Al Qaida au maghreb islamique (Aqmi) vient de désigner l’algérien Djamal Okacha dit Yahya Abou El Hemmam comme émir du Sahara, une zone qui couvre le sud de l’Algérie et les pays du Sahel. A 34 ans, il a déjà un parcours exceptionnel et va diriger les quatre katibas d’Aqmi au Sahel dont deux sont dirigés par ses doyens Abou Zeid né...
...en 1965 et Belmokhtar né en 1972 . Il devra pour éviter le cumul, céder son poste de commandement à Alfourghane et se limiter à « katibate Al jund», une sorte de compagnie du quartier général . Abou El Hemmam, remplace Moussa Abou Daoud désigné début 2011 à la place du premier émir du Sahara Yahya Jouadi dit Abou Ammar, nommé en 2008 et revenu en Algérie après un long séjour au nord-Mali.
Abou Daoud n’a pu faire le déplacement de l’Algérie vers le Mali. La déconvenue d’Abderrahmane Abou Ishagh le chef du parlement d’Aqmi , l’a certainement découragé. Il n’a donc pas pu rejoindre son adjoint l’artificier Nabil Abou Alqama mort récemment dans un accident de voiture survenu dans la région de Gao. Abou El Hemmam dirige depuis 2009 Seriyat Alfourghane , créée en même temps que Seriyat Alansar l’unique Katiba d’Aqmi à être dirigée par un Touareg, laquelle, se serait fondue en mars 2012 au sein du groupe salafiste Touareg Ansardine. Yahya, devient émir d’un Sahel, où Aqmi a une position dominante au nord-Mali qu’elle contrôle depuis avril 2012 avec son allié Ansardine et son excroissance, le Mujao. Abou El Hemmam a une expérience de 8 ans au nord-Mali où il était venu en 2004 du temps de l’ex-Gspc avec Abderrazak El Para. Il n’était pas parmi les combattants du Gspc qui s’étaient aventurés au Tibesti avec El Para et qui furent décimés par les rebelles Toubous. Mais il semble qu’il a pris part aux représailles menées par l’ex- Gspc contre ces rebelles Tchadiens quelques mois après. Son arrivée au Mali a précédé d’une année la création des premiers katibas : Al Moulethemoun et Tarigh ibn Ziyad . C’est au sein de ces Katibas qu’il participé en juin 2005 à l’attaque de Lemghetity qui a couté la vie à 17 soldats Mauritaniens . Il était aussi le chef du groupe armé qui a tué trois soldats mauritaniens à El Ghallawiye en décembre 2007, une année après la métamorphose du Gspc en Aqmi . A ce sanglant palmarès s’ajoute sa participation à l’attaque de Tourine qui a couté la vie à 12 soldats mauritaniens en septembre 2008 à laquelle tous les émirs d’Aqmi au Sahel avaient participé, à l’exception de Belmokhtar.
Par la suite, Abou El Hemmam semble avoir été chargé exclusivement de notre pays . C’est lui qui envoie en juin 2009 un jeune mauritanien monter une «cellule d’exécution des occidentaux» vivant en Mauritanie. A son actif, l’assassinat de l’américain Christopher Legget. Deux mois après, en aout 2009, Abou El Hemmam envoie un kamikaze mauritanien, Moussa Albasri, sur l’ambassade de France en Mauritanie. Moussa meurt dans l’explosion qui a blessé deux gendarmes français. Décembre 2009, jaloux du succès de Belmokhtar qui a fait enlever des espagnols en Mauritanie par des mercenaires, Abou El Hemmam lui donne une leçon de courage, en poussant l’audace jusqu’à venir lui-même kidnapper un couple d’italiens à proximité de Kobenni. Son complice malien dans cette opération est arrêté 24 heures après l’enlèvement.
Au milieu de 2010 il prépare une attaque contre Bassiknou mais un raid victorieux est mené en juillet 2010 par l’armée mauritanienne appuyée par des militaires français contre la base d’Aqmi au nord-Mali d’où se préparait l’ attaque. En représailles, Abou El Hemmam enverra un deuxième kamikaze mauritanien Abou Ishagh qui fera exploser son véhicule piégé en aout 2010 devant le portail d’une caserne à Nema.
Le raid de juillet 2010 fut un véritable tournant dans la stratégie de défense et de sécurité de la Mauritanie, devenue défensive offensive et dynamique. L’armée nationale a décidé depuis lors d’attaquer au lieu de se défendre. Elle re-déplace en septembre 2010 le champ de bataille au nord de Tombouctou, précisément à Hassi Sidi où nos militaires essuient de lourdes pertes, mais infligent enfin de compte une cuisante défaite à un groupement des Katibas d’Aqmi dirigé Abou El Hemmam (encore lui) qui fut grièvement blessé lors des affrontements et ne dût son salut qu’à l’enlèvement d’un infirmier de Tombouctou qui était resté de longues semaines à son chevet.
La fin de l’année 2010 s’est achevée sans qu’Abou El Hemmam ne donne signe vie. Il n’est même pas associé aux préparatifs de l’attentat aux voitures piégées planifié par Belmokhtar et Abou Nabil Alqama et déjoué en février 2011 aux portes de Nouakchott.
Il ne reprendra service qu’en juillet 2011 lors de l’attaque avortée contre la caserne de Bassiknou dans laquelle Aqmi n’a réalisé aucun objectif, ses combattants ayant même pris la poudre d’escampette laissant sur le terrain l’un de leurs meilleurs commandos : l’Algérien Eness Abou Fatima.
Les éléments d’Abou El Hemmam se terrent par la suite dans la forêt de Ouagadou où ils sont continuellement harcelés par l’aviation mauritanienne et les groupes de chocs de l’armée nationale. Ils la quittent définitivement et reviennent aux enlèvements moins risqués que les attaques frontales, avec le rapt en octobre 2011 d’un gendarme mauritanien à Adel Begrou, libéré contre le compagnon d’Abou Al Hemmam dans le rapt des italiens .
Puis c’est la chute de Kadhafi et les opportunités que cela a offert à Aqmi dont les combattants participent au soulèvement armé et pillent les arsenaux libyens qu’ils transportent en partie au Nord-Mali.
Avec cet arsenal et après le putsch qui a déposé le 22 mars le président ATT, un allié objectif d’Aqmi, cette dernière monte au créneau, chasse les rebelles du MNLA et se partage les grandes villes du nord-Mali avec ses alliés .
On parle depuis lors , d’affluence des jihadistes de tous les coins du monde, du Boko haram, des Shebab, d’Aqpa, mais aussi de Libye de Tunisie et du Pakistan.
On parle aussi du recrutement de soldats enfants fanatisés.
Les nouvelles autorités maliennes qui critiquaient la faiblesse d’ATT n’ont guère fait bouger le petit doigt et attendent toujours que les autres fassent le boulot à leur place. Ils lorgent du coté de la Cédéao , des USA et de la France . Une invite à l’internationalisation dont le Sahel pourra bien se passer et qui fait en réalité le jeu des jihadistes imbattables avec leur mode de guérilla.
Les groupes islamistes armés au pouvoir au nord-Mali par la force, exactement comme le sont, les putschistes du 22 mars au Sud du Mali, vont certainement être dégagés des grandes agglomérations. Mais est ce suffisant ?
Ils reviendront au Tegharghart, au Timétrine et aux Monts Zagag où ils resteront menaçants et indélogeables. Bamako et ses alliés auront une marge de manœuvre réduite , d’autant plus que les attentats qui surviendront au déclenchement des hostillités, joueront leurs effets sur le moral . Abou El Hemmam est nommé dans ce nouveau contexte d’internationalisation. Sorti d’une longue clandestinité, il est à la tête d’une véritable administration et d’une armée aguerrie, ayant l’avantage de la parfaite connaissance du terrain et ne manquant surtout pas de candidats à la mort.
Il se prépare à mériter son nouveau poste et à faire le boulot que ses chefs attendent de lui : faire face aux attaques ennemies et assener de terribles coups. Il va y avoir du sport. IOM
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