement syndical mais aussi sur le blocage constaté dans le dialogue avec le pouvoir. Ils ont fustigé à cette occasion le comportement des pouvoirs publics qu’ils jugent anti-démocratique.
 
La participation des migrants, un satisfecit 
 
La participation des travailleurs migrants Ă  la fĂŞte du 1er Mai est apprĂ©ciĂ©e par les acteurs. Pour Abdallahi Ould Mohamed dit Nahah, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la CGTM, «La participation de la communautĂ© migrante Ă  la manifestation a plusieurs significations. Par leur participation, les migrants ont donnĂ© une signification effective et concrète Ă  la communion internationale de la classe ouvrière. Nous pensons que ces travailleurs migrants qui sont nos frères et qui contribuent Ă  l’édification de la Mauritanie ont donnĂ© un sens Ă  ce 1er Mai. Cela a donnĂ© de notre cĂ´tĂ© de la CGTM un engagement ferme de dĂ©fendre les intĂ©rĂŞts de tous les travailleurs sans distinction de race, de religion ou de nationalitĂ© et c’est ça notre combat et la signification que nous avons voulu passer Ă  travers  notre discours».
Pour sa part, M. Tamboura de la communauté malienne a déclaré: «C’est un évènement très important et je tiens à remercier tous les étrangers qui ont participé à la manifestation, la première du genre. Car, c’est la première fois que les migrants sont tenus en considération et se sont mobilisés pour participer à la célébration de la fête du travailleur et exprimer leur adhésion aux centrales syndicales et leur solidarité avec le peuple mauritanien. Parce que, il faut le souligner, le travailleur migrant contribue au développement du pays hôte. Et par conséquent, il doit bénéficier de la protection et des mêmes droits que ceux du pays d’accueil. Personnellement, je suis très satisfait de cette initiative. Nous cherchons à travers notre participation la prise en compte de nos préoccupations, l’égalité dans le traitement car c’est frustrant de voir que certains travailleurs sont exclus dans certains secteurs d’activités à cause de leur nationalité. A l’heure de la mondialisation, ce sont des choses qu’on doit dépasser. Par rapport aux doléances, nous avons demandé aussi l’amélioration de certaines conditions de vie des migrants pour faciliter leur intégration dans la société mauritanienne».
Quant à Thioro Gningue, présidente des femmes de ménages sénégalaises, «Cela représente beaucoup de choses pour moi parce que c’est la première fois que nous exprimons nos doléances devant la population mauritanienne. Vous savez que les femmes de ménages sénégalaises notamment, rencontrent beaucoup de problèmes en Mauritanie dans l’exercice de leurs métiers. A titre d’exemple, quand on travaille jusqu’à la fin du mois, on nous accuse parfois de vol mais aussi certaines de nos collègues sont victimes de violation sexuelle dans les maisons. D’autres ne trouvent pas leurs droits après le départ de leurs employeurs. Nos droits sont bafoués. Aujourd’hui par exemple, certaines femmes de ménages travaillent alors que c’est la fête du travailleur que nous célébrons. Ce n’est pas normal. Etre femme de ménage ne veut pas dire qu’on est esclave. Nous demandons à être respectées parce que nous avons les mêmes droits que tous les autres travailleurs».
Même son de cloche chez Abdoulaye Anne, secrétaire général de l’association des Sénégalais de Mauritanie. Pour lui, «La participation à cette fête du travailleur représente beaucoup de choses pour nous. Vous savez que la communauté sénégalaise en nombre est très importante et mieux intégrée en Mauritanie. Mais nos droits sont souvent bafoués dans nos lieux de travail. Nous pensons qu’avec cette première participation à la fête du 1er Mai, nos préoccupations seront désormais prises en compte par les autorités. Nous ne demandons que le respect de nos droits et de la dignité du travailleur migrant. C’est d’ailleurs les doléances que nous avons posées, pour le respect de nos droits, la levée des tracasseries par rapport aux conditions de séjour. Nous sommes donc satisfaits d’être associés à la fête et je peux dire que nous sommes à la base de la réussite de cette participation des communautés migrantes à la manifestation du 1er Mai. Par conséquent, nous remercions les centrales syndicales notamment la CGTM qui a tout fait pour nous intégrer et nous associer à la fête ».
Compte rendu Ibou Badiane


Toute reprise totale où partielle de cet article doit inclure la source : www.journaltahalil.com
Réagir à cet article
Pseudo
E-mail
Commentaire
Entrer le code
La rédaction de Tahalil vous demande d'éviter tout abus de langage en vue de maintenir le sérieux et de garantir la crédibilité de vos interventions dans cette rubrique. Les commentaires des visiteurs ne reflčtent pas nécessairement le point de vue de Tahalil et de ses journalistes.
Les commentaires insultants ou diffamatoires seront censurés.

TAHALIL 2006-2022 Tous droits reservés