Un cas d’esclavage présumé à Nouakchott : La justice classe le dossier    
26/04/2009

Les militants anti-esclavagistes ont découvert le mercredi 22 avril à Teyarett, un cas «avéré» d’esclavage. L’affaire fut portée devant les autorités compétentes de la moughataa de Teyarett.



Ces dernières ont saisi aussitôt leurs supérieurs hiérarchiques qui ont donné des instructions au Commissaire Yall Bocar Hacen de la Brigade des mineurs situé à la Socogim PS, d’entendre les mis en cause et de leur transmettre le dossier.

Le Commissariat des mineurs a été le théâtre d’une opération anti-esclavagiste. La scène était digne d’un film. C’est vers 20 heures le mercredi 22 avril que le Commissaire Yall Bocar s’en est saisi de l’affaire portant accusation à la famille d’Abderrahmane Ould Noureini de cas d’esclavage. « Quand l’affaire m’est parvenu, je saisi le procureur qui m’a instruit d’entendre les mis en cause et de lui transmettre le dossier. C’est ce que je suis en train de faire. J’ai convoqué le couple en question, la fillette et sa mère pour l’enquête. Pour le moment, l’enquête est en cours. Je vais la terminer et les envoyer tous devant le parquet Â» a déclaré le commissaire qui, visiblement travaille sous la pression car c’est le seul commissariat des mineurs qui existe dans le pays, nous a-t-il révélé. Toutefois, il faut souligner que l’enquête se fait en présence de l’assistant social de l’Ong « Terre des hommes Â» qui travaille en collaboration avec ce commissariat, des parents et de l’avocate Me Fatimata Mbaye. Nous avons tenté sans succès de nous rapprocher de la fille et de sa mère. Le commissaire s’étant opposé pour ne pas violer le secret de l’enquête.
Cependant, Biram Ould Dah Ould Abeid, activiste de l’Initiative de résistance abolitionniste (IRA) a tenu à expliquer les faits: « J’étais chez moi lorsqu’un membre de notre association (IRA) est venu porter devant moi cette affaire. Il me dit que c’est une famille dont le mari se nomme Abderrahmane Ould Noureini. Il a posé le problème qu’une jeune fille qui s’appelle Hanna Mint Mariya âgée d’environ 10 ans est retenue en esclavage par le couple Abderrahmane Ould Noureini. La mère de la fille se trouve à 37 km de Boutilimitt. C’est une esclave de la famille. Dans la coutume maure, quand une fille se marie, elle doit emmener avec elle un esclave ou une esclave. C’est pourquoi Toumena (fille de la famille Abderrahmane ndlr) a emmené la petite Hanna. Et on a constaté qu’hier soir (le mercredi 22 avrilndlr) la famille a eu vent que nous sommes sur l’affaire et a tenté de faire cacher l’enfant. Nous avons aussitôt porté l’affaire au niveau du préfet et du commissariat de Teyarett. Ils ont interpellé le couple et immédiatement il a reconnu les faits devant le commissaire et le préfet de Teyarett. Quant à la petite, elle disait qu’elle travaillait dans la maison où elle s’occupait des enfants, lavait les habits, faisait la cuisine, qu’elle n’allait pas à l’école et qu’elle n’avait pas de pièces d’Etat civil. Et le couple a reconnu que leur enfant qui avait le même âge que la petite Hanna allait à l’école. Il a confirmé que la fille n’avait pas de pièces d’état civil».
A la question de savoir si la petite n’a pas subi de sévices corporels ou un autre traitement similaire, Birame Ould Dah a déclaré que « nous pensons que la fille est exposée au viol comme toute fille esclave. Parce que le droit de cuissage du code musulman Malékite en vigueur en Mauritanie permet à tous les maîtres d’exploiter sexuellement toutes leurs esclaves femmes sans distinction de l’âge et du nombre de ces esclaves. C’est pourquoi nous avons demandé une réquisition d’un médecin pour voir si la petite n’a pas subi de sévices sexuels».
Au moment où nous étions au commissariat pour constater les faits, les activistes des associations anti-esclavagistes avaient mobilisé un pool d’avocats pour cette affaire. « Nous avons mobilisé nos avocats qui sont dans les locaux du commissariat et nous attendons que le ministère public, le procureur de la République prennent des dispositions pour transférer le dossier devant le tribunal», nous confie Birame Ould Dah.
Pour sa part, Boubacar Ould Messoud, président de SOS Esclaves confie : «je suis comme toujours sidéré, complètement surpris par la capacité des mauritaniens et des esclavagistes de vouloir toujours tromper tout le monde. Cette petite fille a été trouvée avec un couple qui n’est ni son père ni sa mère. Elle a déclaré qu’elle a 11 ans et qu’elle serait née en 1998. Elle n’a pas été à l’école. C’est elle qui fait le ménage. Hanna Mint Mariya, c’est son nom, dit aussi qu’elle est bien traitée. Elle porte le prénom de sa mère. Sur ce, tout le monde reconnaît qu’elle est de père inconnu. Elle a révélé aussi qu’elle a une sÅ“ur mariée et que l’épouse d’Abderrahmane est la maîtresse de leur mère. C’est elle qui l’a confiée à sa fille mariée Â». Pour le président de SOS Esclaves, des dispositions sont prises pour suivre de près le dossier. « Nous suivons l’affaire de près. Nous l’avons déjà porté à la connaissance des autorités compétentes parce que ce sont des allégations d’esclavage. Pour nous, il y a deux choses. C’est une esclave traditionnelle par ascendance et en situation de traite, c’est-à-dire de travail non rémunéré. Nous considérons qu’à son âge, son travail consisterait à balayer la maison. En tout cas, nous pensons que la fille était entre les mains des prétendus arabes qui n’ont aucune parenté avec elle et ne passent pas la nuit avec eux. D’ailleurs, selon la fille, elle passe la nuit sous la véranda. Ça, ce sont les premiers éléments que nous avons et l’enquête en cours révèlera le reste. De toute façon quelque soit la suite qui sera donnée à cette affaire, ceci est un cas avéré d’esclavage ou de traite d’enfant Â».
Compte rendu Ibou Badiane

    "La lutte pacifique contre l’esclavage n’a plus aucun sens"

L’affaire d’un couple de Mauritaniens accusés de pratiques esclavagistes sur une enfant de 10 ans et interpellés le 23 avril à Nouakchott a été classée sans suite par la justice, a appris l’AFP dimanche (25 avril) de source judiciaire. "Le substitut (du procureur) qui a mené son enquête (...) a conclu à une affaire de famille et a relâché le couple, classant l’affaire sans suite", a affirmé cette source.

La décision a suscité "l’indignation" de l’ONG Sos-Esclaves qui avait porté plainte et qui y a vu "un mépris total pour les droits des esclaves" a déclaré Birame Ould Abeid, haut responsable de l’organisation. " "La lutte pacifique contre l’esclavage n’a plus aucun sens" a-t-il ajouté, appelant ses partisans à "manifester devant les symboles qui en incarnent la pérennisation comme les mosquées, les palais de justice et autres centres de décisions". Le couple, l’enfant et sa mère avaient été présentés jeudi devant le procureur de Nouakchott qui les avait renvoyés à la police jusqu’au dimanche pour examen de leur cas. Le père incriminé a nié les faits, assurant que "des liens familiaux" s’étaient tissés entre sa famille et celle de la fillette. SOS Esclaves dénonce au contraire une "volonté de l’administration de banaliser l’affaire". L’ONG assure ainsi que "contrairement aux prétentions de ses maîtres, la fillette ne sait ni lire ni écrire". Longtemps couvert d’une chape de silence, l’esclavage a officiellement été aboli en Mauritanie en 1981. Un texte est en vigueur depuis 2008, mais il n’a jamais connu d’application stricte, affirme M. Ould Abeid. Les associations de défense des droits de l’Homme évoquent pour leur part une législation imprécise et qui prévoient des peines insuffisantes.(Afp)


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