Alors que l’intervention internationale au Mali a débuté il y a précisément deux ans, le 11 janvier 2013, le redéploiement des jihadistes d’Aqmi au nord de Tombouctou est de plus en plus sensible. Avec un nombre croissant d’attaques à la clé.
Début décembre, plusieurs commerçants transsahariens ont fait état de la présence massive de combattants d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) dans la région de Tombouctou, et plus précisément du côté de la frontière avec la Mauritanie. Abdalahi Ould Ali est un commerçant de farine de blé. Il utilise fréquemment les routes du désert pour relier la Mauritanie à l’Algérie, via Tombouctou. Il confie avoir rencontré à plusieurs reprises les jihadistes au Nord-Ouest de Tombouctou. La dernière fois, c’était mi-décembre, alors qu’il quittait Bassikounou, en Mauritanie, pour rejoindre El Khalil, en Algérie. "Nous venions de traverser les montagnes situées sur la frontière entre le Mali et la Mauritanie [massif du Tibesti, NDLR] et on se dirigeait vers le site Hassi Sidi [à 110km au Nord-Ouest de Tombouctou, NDLR] quand soudain, nous croisons plusieurs pick-up camouflés avec de la boue boue grise, roulant doucement et se dirigeant vers la frontière." "Les occupants étaient des hommes en armes, habillés en tenues de camouflage grises comme la couleur des montagnes de la région, poursuit-il. Il n’y avait aucun doute possible, il s’agissait bien des combattants d’Aqmi qui sont dans cette zone. D’habitude, on ne s’arrête que s’ils nous le demandent, ce qui ne fut pas le cas cette fois-ci", explique le commerçant d’une cinquantaine d’années.
Intimidations et enlèvement Tous ceux qui croisent la route des jihadistes n’ont pas forcĂ©ment la vie sauve. Selon une source sĂ©curitaire Ă Bamako, Aqmi est revenu Ă son dispositif d’avant 2012, mĂŞme si le nombre de ses combattants s’est rĂ©duit aux alentours de 300 selon plusieurs sources. "Ils distribuent des tracts pour intimider les populations et enlèvent les personnes qu’ils suspectent d’espionnage au compte de tel ou tel pays qui les combat. Ce fut le cas d’un jeune Touareg qu’ils ont ensuite tuĂ© au mois d’octobre 2014 Ă l’Ouest de Tombouctou", assure la mĂŞme source sĂ©curitaire. Les combattants d’Aqmi sont si nombreux qu’ils nous apparaissent comme les arbres d’une forĂŞt qui aurait repoussĂ© du jour au lendemain, tĂ©moigne un Ă©lu de la rĂ©gion. "Les combattants d’Aqmi sont si nombreux dans la rĂ©gion de Tombouctou, qu’ils nous apparaissent comme les arbres d’une forĂŞt qui aurait repoussĂ© du jour au lendemain", s’étonne un Ă©lu de la commune de Salam qui a requis l’anonymat. "À ce rythme, Aqmi risque mĂŞme de construire des casernes dans ces montagnes", renchĂ©rit une deuxième source sĂ©curitaire. Qui sont ces jihadistes ? D’oĂą viennent-ils ? Pour un haut gradĂ© d’un pays voisin du Mali, il n’y a pas de nouveau combattants Ă©trangers venus rĂ©cemment grossir les rangs jihadistes, il s’agit toujours des hommes de l’AlgĂ©rien Yahya Abou El Hammam, chef d’Aqmi au Sahara, qui sortent de leur cachette. CoopĂ©ration rĂ©gionale "Le 11 janvier 2013, lorsque la France a dĂ©clenchĂ© l’opĂ©ration Serval, Paris avait rapidement dĂ©ployĂ© 4 000 hommes sur le seul territoire malien, aujourd’hui, Barkhane n’en a que 3 000 pour cinq pays, de la Mauritanie au Tchad en passant par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, explique l’officier. Le niveau de pression sur Aqmi a baissĂ©. Un exemple : Serval pouvait faire jusqu’à trois cents sorties aĂ©riennes par mois, aujourd’hui, c’est Ă peine si Barkhane en fait une dizaine". Selon lui, tous les groupes jihadistes prĂ©sents dans le nord du Mali - Mujao ou Ansar Eddine - opèrent parallèlement, mais avec le mĂŞme objectif : s’attaquer aux forces internationales dĂ©ployĂ©es au Mali". Les jihadistes profitent des "faiblesses" de leur ennemi. Et notamment celles de la coopĂ©ration rĂ©gionale. "En 2014, la Mauritanie avait demandĂ© Ă ce que son contingent au sein de la Minusma soit stationnĂ© dans cette zone frontalière, mais le gouvernement malien de la transition avait refusĂ©, regrette un diplomate ouest-africain. Aujourd’hui, la Mauritanie est revenue sur sa dĂ©cision mĂŞme d’envoyer des troupes au Mali. Mais je suis persuadĂ© que si le prĂ©sident malien Ibrahim Boubacar KeĂŻta se dĂ©plaçait Ă Nouakchott, n’y restait que deux heures et demandait en personne Ă son homologue mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz d’envoyer Ă la Minusma des hommes pour boucher ce vide sĂ©curitaire, celui-ci accepterait."
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