Face au risque sécuritaire grandissant au Sahel, la Mauritanie fait figure d’exemple dans sa lutte contre les mouvements jihadistes. Le dispositif conjoint de sécurité et de développement, bien qu’imparfait, apporte des résultats tangibles dans ces zones reculées. Reportage.
Battue par les vents, l’immensitĂ© du dĂ©sert de sable ocre dĂ©voile son manteau rocheux qui noircit l’horizon. Cet espace de libertĂ© ne connaĂ®t pas de frontière, Ă l’instar de la culture nomade, rythmĂ©e par l’élevage et la transhumance. À 1 200 kilomètres Ă l’est de la capitale, Nouakchott, après avoir franchi un dernier check point, l’asphalte laisse place Ă une piste qui rejoint le village d’Achemim. Le groupement nomade sillonne le dĂ©sert Le pays des Maures, dotĂ© d’une superficie deux fois supĂ©rieure Ă celle la France, y a implantĂ© un centre de formation du groupement nomade (GN), branche de la garde nationale. Créées par l’armĂ©e française en 1912, ces unitĂ©s mĂ©haristes sillonnent le dĂ©sert en chameau pendant des mois. Ce modus operandi a Ă©tĂ© relancĂ© grâce Ă des financements de l’UE au dĂ©but des annĂ©es 2000. Une approche que soutient le GĂ©nĂ©ral Yacoub Ould Amar Beyatt. « L’idĂ©e laissant Ă penser que les problèmes de dĂ©fense exigent une rĂ©ponse strictement militaire est rĂ©volue », indiquait-il, fin janvier, micro en main et en tenue militaire. Le projet baptisĂ© Ghawdat, mĂ©hari en arabe, est conduit par l’institut Themiis, qui a facilitĂ© Les hommes du GN ont aussi pour mission de rĂ©gler les conflits entre Ă©leveurs, de curer les puits, et d’assurer des soins mĂ©dicaux basiques. Un modèle qui n’a donc rien de folklorique, selon le colonel Cheikh Chrouf, vĂ©tĂ©ran des guerres contre le Front Polisario, en 1976, et le SĂ©nĂ©gal, en 1989. « Le GN permet d’être en contact avec les populations des zones les plus enclavĂ©es ». 50 Ă©lèves par classe À Achemim, les habitants vivent le plus souvent dans des tentes traditionnelles, les khaimas, symbole de la culture nomade. Sous l’une d’elles, ce jour-lĂ , l’ambiance est grave. Toute la famille de Ahmedou Amadou est rassemblĂ©e. « Cela fait cinq ans que mon fils est malade, il souffre d’une tumeur au cerveau », s’émeut Myriam, sa mère, drapĂ©e dans un voile violet. Le jeune homme de 21 ans tremble de tout son corps et son visage est livide. « Chaque boĂ®te de mĂ©dicaments coĂ»te cinquante euros », reprend la femme. Impuissant, Sidi Mohamed Ould, le maire du village, qui porte l’étendard mauritanien en bandoulière, ne peut que compatir. Si l’édile est satisfait de l’implantation du groupement nomade, les conditions de vie dans le village demeurent difficiles. À 50 Ă©lèves par classe, et assis dans le sable, les Ă©lèves assistent aux enseignements dans un bâtiment dĂ©cati, dont la toiture en tĂ´le laisse filtrer les rayons du soleil. « Nous manquons de livres, de stylos et de cahiers », ajoute Hamadie Cheikh, le chef de l’établissement.
« 30 km pour trouver un prĂ© » MalgrĂ© ces failles, les habitants d’Achemine restent relativement bien lotis, car Ă©quipĂ©s d’électricitĂ© et de puits fournis en eau. Quelques tomates, aubergines, carottes et chou transforment parfois le dĂ©sert en jardin. Ces infrastructures sont inexistantes dans les confins dĂ©sertiques sahĂ©liens, oĂą les habitants ne savent que rarement lire ou compter. À une heure de piste, le dĂ©sert se transforme en savane sèche. Acacias et pâturages s’accumulent. Les bergers comme Yupa Sid Brahim ne sont jamais loin du troupeau. « Je dois faire plus de 30 kilomètres pour trouver un prĂ© vierge », dĂ©taille cet homme Ă la silhouette amaigrie. Originaire du Mali, il touche 3 000 ouguiyas par mois, environ 80 euros, pour gĂ©rer ce bĂ©tail. « La zone frontalière est très dangereuse », reprend-il. Pour preuve : du cĂ´tĂ© malien, mercredi 19 janvier, sept citoyens mauritaniens ont Ă©tĂ© tuĂ©s dans une exaction qui porte la marque de l’armĂ©e malienne, selon les familles.
Plus d’attentat depuis 2011 Nbeiket Laouach est la dernière étape avant le Mali. C’est là , dans un campement rustique que la force conjointe du G5 Sahel - Niger, Burkina Faso, Tchad et Mali - abrite 700 soldats. Les véhicules tout-terrain sont équipés de mitrailleuses M80 ; et les hommes, de kalachnikovs et RPG7. Ces unités mobiles ont remplacé les formations lourdes et inadaptées au modèle de lutte contre les groupes armés. Tandis que les unités méharistes jouent un rôle de police de proximité et d’aide aux populations, ces escadrons motorisés sont quant à eux destinés exclusivement à un usage militaire. Grâce à cette stratégie, couplée à l’amnistie de certains jihadistes repentis, la République islamique de Mauritanie, qui applique une charia modérée, n’a plus connu d’attentat depuis 2011. letelegramme
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