Au lendemain d’une nouvelle répression d’une manifestation pacifique à Nouakchott, la capitale du pays, Amnesty International demande aux autorités mauritaniennes de respecter le droit à la liberté d’expression et de réunion de toute personne exprimant des revendications politiques sans recours à la violence.
En avril 2009, deux manifestations réunissant des partis politiques et des membres de la société civile ont été violemment réprimées. Les manifestants entendaient protester de manière pacifique contre le calendrier électoral imposé par les autorités qui ont pris le pouvoir suite au coup d’État militaire d’août 2008
La répression de ces deux dernières manifestations s’inscrit dans le cadre d’une décision prise par le gouverneur de Nouakchott, le 30 septembre 2008, de suspendre « toutes les manifestations à caractère politique devant être organisées sur la voie publique … jusqu’à nouvel ordre ». Cette décision porte atteinte à la liberté d’expression et de réunion inscrites dans la constitution mauritanienne en son article 10 et consacrées par les articles 19 et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par la Mauritanie le 17 février 2005.
Le 19 avril 2009, de nombreuses femmes parmi lesquelles des ex ministres, des députés et des défenseurs des droits humains, ont été frappées à coups de matraques, de ceinturons et de coups de pied. Ces femmes manifestaient de manière pacifique, à l’appel du Front national pour la défense de la démocratie (FNDD) et du Rassemblement des forces démocratiques (RFD) en faveur d’un retour à l’ordre constitutionnel et de la restauration de l’état de droit.
Les forces de l’ordre ont ainsi dispersé par la force un groupe de femmes qui voulaient organiser un sit-in le dimanche 19 avril 2009, devant le siège des Nations unies à Nouakchott. L’une des victimes de cette répression, Mme Nebghouha Mint Mohamed Vall, ex ministre de l’Éducation, a raconté à Amnesty International : « J’ai été frappée par les policiers. J’ai perdu mon voile, ma fille a essayé de le récupérer quand elle a également été battue ». Une autre manifestante, Chicha Mint Benna, fille de Mohamed El Hafedh Ould Denna, président du parti politique d’opposition, le Parti travailliste mauritanien (PTM) a perdu connaissance suite aux coups reçus et a dû être hospitalisée.
Les femmes qui ont organisé ce sit-in ont notifié à l’avance aux autorités mauritaniennes leur intention de remettre à un représentant des Nations unies à Nouakchott une lettre de protestation contre le calendrier électoral décidé de manière unilatérale par le gouvernement issu du coup d’État. Les autorités n’ont pas répondu à cette notification.
Deux semaines plus tôt, le 2 avril 2009, les forces de l’ordre ont réprimé avec violence une manifestation organisée par la Coordination des Forces Démocratiques (qui regroupe le FNDD, des centrales syndicales, des ONG de défense des droits humains et de la société civile). Les manifestants protestaient contre la décision d’organiser une élection présidentielle le 6 juin prochain, ce qu’ils considéraient comme une tentative visant à légitimer le coup d’État militaire de l’année passée.
Un défenseur des droits humains, Boubacar Messaoud, président de l’ONG SOS Esclaves, a été agressé lors cette manifestation par des policiers. Il a déclaré à Amnesty International : « Ils m’ont frappé à coups de matraque dans le dos. Ils ont continué à me rouer de coups jusqu’à ce que je perde connaissance. Le médecin qui m’a ausculté par la suite a dit que le coup reçu à la nuque aurait pu être mortel ».Par ailleurs, plusieurs députés dont Kobade Ould Cheick et Mohamed Moustapha Ould Bedredine reconnaissables à leur écharpe officielle ont été frappés, les forces de l’ordre leur ont lancé également des gaz lacrymogène.
CONTEXTE
Le 6 août 2008, plusieurs responsables de l’armée ont renversé le gouvernement mauritanien mis en place à la suite de l’élection présidentielle pluraliste de mars 2007. Le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a été arrêté et assigné à résidence dans son village natal durant quatre mois. Il n’a retrouvé la liberté de mouvement qu’en décembre 2008.
Un Haut conseil d’État composé de onze membres de l’armée a été mis en place par le général Mohamed Ould Abdel Aziz qui a dirigé le coup d’État. Le Haut conseil d’État s’est engagé à organiser des élections libres et transparentes « dans une période qui sera la plus courte possible». En janvier 2009, suite à des journées de concertation, appelées « états généraux de la démocratie » mais boycottées par plusieurs partis politiques, les nouvelles autorités ont annoncé la tenue d’une élection présidentielle le 6 juin 2009.
AFR 38/001/2009 (Document Public) 20 avril 2009
|