L’opération française engagée contre les rebelles islamistes au Mali a pris un nouveau tournant avec le déploiement de militaires français en soutien à l’armée malienne, au moment où les chefs d’état-major ouest-africains poursuivaient, mercredi 16 janvier, leur réunion à Bamako, pour préparer l’envoi d’une force Africaine.
Après les bombardements aériens menés depuis le 11 janvier pour stopper la progression des islamistes vers le sud du Mali, la France a engagé des troupes terrestres qui sont en train de remonter vers le nord-ouest en vue de reprendre les localités de Konna (toujours entre les mains des islamistes malgré l’annonce de sa ibération) et celle de Diabali (Ouest du Mali) où les islamistes résistent toujours. "C’est un peu plus difficile à l’ouest, où nous avons les groupes les plus durs, les plus fanatiques, les mieux organisés, les plus déterminés et les mieux armés. " reconnaissait mardi 15 janvier Le Drian ministre Français de la défense.
Plus au nord du Nord-Mali , les islamistes du groupe "Belmokhtar" ayant des bases-arriere au Mali, ont attaqué le 16 janvier une base de vie de British Petroleum dans le sud de l’Algérie et pris en otage plusieurs de ses employés, notamment de nationalités britannique, norvégienne, americaine, française et japonaise. Il s’agit de représailles à l’intervention française au Mali selon un porte-parole des assaillants, cité par deux sites d’informations mauritaniens a avancé le chiffre de 41 otages. «Nous détenons 41 otages. Cette opération intervient en réaction à l’ingérence flagrante de l’Algérie autorisant l’usage de son espace aérien par l’aviation française pour mener des raids contre le nord du Mali», a-t-il indiqué. Une opération de l’armée algérienne est en cours contre les assaillants. L’attaque a eu lieu dans la ville de In Amenas, près de la frontière avec la Libye.
La Mauritanie a placé mardi le statut de "zones militaires" ses régions frontalières du Mali, où l’armée française poursuivait ses frappes aériennes contre les islamistes. Les zones aux frontières sont désormais placées sous l’autorité de l’armée, qui délivre seule les autorisations d’entrée et de sortie et contrôle les identités des personnes souhaitant se déplacer. La veille une source militaire mauritanienne avait déjà fait état d’un redéploiement de l’armée mauritanienne, pour "boucler la frontière" avec le Mali.
François Hollande a déclaré mardi que la France, restera au Mali jusqu’à sa stabilisation politique et sécuritaire. Plus de 800 soldats français sur les 2.500 prévus sont d’ores et déjà déployés au Mali. L’intervention française aurait trois objectifs: "Arrêter l’agression terroriste", "sécuriser Bamako" et permettre au Mali de préserver son "intégrité territoriale", a déclaré le président François Hollande, en déplacement à Dubaï. "La France n’a pas vocation à rester au Mali mais nous avons un objectif, c’est de faire en sorte que lorsque nous partirons il y ait une sécurité au Mali, des autorités légitimes, un processus électoral et plus de terroristes", a-t-il souligné.
La Cédéao doit former une force d’intervention contre les islamistes du Nord, conformément à une résolution de l’ONU. Baptisée Misma (Force internationale de soutien au Mali), cette force sera dirigée par un général nigérian, Shehu Abdulkadir. Le Nigeria doit fournir 900 hommes, et les premiers arriveront "dans les prochaines 24 heures", selon Abuja. Le Niger, le Burkina Faso, le Togo et le Sénégal ont également annoncé l’envoi d’environ 500 hommes, le Bénin 300, la Guinée et le Ghana une centaine chacun.
A New York, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a exprimé son soutien à l’opération française, tout en soulignant la nécessité d’une réconciliation politique dans le pays. L’Unesco a appelé mardi les forces militaire maliennes et françaises à protéger le patrimoine culturel du Mali. Mais le secrétaire général de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) Ekmeleddin Ihsanoglu a appelé le 15 janvier à un "cessez-le-feu immédiat" au Mali, membre de l’organisation, et à un retour aux négociations avec les islamistes.
Le Département d’Etat américain a félicité la France pour son intervention militaire contre des groupes "terroristes" au Mali, précisant que les Etats-Unis fournissaient déjà à leurs alliés français une aide en matière de renseignement. "Il est absolument crucial de stopper l’offensive de groupes terroristes vers le Sud du Mali, d’empêcher l’effondrement du gouvernement et d’accélérer l’application des résolutions du Conseil de sécurité", a déclaré la porte-parole du département d’Etat Victoria Nuland, ajoutant que les Etats-Unis "accueillaient très favorablement" l’action militaire française. L’intervention militaire française au Mali fait les affaires de Washington, réticent à s’engager directement dans un nouveau conflit, préférant se cantonner à une aide logistique et à la formation de l’armée malienne. Les responsables américains ont fait clairement comprendre qu’il n’était pas question pour l’administration Obama de s’engager plus avant dans un nouveau conflit alors que les Etats-Unis commencent à voir le bout du tunnel en Afghanistan.
Des discussions sont présentement menées à Bruxelles pour permettre aux ministres européens des Affaires étrangères de s’entendre jeudi 17 janvier sur un lancement accéléré de la mission de l’UE au Mali et sur le soutien à la force d’intervention africaine dans le pays. Les ministres devront à l’issue de la réunion établir formellement, avec une semaine d’avance sur le calendrier prévu, la mission EUTM qui vise à déployer quelque 500 militaires européens, dont 200 instructeurs, afin de former, réorganiser et conseiller l’armée malienne. "Cela permettrait de déployer les formateurs à partir de la mi-février", a souligné un responsable. Le chef de la mission, le général français François Lecointre, pourrait également être officiellement nommé jeudi et devrait se rendre dimanche 20 janvier à Bamako afin de finaliser la planification. Une dizaine de pays européens ont annoncé leur intention de participer à cette mission, dont le budget a été réévalué à 12 millions d’euros, hors charges liées au personnel, pour un mandat de 15 mois.
La chancelière allemande Angela Merkel a confirmé mardi 15 janvier que Berlin envisageait une aide logistique ou humanitaire pour l’intervention militaire française au Mali, dans une interview à la radio. "Nous réfléchissons si nous allons apporter un soutien logistique ou une aide humanitaire", a déclaré la chancelière dans un entretien avec la radio allemande NDR Info. C’est la première fois que Mme Merkel s’exprime sur le Mali depuis le début des opérations militaires contre des groupes islamistes la semaine dernière. Selon des extraits fournis à l’avance par la radio, la chancelière a à nouveau exclu toute participation allemande aux combats contre des groupes islamistes qui ont pris le contrôle du Nord du Mali depuis avril 2012. Mme Merkel a rappelé que l’Allemagne "est très active militairement à d’autres endroits, comme par exemple en Afghanistan ou au Kosovo, où d’autres pays ne sont pas aussi actifs".
La Belgique a décidé le même de soutenir l’intervention française au Mali en déployant deux avions de transport C-130 et deux hélicoptères d’évacuation sanitaire. "La Belgique apporte un soutien logistique dans la lutte contre le terrorisme" au Mali, a déclaré le Premier ministre Elio Di Rupo à l’issue d’une réunion restreinte de son gouvernement consacrée au Mali. Le royaume a répondu à une demande de la France en déployant deux C-130 pour le transport aérien stratégique et tactique. "Ils seront opérationnels après-demain (jeudi) matin", selon le ministre de la Défense Pieter De Crem. La Belgique enverra également, dans un deuxième temps, un hélicoptère A-109 médicalisé et un hélicoptère de réserve pour l’évacuation de blessés. Environ 75 militaires belges participeront à cette opération et "partiront dans les prochaines heures et prochains jours en direction d’Abidjan et Bamako pour commencer leur mission", selon le ministère de la Défense. Ces hommes ne seront pas impliqués dans des opérations de combat. Le gouvernement évaluera son engagement "fin février, début mars", a indiqué M. De Crem. Son homologue Didier Reynders, en charge des Affaires étrangères, a souligné que l’objectif était que l’opération française cède "le plus vite possible le relais à une opération internationale où nous continuerions à jouer un rôle".
Le président français François Hollande a annoncé lors de son séjour à Dubaï que le Maroc et l’Algérie avaient autorisé le survol de leur territoire par les avions militaires français engagés au Mali. "Le président Bouteflika a autorisé le survol de l’Algérie par un certain nombre de nos avions", a confirmé M. Hollande lors d’une conférence de presse. "Le Maroc nous a autorisés également à survoler son territoire". L’Algérie a également fermé sa frontière pour couper la route aux jihadistes voulant s’y réfugier, a rappelé le chef de l’Etat français. Il a ajouté que son homologue mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, qu’il a rencontré mardi 15 janvier à Abou Dhabi, "a déjà pris une décision qui est de sécuriser sa frontière avec le Mali, donc de la fermer dans l’hypothèse où des terroristes voudraient s’y réfugier".
"Les autorités des Emirats m’ont apporté tout leur soutien pour l’opération que nous conduisons", a dit M. Hollande lors d’une conférence de presse à Dubaï après des entretiens avec les responsables émiratis. Il a précisé qu’Abou Dhabi apporterait "une aide humanitaire, matérielle, financière et éventuellement militaire". Selon lui, les autorités des Emirats arabes unis "auront à déterminer ce qu’(elles) veulent pour nous soutenir". Plus tôt, M. Hollande a évoqué une participation du Tchad et des Emirats "soit sur le plan logistique, soit sur le plan financier", à l’opération lancée le 11 janvier. "Il est possible que les Emirats décident immédiatement d’intervenir, soit sur le plan logistique, soit sur le plan financier pour appuyer" l’intervention au Mali, a affirmé M. Hollande qui a rencontré son homologue émirati, cheikh Khalifa ben Zayed Al Nahyane.
L’Organisation de la coopération islamique (OCI) a déclaré mercredi 16 janvier soutenir les actions visant au recouvrement de l’intégrité territoriale du Mali, revenant ainsi sur son appel à un "cessez-le-feu immédiat" après le lancement d’une opération française. Le secrétaire général de l’OCI, Ekmeleddin Ihsanoglu, a affirmé, dans un communiqué, son "soutien total et sa solidarité avec la République du Mali dans ses efforts pour récupérer les zones nord sous contrôle de groupes armés afin de restaurer son unité nationale et recouvrer son unité territoriale". M. Ihsanoglu a assuré soutenir la résolution 2085 du Conseil de sécurité de l’ONU autorisant le déploiement d’une force africaine au Mali. Il a accueilli avec satisfaction l’annonce de l’envoi de troupes de plusieurs Etats africains et appelé à toute forme d’assistance à cette force pour l’aider à "remplir son mandat consistant à préserver la paix et la stabilité de toute la région". Ces déclarations marquent un changement de position du chef de l’OCI, qui avait appelé mardi à un "cessez-le-feu immédiat" au Mali et à un retour aux négociations entre autorités maliennes et islamistes contrôlant le nord du Mali. L’OCI, basée à Jeddah, en Arabie saoudite, regroupe 57 pays, dont le Mali.
Paris a adressé mardi un "message de vigilance" à ses ambassades dans le monde pour détecter d’éventuelles réactions hostiles liées à l’intervention militaire française au Mali, a indiqué mercredi soir le ministère des Affaires étrangères. "Un message général de vigilance a été adressé à nos ambassades et un point est en train d’être fait avec elles", a indiqué à l’AFP une source diplomatique au ministère. Ce "message de vigilance" préconise des "mesures habituelles de veille" pour détecter s’il y a des réactions hostiles à la France et donne des conseils aux agents d’ambassade et aux Français pour qu’ils évitent les attroupements, par exemple, a-t-on indiqué de même source.
L’ONG Action contre la Faim (ACF) a annoncé le 15 janvier la suspension, "pour raisons de sécurité", de ses programmes dans la région de Gao, dans le nord du Mali, en raison des raids aériens français destinés à déloger les islamistes qui contrôlaient ces zones depuis plus de neuf mois. "Alors que le conflit au Mali entre dans une nouvelle phase, Action contre la Faim a dû suspendre temporairement ses programmes dans la région de Gao", affirme l’organisation dans un communiqué transmis à l’AFP à Dakar. Cette suspension a été décidée "pour des raisons de sécurité", précise l’ONG, qui intervenait notamment pour "le traitement d’enfants sous-nutris" à l’hôpital région et dans des centres de santé départementaux. Selon ACF, "la nouvelle phase du conflit qui sévit aujourd’hui au Mali aggrave une situation déjà précaire dans le pays, et entrave l’action humanitaire". Elle "s’inquiète des conséquences des affrontements sur la population déjà fragilisée", non seulement pour le centre du pays où les combats ont lieu, mais également dans le Nord, qui se trouve encore plus isolé, et auprès des populations déplacées dans les pays voisins".
Les députés européens ont exprimé le15 janvier leur soutien à l’intervention française au Mali en regrettant l’incapacité de l’Union européenne à agir collectivement pour assurer la sécurité à sa porte. La Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangéres, Catherine Ashton, a remercié les Etats membres engagés au Mali "et notamment la France" avant d’annoncer l’adoption prochaine par l’UE d’un plan de soutien logistique et humanitaire à Bamako. "Si j’étais méchant, je dirais : on dit aux Français ’on va vous donner les infirmières et allez vous faire tuer là -bas", a répliqué le coprésident des Verts, Daniel Cohn-Bendit, en exprimant son soutien à l’intervention militaire de Paris. "Nous n’avons pas une force d’intervention civile ou militaire européenne et c’est là que le bât blesse", a-t-il ajouté en soulignant la difficulté pour la France d’intervenir seule dans un pays qui la raméne à son passé colonial. Son collégue de l’UMP Arnaud Danjean a déploré sur le même ton l’inaction de l’Union européenne alors qu’elle a adopté il y a deux ans, dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune, "une stratégie Sahel qui intégre un volet sécuritaire qui identifie clairement les menaces et qui identifie clairement aussi le besoin que nous aurons un jour d’une action robuste." "J’aurais souhaité que des menaces communes appellent des réponses communes", a déclaré de son coté Michael Gahler, un élu chrétien-démocrate allemand. "Un Etat membre a demandé un soutien mais nous n’avons pas de forces de défense européennes", a réagi Catherine Ashton. Synthèse IOM Sources: Agences
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