«Aucune indemnisation ne peut remplacer une vie humaine», déclare le Général Mohamed Ould Abdel Aziz, à Kaédi   
27/03/2009

La journée du 25 mars 2009 fera sans aucun doute partie des  dates majeures de la ville de Kaédi pour plusieurs symboles. Les mots prononcés par le Président du HCE, Chef de l’Etat et plusieurs orateurs pour sceller le règlement du passif humanitaire ajouté à la prière aux morts à l’aérodrome de Kaédi en restent les moments forts.



Ce matin du 25 mars 2009, à Kaédi, sur la route menant de l’entrée de la ville venant de Nouakchott, en passant par celle qui quitte l’aérodrome vers la résidence du Wali, des populations s’étaient déjà positionnées à  partir de 8 heures. Il a été dit que le Général Mohamed Ould Abdel Aziz arriverait à 9 heures. Le climat en ce jour s’est légèrement adouci. Le ciel était couvert. Il flottait comme un petit air d’hivernage. Sur les bords de la route de l’aérodrome, tout le gotha du Gorgol était là. Les Kaëdiens s’activent. La présence effective de l’Initiative «LE CONRET » était très visible à travers la présence de ses membres sur tout le long du parcours mais aussi à travers les banderoles que leurs amis tenaient et les tee-shirts que leurs jeunes arboraient. On remarquait aussi la présence de l’Ambassadeur du Sénégal, de plusieurs responsables d’organismes militants dans le cadre des droits de l’homme de plusieurs personnalités étatiques et de la société civile venues pour la circonstance. C’est à 11 heures 30 que le cortège présidentiel s’est immobilisé devant le camp de la Garde Nationale de Kaédi. Le Général Mohamed Ould Abdel Aziz a salué les personnalités présentes à l’accueil avant d’arpenter à pied la route menant à la résidence du Wali sous les youyous des populations. Une demi heure plus tard, le cortège a pris le chemin de l’aérodrome, cette fois en voiture. Sur place, une grande tribune richement décorée a été dressée. Le soleil est toujours discret mais la proximité des organismes  propage la sécheresse des gorges. Les bouteilles d’eau passent de mains en mains. Plusieurs personnes arrivées sur place le matin ont du battre en retraite sous l’effet de la soif. Il n’empêche, le gros de la troupe est toujours là. La cérémonie a été introduite par la lecture d’un verset du Saint Coran. Par la suite, le Maire de la ville de Kaédi, Sow Moussa Demba a fait une allocution dans la quelle il a qualifié le Président du HCE , Chef de l’Etat de «  messager de la paix, des laissés pour compte. » et de continuer parlant du passif humanitaire: « les victimes et la nation souhaitent la vérité, la justice et la réparation. Mais, réparation morale, paix des cÅ“urs et des esprits avant toute réparation matérielle. » Il a ensuite formulé quelques demandes au nom de la ville de Kaédi à savoir,  la réhabilitation des PPG, résolution du problème d’endettement, adduction en eau potable de Bélinabé et de Rindiao, bitumage du réseau routier de la ville de Kaédi, la réhabilitation de l’E. N. F.V.A et son fonctionnement normal, le rééquipement de la SONADER et les services agricoles ainsi que le chemin de fer Nouakchott Kaédi.

 

« Le COVIRE est heureux d’accueillir dans la capitale de Bosseya l’homme aux mains propres. »
 Ce fut ensuite au tour du Président de la Coordination des victimes et des réfugiés (COVIRE), Sy Abou Bocar de prononcer un mot dans lequel il est revenu sur la portée de cette journée : « Il s’agit d’exprimer suite aux années de plomb des décennies 80 et 90 solennellement, face aux mauritaniens, face au monde, les préoccupations majeures des victimes que nous sommes, nos grands besoins. Nos besoins qui se déclinent en besoins de mémoire, en besoin de réparation, de justice mais aussi en besoin de pardon. Depuis vingt ans que nous empruntons les mêmes moyens de transport que nos bourreaux, depuis vingt ans que nous les côtoyons au quotidien dans les rues et les mosquées, jamais il n’y a eu de vengeance privée, jamais il n’y a eu de vindicte privée. Nous étions prêts à octroyer le pardon même du temps de Taya. Il eut simplement fallu qu’on nous le demandât solennellement. Aussi, nous COVIRE, sommes heureux d’accueillir dans la capitale du Bosseya l’homme aux mains propres, mû par le désir de réconcilier les Mauritaniens avec les Mauritaniens. » Mohamed Lemine  Ould Dadde, le commissaire aux droits de l’homme et de la société civile a à son tour pris la parole pour saluer la portée de cette cérémonie : « Kaédi est en ce jour le lieu vers où convergent tous les mauritaniens aujourd’hui. C’est le temps de dépasser l’intolérance, la xénophobie. Le 25 mars 2009 restera une date historique car elle aura permis le règlement du passif humanitaire. » Parlant du Général Mohamed Ould Abdel Aziz, il ajoute : «   Par notre volonté nous nous tournons vers la démocratie. L’Histoire retiendra votre volonté de reconnaître la responsabilité de l’Etat mauritanien dans ces événements. Un devoir de mémoire nous incombe tous. "

 

Quand Maître Bal plaide et gagne… les cœurs

  Bal Amadou Tidjane, Ministre de la Justice lui a succédé au podium pour faire une allocution par moments très vibrante et suscitant l’acclamation générale. Apostrophant le Général: « Permettez moi de violer un secret : quand vous m’avez fait l’honneur de m’associer à votre équipe, vous m’avez dit ceci : aucune mauvaise gestion ne doit plus être tolérée. Si vous êtes là, vous restez logique. Vous êtes conséquent. Nous avons choisi de régler le passif humanitaire à nos conditions et à notre rythme. L’Islam a été une base pour nous pour prôner la réconciliation. Personne ne pourra dire que nous avons transgressé la loi. Vous auriez pu choisir la facilité mais vous avez préféré dire : je ne suis pas responsable mais je suis obligé de participer au règlement du passif au nom de l’unité nationale. Quant aux victimes, ils n’ont jamais marchandé leur indemnisation. Le véritable salaire que nous attendions est l’unité nationale. L’Histoire retiendra que vous avez écrit une page indélébile de Kaédi en y prononçant le règlement du passif humanitaire. » Un tonnerre d’applaudissements a accompagné la fin de l’intervention du ministre qui a été salué par le Général au moment où il regagnait son siège. Le Président du HCE, Chef de l’Etat s’est levé et s’est adressé aux populations : « Je tiens à féliciter les populations du Gorgol. Je remercie particulièrement la jeunesse sur laquelle je fonde beaucoup d’espoir. Je ne crois faire qu’une chose, mon devoir face à la barbarie et l’affliction de l’homme. Je suis à la fois triste et heureux pour la veuve et l’orphelin. La parole de Dieu a été bafouée. Dieu n’a-t-il pas dit : « Ne tuez point les hommes sinon que pour une cause juste ». Je suis heureux de la magnanimité des victimes de COVIRE. Heureux parce qu’ils ont donné le bon exemple basé sur le Saint Coran reposant sur le pardon et la tolérance. » Il a ponctué cette partie par une assertion en pulaar avant de poursuivre : « L’Histoire n’est pas faite que de joie. La sagesse et la raison nous ont toujours réconciliées.  Nous avons décidé de panser nos plaies béantes. Aucune indemnisation ne remplace une vie humaine. S’ils ont accepté c’est qu’ils ont accepté le pardon. Qu’ils sachent que nous sommes là pour mettre fin à leurs souffrances. Ce qui a été fait est étranger à nos valeurs. Cela ne se reproduirait plus jamais. Quant aux doléances du Maire, des solutions vont être apportées aux besoins exprimés dans les meilleurs délais.»

 Alioune Tine : «Le seul fait d’en parler relève d’un grand courage»

Alioune Tine, Secrétaire Général de la RADDHO présent à la cérémonie nous a confié : « Nous sommes pour toute approche qui met en avant le consensus. La cohésion et l’unité doivent être tenues en compte. Le problème n’est pas facile. Le seul fait d’en parler relève d’un grand courage. Nous recommandons d’aller jusqu’au bout en écoutant les victimes. Le devoir de mémoire appelle le pardon. » A 13 30 minutes, la prière aux morts a été dirigée par El Hadj Tidjani Alpha Diagana, Imam de la ville de Kaédi. Ce fut un des  temps forts de cette cérémonie empreinte de gravité et de ferveur. Chacun est  reparti avec le sentiment d’avoir vécu un moment très important. Après quelques instants de repos à la résidence du Wali, le cortège présidentiel est parti en direction de Maghama.
 
Biri N’Diaye envoyé spécial


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