|       Alors qu’aux Etats-Unis, le gaz de schiste fait sa révolution depuis le milieu des années 2000 au point de remplacer progressivement le charbon dans le mix énergétique de la fédération, dans le reste du monde, il subsiste une forte réticence à l’endroit du combustible. 
 
  En effet, le gaz de schiste est ce qu’on appelle une « Ă©nergie sale » car, en amont, la fracturation hydraulique (principale technique qui permet son exploitation) prĂ©sente de très gros risques de dĂ©stabilisation des Ă©cosystèmes et son exploitation gĂ©nère de grandes quantitĂ©s de gaz Ă  effets de serre.   Le gaz de schiste : un fort potentiel en Afrique Actuellement, en Afrique, de plus en plus de pays s’ouvrent au dĂ©bat sur le gaz de schiste. Il s’agit de l’AlgĂ©rie et de l’Afrique du Sud oĂą la question du gaz de schiste est toujours au menu de l’actualitĂ© car les deux pays ont une grande soif de diversification de sources d’exportations pour le premier et de diversification dans le mix Ă©nergĂ©tique pour le second. Selon l’AIE, le premier dĂ©tient les troisième plus vastes rĂ©serves de gaz de schiste au monde avec environ 20 milliards de mètres cubes de ressources rĂ©cupĂ©rables, tandis que le second en compte 11 milliards de mètres cubes Ă©quivalents aux huitièmes plus larges rĂ©serves du monde. D’autres pays, comme la Libye, le Maroc, l’Egypte, la Tunisie, le Soudan et le Botswana possèdent des rĂ©serves non nĂ©gligeables de gaz de schiste mais les Ă©changes sur le sujet sont toujours Ă  un stade embryonnaire.
 Aujourd’hui, l’industrie énergétique africaine est en pleine mutation avec, chaque année, une amélioration de son offre pétrolière et gazière qui rime avec une demande sans cesse croissante. Les énergies renouvelables, quant à elles, prennent progressivement de l’importance dans le mix énergétique de nombreux pays africains. Mais la question du gaz de schiste en Afrique n’est que très peu abordée. Cependant, les besoins existent et les géologues l’attestent : il y a de grandes réserves de gaz de schiste en Afrique. De quoi servir de base à la refonte du système énergétique africain. Si jusque-là les lobbys de défense de l’environnement peuvent se satisfaire de l’inexistence du marché du schiste sur le continent, les acteurs de l’industrie Outre-Atlantique guettent et attendent de s’appuyer sur les perspectives de développement en Amérique du Nord pour ensuite aller à la conquête du reste du monde. Paradoxalement, comparée à la consommation du charbon, la consommation du gaz de schiste limite le réchauffement climatique, étant donné que le gaz émet deux fois moins de CO2 que le charbon.Quoiqu’il en soit, l’industrie du gaz de schiste attend son heure. Selon des prévisions de l’Agence américaine d’informations sur l’énergie, la production du combustible passera de 42 milliards de pieds cubes par jour, en 2015, à 168 milliards de pieds cubes de gaz par jour, en 2040. Le gaz de schiste comptera alors pour 30% de la production mondiale de gaz.
   L’AlgĂ©rie : pionnier africain du gaz de schiste En 2011, l’AlgĂ©rie, dont les principaux produits d’exportation sont le pĂ©trole et le gaz, est consciente que ses rĂ©serves de gaz naturel entreront dans les prochaines annĂ©es dans une phase de dĂ©clin. Pour anticiper cette situation qui aurait, Ă  terme de graves rĂ©percussions sur son Ă©conomie, le pays maghrĂ©bin prĂ©voit de lancer dès l’annĂ©e suivante une vaste vaste campagne d’exploration pour trouver du gaz de schiste. Le combustible devient ainsi une alternative de premier choix pour le pays qui est le principal producteur de gaz en Afrique et le troisième fournisseur de l’Europe. Dès lors, le gouvernement est entrĂ© en pourparlers avec des compagnies internationales comme Shell, Exxon Mobil et Eni. Les sites expĂ©rimentaux d’Ain Salah au Nord de la wilaya de Tamnarasset ont ensuite Ă©tĂ© ouverts Ă  l’exploration. Alger a mĂŞme lancĂ© un plan d’investissements dont le montant n’a pas Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©, pour produire sur 20 ans, du gaz de schiste, Ă  partir de 2020. Selon des Ă©tudes menĂ©es par l’AIE, la production de gaz de schiste en AlgĂ©rie devrait reprĂ©senter le tiers de la production totale de gaz du pays en 2040. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement algĂ©rien a dĂ©cidĂ© de mettre toutes les chances de son cĂ´tĂ©. En avril 2016, il a reçu une promesse d’accompagnement du gouvernement russe Ă  travers Gazprom, la sociĂ©tĂ© publique russe en charge du gaz. En effet, lors d’une visite de travail avec son homologue russe, Dmitri Medvedev, Abdelmalek Sellal, le premier ministre algĂ©rien d’alors a indiquĂ© que « Gazprom a certains projets de coopĂ©ration avec l’AlgĂ©rie. ». Au mĂŞme moment, le gaz de schiste amĂ©ricain livre une rude concurrence au gaz naturel algĂ©rien sur les marchĂ©s europĂ©ens. Son prix Ă©tant plus abordable, certains des clients de l’AlgĂ©rie, dont le portugais Galp Energia ont passĂ© des commandes de schiste amĂ©ricain. Le 25 avril 2016, l’agence amĂ©ricaine Bloomberg a rĂ©vĂ©lĂ© qu’une cargaison de gaz de schiste en provenance des USA devrait ĂŞtre livrĂ©e prochainement Ă  Galp Energia. Une situation qui rappelle au pays maghrĂ©bin l’importance de se positionner sur ce marchĂ©. Au mĂŞme moment, le gaz de schiste amĂ©ricain livre une rude concurrence au gaz naturel algĂ©rien sur les marchĂ©s europĂ©ens. Son prix Ă©tant plus abordable, certains des clients de l’AlgĂ©rie, dont le portugais Galp Energia ont passĂ© des commandes de schiste amĂ©ricain.  Trois mois plus tĂ´t, la Sonatrach avait suspendu l’exploration de gaz de schiste dans le pays en raison de la chute des prix du pĂ©trole qui a entraĂ®nĂ© celui du schiste et affectĂ© son budget dĂ©diĂ© Ă  l’exploration. Mais en octobre 2017, après la lĂ©gère remontĂ©e des prix du pĂ©trole, le gouvernement a annoncĂ© la reprise des travaux d’exploration du gaz de schiste dans le pays. Par ailleurs, Alger envisage de donner une grande importance au gaz de schiste dans son nouveau code pĂ©trolier, pour lequel les tractations sont en cours. Le pays devrait devenir le premier producteur africain de gaz de schiste, selon les prĂ©visions du gouvernement.   Afrique du Sud : un gros potentiel mais beaucoup de rĂ©ticence Soucieux de rĂ©duire la dĂ©pendance du pays au charbon, le gouvernement sud-africain a lancĂ© en 2012, une sĂ©rie de mesures visant Ă  dĂ©velopper l’exploitation du gaz de schiste dans le pays. Mais le projet est mal accueilli par les organisations de dĂ©fense de la nature qui ont dĂ©cidĂ© de le combattre. Pretoria est nĂ©anmoins entrĂ© en pourparlers avec plusieurs compagnies dont Shell, Falcon Oil and Gas et Bundu Gas & Oil. La rĂ©gion semi-aride de Karoo a Ă©tĂ© dĂ©signĂ©e pour accueillir les premières campagnes d’exploration.  En juin 2015, un projet de loi a Ă©tĂ© votĂ© pour approuver l’utilisation de la technique de la fracturation hydraulique dans le processus d’exploitation du gaz de schiste. Ce qui a provoquĂ© la colère des organisations de dĂ©fense des droits de la nature, notamment l’association des agriculteurs d’Afrique du Sud (Agri SA). Pour elle, mĂŞme si la rĂ©gion de Karoo est une zone très peu peuplĂ©e, elle abrite des espèces rares, telles que le zèbre de montagne et le lapin riverain. Une exploitation de gaz de schiste dĂ©truirait ainsi l’environnement et aurait de graves impacts sur les conditions de vie des populations. Il faut souligner que cette technique consiste Ă  utiliser de l’eau et des produits chimiques Ă  haute pression pour casser la roche et libĂ©rer le gaz. De plus, Agri SA brandit un rapport qui explique que les ressources de schiste prĂ©sentes dans le bassin de Karoo sont infĂ©rieures aux attentes. 
 Selon la presse locale, au deuxième semestre de 2017, au total, 5 demandes de permis d’exploration ont Ă©tĂ© examinĂ©es. Le gouvernement qui prĂ©voyait d’attribuer les licences d’exploration Ă  partir du mois de septembre avait prĂ©vu que chacune des licences aurait une validitĂ© de 3 ans. Mais alors que le feu vert de l’exploration Ă©tait attendu pour le dĂ©but de l’annĂ©e 2018, la Haute cour de justice d’Afrique du Sud a prononcĂ© le 20 octobre 2017, une dĂ©cision annulant la lĂ©gislation relative Ă  la fracturation hydraulique. Par ricochet, elle met fin aux ambitions du gouvernement de produire prochainement du gaz de schiste dans le pays. Mais pour le gouvernement, ce n’est que partie remise. Des efforts seront fournis pour relancer le dĂ©bat, a indiquĂ© le ministère de l’énergie.   Libye : sans la stabilitĂ© gĂ©opolitique, pas la tĂŞte au schiste Dans les annĂ©es 1970, la production pĂ©trolière de la Libye a atteint 3,3 millions de barils par jour, faisant du pays, l’un des 10 plus gros producteurs de pĂ©trole dans le monde. A cette Ă©poque, l’industrie pĂ©trolière Ă©tait attirĂ©e les vastes rĂ©serves dont regorge le pays et pouvait dĂ©velopper ses activitĂ©s grâce Ă  une situation gĂ©opolitique plus ou moins stable. Au cours des annĂ©es 1980, avec l’augmentation des prix du gaz et la demande mondiale qui ne cesse de croitre (notamment en provenance des industries), le gaz est devenu un combustible plus attrayant. Une intensification des programmes de forages a permis de dĂ©couvrir de nouvelles rĂ©serves de gaz naturel. Cela a encouragĂ© le gouvernement Ă  commencer Ă  chercher une nouvelle stratĂ©gie pour augmenter la production quotidienne de gaz Ă  plus de 3 milliards de pieds cubes par jour et devenir l’un des plus gros producteurs de la rĂ©gion. Selon les rĂ©sultats des diffĂ©rentes campagnes exploratoires, les ressources en gaz de schiste et en pĂ©trole de schiste se situent dans trois des principaux bassins d’hydrocarbures libyens: le bassin de Ghadamis Ă  l’ouest, le bassin de Syrte au centre et le bassin de Murzuq dans le sud-ouest du pays. Un bassin supplĂ©mentaire, le bassin Al Kufrah dans le sud-est, est supposĂ© regorger de gaz de schiste. On estime que ces trois bassins en contiennent 942 TCF de gaz de schiste en place, avec 122 TCF comme ressources prouvĂ©es de gaz de schiste techniquement rĂ©cupĂ©rables. En 2013, les responsables de la sociĂ©tĂ© publique du pĂ©trole (NOC) ont manifestĂ© leur dĂ©sir d’attirer des investissements dans le secteur afin de mettre en place « une industrie forte du schiste ». Mais avec le regain des affrontements entre les milices armĂ©es, autour des pĂ©rimètres d’exploration et de production, le projet est en toujours en suspens.   Maroc : « Non au gaz de schiste ! » DĂ©but des annĂ©es 1960, les premières campagnes d’exploration de gaz dĂ©marrent dans l’Est marocain. Mais comme l’indique les archives consultĂ©es par Equal Times, les volumes de gaz dĂ©couverts Ă  l’époque n’étaient pas suffisants pour dĂ©marrer une exploitation commerciale. AjoutĂ© Ă  cela, la faiblesse des prix du gaz naturel a dĂ©couragĂ© les investisseurs de poursuivre leurs campagnes d’exploration. Mais avec la montĂ©e des prix du pĂ©trole au-delĂ  de 100 dollars en 2008, l’industrie du gaz a pris de l’importance et celle du schiste a profitĂ© pour se ruer vers cette rĂ©gion, motivĂ©e aussi par l’amĂ©lioration des techniques d’exploration. Selon des chiffres du ministère de l’Energie, plus de 900 000 kilomètres carrĂ©s en onshore et en offshore avaient Ă©tĂ© dĂ©limitĂ©s pour favoriser une campagne dans ce sens. A ce jour seulement 30% de cette zone est explorĂ©e. Au total, 32 licences ont Ă©tĂ© attribuĂ©es aux firmes exploratoires, parmi lesquelles Circle Oil, GulfSands, Repsol et Longreach. Les Ă©tudes d’exploration menĂ©es depuis le dĂ©but des annĂ©es 2010 sont formelles. L’Est marocain est une terre de gaz de schiste.  Depuis 2016, les prospections ont repris avec entre autres Sound Energy qui a dĂ©couvert de gros gisements de gaz dans la rĂ©gion, notamment sur Tendrara.
 Pendant toute l’annĂ©e 2016 et une partie de l’annĂ©e suivante, les critiques Ă  l’encontre de la campagne exploratoire de Sound Energy sont devenues de plus en plus vives. Les organisations de dĂ©fense de l’environnement exigent de la sociĂ©tĂ© de dĂ©voiler et de prouver de quel type de gaz il s’agit car celle-ci n’en a jamais fait mention auparavant. Selon ces organisations, une exploitation non-conventionnelle demande Ă©normĂ©ment d’eau, ce qui appauvrirait le sol de la rĂ©gion qui est dĂ©jĂ  aride et y « dĂ©truirait toute forme de vie ». Enfin, en 2017, des clarifications ont Ă©tĂ© apportĂ©es par Sound Energy, prĂ©cisant que le gaz dĂ©couvert est du gaz conventionnel. Cela a permis de mettre fin Ă  la bataille des opposants au projet. Le gaz dĂ©couvert sur les lieux devrait ĂŞtre extrait Ă  partir de 2019.   Botswana : la faune ou le gaz de schiste ? Comme son voisin sud-africain, le Botswana est un gros consommateur de charbon. Lorsque du cĂ´tĂ© sud-africain, il a Ă©tĂ© prouvĂ© une forte prĂ©sence de gaz de schiste, potentiel substitut au charbon, le gouvernement a discrètement attribuĂ©, en 2014, six licences d’exploration de gaz de schiste Ă  la compagnie britannique Karoo Energy. Ceci, dans l’une des plus grandes rĂ©serves animalières du continent africain, dĂ©nommĂ©e Kgalagadi, qui longe la frontière avec l’Afrique du Sud, et qui couvre une superficie de 36 000 km2. Selon The Guardian, ces licences ont Ă©tĂ© attribuĂ©es par le gouvernement sans l’accord des responsables du parc. Les six licences couvrent la moitiĂ© de la rĂ©serve. Pour le moment, aucune activitĂ© d’exploration n’a dĂ©marrĂ© mais les scientifiques s’inquiètent pour la faune et son avenir.   Egypte : ça glisse, le schiste En 2012, la technique de la fracturation hydraulique a Ă©tĂ© adoptĂ©e, après que des rĂ©serves de 6000 milliards de m3 de gaz de schiste aient Ă©tĂ© signalĂ©es dans le dĂ©sert occidental. Quelques annĂ©es plus tĂ´t, des campagnes d’exploration ont permis de cartographier les perspectives prometteuses dans la rĂ©gion.En 2014, le pays a signĂ© son premier contrat d’exploitation de gaz de schiste avec l’AmĂ©ricain Apache et l’anglo-nĂ©erlandais Shell. La première campagne de forage a permis le forage de trois puits par la joint-venture. Selon un communiquĂ© conjoint signĂ© par les deux sociĂ©tĂ©s.
 Dans la foulĂ©e, la technique de la fracturation hydraulique a Ă©tĂ© autorisĂ©e et environ 60 puits ont Ă©tĂ© forĂ©s avant Ă  la mi-2016 avec des essais de production achevĂ©s en juin 2016. Aucun dĂ©veloppement supplĂ©mentaire n’a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© depuis cette date. On estime que la chute des prix du pĂ©trole a dĂ©couragĂ© l’injection de davantage de fonds dans le projet. Contrairement aux autres pays, aucune forme de rĂ©sistance ou d’opposition n’a Ă©tĂ© constatĂ©e pour mettre fin aux projets du Caire.   Autres La Tunisie et le Soudan sont aussi des pays avec des rĂ©serves probables de gaz de schiste. En Tunisie, ces dernières annĂ©es, une attention considĂ©rable a Ă©tĂ© accordĂ©e aux schistes bitumineux et gaziers non conventionnels en Afrique du Nord oĂą se trouvent les bassins les plus productifs du PalĂ©ozoĂŻque du cĂ´tĂ© algĂ©rien (Berkine, Illizi, Kufra, Murzouk, Tindouf, Ahnet, Oued Mya, Mouydir, etc.), explique Science Direct. Des dĂ©pĂ´ts significatifs de gaz de schiste ont Ă©tĂ© confirmĂ©es par plusieurs campagnes d’exploration dans le Sud du pays, notamment dans le Silurien prĂ©coce, le Silurien tardif et dans le Frasnien. Le sud de la Tunisie est caractĂ©risĂ© par trois principaux bassins sĂ©dimentaires du PalĂ©ozoĂŻque, du Nord au Sud, les Chotts du sud, Jeffara et Berkine. Ceux-ci contiendraient des rĂ©serves non encore exactement dĂ©finies Ă  ce jour.
 Au Soudan, la société publique du pétrole, Sudapest a signalé en 2011, la présence, dans le Nil Bleu d’environ 0,825 Tcf de gaz de schiste, indiquant que les ressources pourraient largement dépasser cette taille. Ces réserves seraient contenues dans le bloc 8. Le bloc est opéré par le malaisien Petronas. 
 
 
 
  (Ecofin Hebdo)
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